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La connaissance scientifique progresse-t-elle par l'accumulation des faits ?

Publié le 18/01/2004

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Elle a nécessairement rapport à des faits.

■ Une théorie scientifique vise donc une certaine vérité, non une simple validité formelle. On dit qu'elle est plus ou moins vérifiée. Mais il ne faudrait pas s'imaginer qu'il y a d'un côté une théorie, puis de l'autre des faits qui, ensuite, viendraient éventuellement « dire « si la théorie est, ou non, vraie. La démarche est plus complexe.

2. Les faits scientifiques

a) C'est un fait !

■ L'opinion commune a souvent recours à un « fait « pour clore une discussion : « C'est un fait ! «, dit-on ; comprenons : inclinez-vous. Mais le fait qui « saute aux yeux « n'a de sens que si je regarde dans sa direction et parce que je l'introduis dans une pensée où il signifie quelque chose. Il n'est jamais pure donnée dont le constat instruirait miraculeusement la pensée. Dans la mesure où il a un sens, il appartient à une théorie interprétative implicite.

■ Le problème se pose donc de savoir quel est le rôle joué par les faits dans rétablissement de ces lois qui constituent la science : est-ce simplement par l'accumulation de faits que progresse la connaissance scientifique ? Mais de quelle sorte de faits s'agit-il ? N'importe quel fait peut-il faire progresser la connaissance scientifique ou bien seulement certains d'entre eux ? Par ailleurs les faits seuls ne sauraient constituer une science, ils doivent s'inscrire dans une théorie ; mais est-ce eux qui permettent d'élaborer les théories scientifiques et de les confirmer ou bien ne sont-ils pas plutôt les produits des théories ? Telles sont les questions auxquelles il nous faut essayer de répondre.

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« L'observation scientifique est toujours une observation polémique : elle confirme ou infirme une thèse antérieure, unschéma préalable, un plan d'observation ; elle montre en démontrant; elle hiérarchise les apparences ; elletranscende l'immédiat ; elle reconstruit le réel après avoir reconstruit ses schémas.

Naturellement, dès qu'on passede l'observation à l'expérimentation, le caractère polémique de la connaissance devient plus net encore.

Alors, il fautque le phénomène soit trié, filtré, épuré, coulé dans le moule des instruments, produit sur le plan des instruments.Or les instruments ne sont que des théories matérialisées.

Il en sort des phénomènes qui portent de toutes parts lamarque théorique.

» • Pour donner leur place à la théorie et à l'expérience dans la constitution de la connaissance, il faut relever que laconnaissance du monde passe aussi par la connaissance du sujet connaissant lui-même.

C'est ce que dit Kant, quivise notamment à sortir de l'antithèse entre Locke et Descartes.• Dans l'épistémologie moderne de Bachelard, les «données» de l'expérience ne sont jamais «données»spontanément, mais sont construites grâce à certains instruments (par exemple, le calcul de la trajectoire d'unecomète dépend de la précision du télescope qu'on utilise).• Les instruments eux-mêmes ne sont pas «donnés»: le scientifique les construit lui-même pour tester une théoriequ'il a élaborée avant même que les «faits» qu'il décrit n'aient été rendus sensibles.

D'où l'idée que l'instrument«matérialise» une théorie: pour l'inventer, il fallait que la théorie ait déjà prévu la possibilité des données qu'ellevoulait tester. Ainsi que l'écrit G.

Canguilhem, « bien loin qu'un fait perçu ou observé soit, du seul fait qu'il est perçu et observé,un argument pour ou contre une hypothèse, il doit d'abord être critiqué et reconstruit de façon que sa traductionconceptuelle le rende logiquement comparable à l'hypothèse en question [...] Seuls les faits réformés apportent desinformations » (« Leçons sur la méthode », in Bourdieu et al., Le Métier de sociologue, 1973, p.

269).

Seuls de telsfaits peuvent éventuellement confirmer ou infirmer une théorie.

C'est ce qu'il faut préciser. 3.

Les faits, vérifications de théories? a) Un exemple classique Des fontainiers, à Florence, sont surpris par un fait auquel leur pratique les rend sensibles : l'eau ne franchit pas unecertaine hauteur-limite, dans une pompe aspirante.

C'est un fait étrange, pittoresque, etc., pas encore un faitscientifique.

Il le devient lorsque Torricelli, puis Pascal, font l'hypothèse théorique que la hauteur du liquide est enparticulier proportionnelle à la pression de l'atmosphère, et qu'ils cherchent alors des faits susceptibles de contrôler,vérifier ou infirmer, cette idée : par exemple, Pascal imagine de faire la même expérience au pied et au sommetd'une montagne (le puy de Dôme), pour « voir » si la hauteur du liquide reste ou non la même lorsque la pression del'atmosphère varie. b) Une interprétation discutable On a l'impression de se trouver maintenant en présence d'une situation simple.

D'un côté l'hypothèse théorique(elle-même inscrite dans une théorie plus vaste : l'hydrostatique, la mécanique des fluides, articulée à la mécaniquedes solides).

De l'autre, un fait scientifiquement élaboré, donc capable d'apporter des informations pertinentes.

Maisquelles informations ? Dire que la théorie est confirmée par les faits paraît d'abord aller de soi (même s'il faut comprendre : des faits).

Onne confirme que ce qui, d'une certaine façon, est déjà établi, et la théorie, en effet, précède toujours le fait (dumoins une théorie scientifique détermine-t-elle toujours consciemment les faits susceptibles d'être porteursd'informations pour elle).

Lorsque, le 19 septembre 1648, l'expérience du puy de Dôme est faite, l'hypothèse sembledéfinitivement confirmée. Mais, en toute rigueur, l'est-elle vraiment ? Quand bien même on multiplierait et accumulerait les faits, aussisolidement construits qu'ils soient, a-t-on réellement, logiquement, le droit de passer de ces faits à des propositionsuniversellement valables ? Car qu'est-ce qui nous prouve qu'un fait ne viendra pas contredire les autres ? Bien plus,rien ne peut assurer qu'une autre théorie, plus simple, plus intéressante, n'expliquerait ou n'expliquera pas mieux lesfaits en question que celle qu'on croyait confirmée par eux. c) La théorie scientifique est une théorie « falsifiable » C'est la thèse de K.

Popper.

« Les théories ne sont jamais vérifiables empiriquement», écrit-il, « c'est la falsifiabilité[= la possibilité d'être réfutée] et non la vérification d'un système qu'il faut prendre comme critère de démarcation »entre une science authentique et ce qui n'a que les apparences d'une science (La logique de la découvertescientifique, tr.

fr., p.

37).Une théorie scientifique doit élaborer les conditions de production de faits capables de l'infirmer, comme c'est le casdans l'exemple de Pascal proposé plus haut, et aucune théorie n'est jamais définitivement confirmée.

Qu'un faitinvalide une de ses propositions, c'est tout l'édifice qui lui est lié qui peut être remanié, voire abandonné. Pour mieux le comprendre, prenons un exemple.

Au XVII° siècle, un maître puisatier de Florence constate qu'il estimpossible de faire monter l'eau du puits au moyen d'une pompe aspirante à une hauteur supérieure à 10,33 m au-. »

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