La connaissance de soi peut-elle être sincère ?
Publié le 31/01/2004
Extrait du document
- I) La connaissance de soi peut être sincère.
- II) La connaissance de soi ne peut pas être sincère.
«
[C'est ne pas être sincère que de prétendre que l'on peutsincèrement se connaître soi-même.
Pour cela, il faudraitpouvoir sortir de soi.
Or, même lorsqu'on se met à distance de soi-même, on demeure toujours soi.]
Pour Auguste Comte (1798-1857), la connaissance de soi-même ne peut en aucun cas être sincère puisqu'elleest impossible.
En effet, dit livrer.» Comte, l'étude d'un être, d'une passion ne peut se faire que du dehors.
Ily a incompatibilité entre le fait d'observer et le fait de penser, d'éprouver des sentiments, des passions.«L'individu ne saurait se partager en deux, dont l'un raisonnerait, tandis que Vautre regarderait raisonner»(Cours de philosophie positive).
Autrement dit, je ne peux pas être en même temps l'objet de l'observation etl'observateur.
« Je est un autre », écrivait Rimbaud, et il est vrai que l'expérience de la conscience consiste souvent àéprouver la différence entre soi et soi, par une sorte de dédoublement.
Sur le plan moral, nous sentons ainsil'opposition entre le moi égoïste, celui qui ne connaît que ses pulsions, et la personne sociale, ou surmoi, quirespecte scrupuleusement les conventions et les lois.
Ce second moi en est-il du reste encore un, ou n'est-ilau fond que l'intériorisation de la société, avec son côté arbitraire et dictatorial ? Dans lequel des deux « moi» reconnaissons-nous le mieux notre identité ?
L'inconscient, qu'on ne peut, par définition, connaître directement, semble pourtant se révéler à nous.
Maisses multiples manifestations ne semblent pas toutes désirables.
Est-il possible de les maîtriser, et n'est-ce paslà la fonction de la conscience ? N'est-ce pas aussi le but de l'éducation, qui serait en un sens une accessionà la conscience ? On se demande toutefois si une telle maîtrise de soi s'accomplit vraiment pour soi, ouseulement pour autrui, comme contrainte limitative de la personnalité.
Quoi qu'il en soit, la conscience sembletout entière occupée à choisir, à décider entre les tendances, les désirs ainsi que les motifs rationnels.
Est-elle le véritable moi ? Est-elle vraiment autonome ?
Être conscient, c'est d'abord être affecté par quelque chose, aussi la conscience peut-elle apparaître commeessentiellement réceptive, voire passive.
La conscience est-elle libre, ou déterminée ? La conscience signifie-t-elle l'acceptation résignée de l'ordre des choses, ou se définit-elle au contraire par sa capacité à letranscender, voire à le refuser ? Se définit-elle dans la soumission ou dans la révolte ? Paradoxalement, le faitde prendre conscience de sa propre impuissance peut aussi signifier être libre.Connaître le bien et le mal, être capable d'en juger, est aussi du ressort de la conscience.
Jugeons-nous entoute indépendance, ou sommes-nous influencés par notre éducation ? De plus, ce qui est bien pour l'un l'est-il nécessairement pour l'autre ? Et s'il s'agit avant tout de soi, ne faut-il pas se connaître, pour savoir ce quiest bien pour soi ?
La conscience semble se distinguer de la raison, non pas parce que la raison pourrait exister sans conscience,mais parce que la conscience ne se limite pas à la rationalité : les sensations, les émotions, les opinions plusou moins fondées, l'intuition, sont des phénomènes de la conscience.
Ce qui fait l'identité irréductible d'unsujet semble plutôt se trouver du côté de la conscience, avec l'ensemble de son vécu, que de la raison, plusobjective, par laquelle la personne ne diffère nullement d'une autre.Si la conscience enregistre les sensations, elle est aussi capable de prendre de la distance avec elles, dedistinguer ce qui relève du moi et ce qui relève du monde.
Elle représente ainsi un moyen privilégié d'accès auréel.
L'idée d'un inconscient psychique pose deux types de problèmes.
D'abord la conscience peut paraître, non pasle lieu d'une révélation ou d'une vérité, mais au contraire la source de l'illusion.
Prendre conscience pourraitsignifier se tromper sur soi-même et sur les choses.
D'autre part, l'hypothèse d'un inconscient dominateurnous conduit à mettre en question la liberté humaine, l'autonomie individuelle, si tant est que celle-ci ait sonsiège et sa garantie dans la conscience seule.
La conscience est-elle capable de porter un jugement critiquesur elle-même, de s'interroger ? Sans doute plus que l'instinct, et ce pouvoir de délibération ramènerait laliberté du côté de la conscience.
Qu'est-ce que le sujet, l'individu ? Peut-on réellement définir ce qui ne change pas, ce qui reste immuabledans un être, au-delà de toutes les modifications que le temps et les circonstances ont apportées ? Cesmodifications ne constituent-elles pas de surcroît cet être dans son existence actuelle ?.
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