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La conscience de la mort est-elle le propre de l'homme ?

Publié le 25/01/2004

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Ce sont peut-être l'activité même de la conscience, sa tension vers ce qui fut et ce qui n'est pas encore, et son attention au présent, qui constituent le temps et rendent possible sa mesure. Exister dans le temps, ou plutôt être temps, c'est pour la conscience endurer la distension de la mémoire et de l'attente, et tâcher de la corriger par une attention au présent, qui apparaît ainsi comme la dimension privilégiée du temps. Le phénomène de la distension semble ainsi constituer l'essence du temps : la distension est précisément l'acte par lequel l'âme, non pas s'inscrit dans le temps, mais se fait temps, se « temporalise », pour ainsi dire. Acte précisément décrit par Plotin. Là est l'événement qui fait advenir le temps, par exemple lorsque la prise de conscience subite du vieillissement, et de l'imminence de la mort, arrache un homme à toutes les routines et l'oblige à s'appréhender lui-même comme pur existant, ou, selon le mot de Proust, comme un bloc friable de « temps vivant vécu ».Finitude de l'existence et expérience du tempsLa conscience de la mort est-elle le propre de l'homme ?S'il y a une spécificité de la manière proprement humaine d'exister, par opposition à la simple « vie » animale, elle tient peut-être à ce que nous autres hommes savons que nous allons mourir. Même s'il y avait quelque imprudence à dénier à l'animal tout pressentiment de sa fin, il semble en effet que la clarté et l'indubitabilité de cette certitude soient une propriété distinctive de l'homme. C'est bien pourquoi, du reste, les Grecs usaient généralement de l'expression « les mortels » pour désigner l'humanité, ainsi distinguée de ses dieux (les « immortels »), et des animaux : ces derniers, moins individués que les êtres humains, apparaissaient comme autant d'exemplaires interchangeables de telle ou telle espèce vivante, à jamais présente au sein de la nature. Cette conscience qu'a l'homme, non seulement de son individualité personnelle, mais, peut-être d'abord, de sa finitude, serait-elle à l'origine de la culture ?
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« • S'agit-il de «la mort en deuxième personne»?Comme le dit Jankélévitch, ne pourrait-on dire que «la mort d'un être cher» (un Toi) «est presque comme la nôtre,presque aussi déchirante que la nôtre» ?Ne serait-ce pas le cas privilégié de l'«expérience» de la mort ?Mais, une nouvelle fois, que signifie ici «expérience» et surtout c'est expérience de quoi ? De la mort elle-même oud'autre chose» ? • «La mort» n'est-elle pas toujours, pour nous, pour moi, une fiction par rapport à ce qu'elle peut «être» (si tant estqu'on puisse dire que la mort « est »).

Une «fiction», des «fictions» engendrées par des vivants (qui savent que «lamort» les menace inéluctablement).En d'autres termes, a-t-on «l'expérience de la mort», ou l'expérience de « fictions » engendrées par Vidée de mortinéluctable (que son heure d'arrivée soit certaine ou incertaine) ? L'expérience d'angoisse(s) ? INDICATION DE LECTURE • Anthropologie du point de vue pragmatique de Kant (Vrin) notamment les pages 45-46.• La Mort de Jankélévitch (Flammarion).• L'Être et le Temps de Heidegger in « Qu'est-ce que la métaphysique ?» (Gallimard) notamment la page 144.Citation : «On meurt», parce qu'en disant «on meurt» chacun des autres et soi-même en même temps, «on» peuts'en faire accroire : oui, on meurt, mais chaque fois ce n'est justement pas moi; le «on» ce n'est personne. L'un des principaux marqueurs d'humanité, et l'un des plus anciens, est le comportement face au mort.

«La mort»est une expression bien générale et bien abstraite et il n'est pas du tout sûr que Homo sapiens sapiens, le dernierrejeton de la famille Homo, ait eu tout de suite une idée de «la mort ».

En revanche, ce dont nous sommes certains,grâce aux sépultures dont nous avons pu découvrir les vestiges, c'est que Homo sapiens sapiens, il y a une centainede milliers d'années, a été le premier à prendre un soin particulier des corps des morts.Ce souci, cette sollicitude n'ont pas d'équivalent chez les animaux.

Les «cimetières» d'éléphants appartiennent à lalégende et même s'il est vrai que des animaux peuvent dans une certaine mesure avoir le pressentiment de leurmort, nous n'en avons jamais vu s'occuper de manière réglée du corps inerte de leurs congénères.

L'attitude decrainte et de respect vis-à-vis des cadavres (comment comprendre autrement les rites funéraires?) est sans douteliée à des croyances métaphysiques dont nous ne pouvons rien savoir de précis, faute de textes.

Ii n'en reste pasmoins vrai que l'hypothèse selon laquelle il y a une centaine de milliers d'années, l'homme croyait à un mondeinvisible est plausible.Un philosophe allemand, Heidegger, dira ainsi que l'homme est l'être des lointains: lointains dans l'espace (nosancêtres se déplaçaient sur des distances considérables, des milliers, voire des dizaines de milliers de kilomètres),lointains dans le temps (la pensée du passé, grâce à la mémoire, et la pensée du futur, grâce à l'imagination).

À ladifférence de l'animal, en effet, l'homme est l'être qui ne se contente pas de vivre dans le lieu et l'instant présents.

« Philosopher c'est apprendre à mourir.

» Montaigne, Essais, 1580-1588. Montaigne prône ici la « pré-méditation » de la mort.

Pour combattre la crainte qu'elle suscite en nous, il fautl'apprivoiser, nous faire à son idée, nous habituer à elle : «N'ayons rien si souvent en tête que la mort », dit-il plusloin. « La préméditation de la mort est préméditation de la liberté.

Qui a appris à mourir, il a désappris à servir.

»Montaigne, Essais, 1580-1588.S'accoutumer à l'idée de notre propre mort, c'est nous libérer de la frayeur qu'elle nous inspire.

Ainsi, apprendre à. »

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