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Les convictions sont des ennemis de la vérité plus dangereux que les mensonges. Qu'en pensez-vous ?

Publié le 27/02/2004

Extrait du document

• L'opposition de deux termes, «convictions« et «mensonges«, est fondamentale dans la citation. On s'attachera donc à définir rigoureusement le contenu et les implications de cette opposition dans le contexte de la phrase. Ce travail prendra un sens philosophique dans la mesure où l'on aura constitué explicitement un problème permettant de le situer, de le mettre en perspective en dégageant son enjeu et sa portée.

 • L'opposition convictions/mensonges peut être envisagée de deux points de vue complémentaires :  - réflexion sur la réalité du rapport qui existe entre un sujet et ses propres représentations ou opinions explicites. Mise en jeu de conceptions différentes de ce rapport, que l'on pourra préciser en posant quelques questions. Par exemple : suis-je maître de mes propres représentations ? Celles-ci déterminent-elles en moi, et à mon insu, des fixations mentales qui conditionnent et modèlent mes idées et mes opinions ?Y a-t-il, au contraire, en moi un pouvoir de distanciation dont ma volonté est l'instrument, dans la mesure où elle reste libre de statuer sur les représentations, d'orienter « délibérément« la formulation des jugements dans un sens ou dans l'autre? Etc. - réflexion sur les enjeux de la conception que l'on se fait de l'opposition convictions/mensonges, notamment dans des domaines définis où l'on peut en apprécier les conséquences : domaine pratique (ou moral) où la question de la vérité prend son sens par rapport aux finalités de l'action humaine, ou domaine de la production des connaissances où l'on envisage les préjugés et autres blocages comme devant être surmontés par l'exigence de vérité.  

« Éléments pour une étude critique de la citation • Sans lui être réductible, la conviction peut s'apparenter à l'illusion dans la mesure où elle implique une absence dedistanciation critique.

Le fait que l'individu puisse avoir intérêt à nourrir ses illusions, le conduit à s'en faire plus oumoins consciemment le complice.

Sa conviction s'établit alors comme une sorte d'« engagement» subjectif qui tout àla fois exclut l'exigence de vérité et s'efforce de la contrarier par tous les moyens.

- Dans L'Apologie de Socrate,Platon caractérise l'illusion de savoir et les valorisations subjectives ou les intérêts qui la confortent.

La vérité«dérange» chaque fois qu'elle met en cause des illusions qui sécurisent, mais aussi des intérêts.

Les convictions quialors s'opposent à elle sont de plus ou moins bonne foi.

On en trouvera un exemple dans le Gorgias de Platon, oùGorgias et Calliclès manifestent à des titres divers cette attitude dogmatique et fermée qu'il s'agit de déstabiliserpour rendre possible une démarche de recherche.

En s'y employant, Socrate suscite l'embarras (aporia) de Gorgiaset la fureur de Calliclès.

Attitudes qui signalent la victoire de Socrate mais n'annoncent par forcément, chez sesinterlocuteurs, un désir durable de reconsidérer leurs positions.

Ici intervient en effet l'intérêt qu'un individu peutavoir à maintenir des convictions mises à l'épreuve par une critique rationnelle.

La ténacité des préjugés, lasubsistance d'intérêts qui ne disparaissent pas en même temps que les prétendues raisons invoquées par lesconvictions expliquent que celles-ci puissent survivre à leur réfutation rationnelle.

Simplement, elles sont vécuesdifféremment et apparaissent comme un entêtement obtus confinant à la mauvaise foi, voire au mensonge.

- Le livreVII de La République de Platon (allégorie de la caverne) caractérise plutôt une situation première d'illusion (êtreprisonnier de la caverne) sur la base de laquelle s'organise tout un monde de représentations et de convictions.

Leprisonnier ne peut s'arracher spontanément à cette situation.

Il y a nécessité d'une rupture, d'un renversement quin'est pas autre chose, symboliquement, que la conversion philosophique dont parle Platon dans un langage imagé :«La conversion de l'âme de je ne sais quel jour nocturne vers le vrai jour, qui est montée vers l'être, c'est ce quenous affirmerons être la vraie philosophie.

»• La fonction ainsi mise en évidence de la philosophie sera thématisée par Descartes et par Spinoza de plusieursfaçons : - Pour Descartes, le doute méthodique, destiné à suspendre l'emprise deconvictions préétablies, d'habitudes de pensée et de préjugés, est unpréalable nécessaire à la recherche de la vérité.

Processus résultant d'unedécision, il fait suite à cette forme plus primitive, et en un sens plus passive,de doute qui résulte de la déception éprouvée lors de la « découverte » de lafausseté d'une idée auparavant tenue pour incontestable.

Pour éviter lerisque de la substitution d'une conviction sceptique à la convictiondogmatique, Descartes se propose de définir un fondement inébranlable de larecherche de la vérité, de sa possibilité même.

D'où la recherche d'unepremière vérité qui puisse m'assurer de la validité des moyens « naturels»dont je dispose (le bon sens ; cf plus haut « le jugement ») et desinstruments dont je vais me doter (les règles de la méthode).- Pour Spinoza, les convictionspremières des hommes ne constituentpas des mensonges délibérés.

Ellesreposent sur des illusions très tenacesqui prennent leur source dans les désirshumains et dans des projectionsanthropomorphiques.

Ainsi, l'illusion dela finalité, sur laquelle reposent tant deconvictions, vient de ce que leshommes supposent que l'ensemble de la nature agit en vue d'une fin, comme eux-mêmes.

Illusion autour de laquelles'organise toute une série de fictions et de valorisations inconscientes.

Lafiction du libre arbitre, par exemple, ou le maniement des notions axiologiques(bien/mal) s'inscrivent sur fond d'ignorance et acquièrent une force singulière.Ancrée dans les désirs et les angoisses propres à la condition humaine, laconviction s'établit en deçà de toute entreprise réflexive rationnelle : elles'incruste et résiste d'autant plus fortement que l'homme y trouve davantagede «bénéfices secondaires », de compensations ou de consolations.

Pourcette raison même, Spinoza solidarise un changement effectif de la conditionexistentielle et une élucidation génétique rationnelle pour faire reculerefficacement les puissance obscurantistes.• Aux confins de la conviction et du mensonge s'esquisse une subtile dialectique : ni tout à fait simple victime, nitout à fait complice résolu des illusions qu'il nourrit, l'homme ne vit-il pas l'exigence de vérité sur un modenécessairement ambivalent? S'il en pressent, d'un côté, le caractère libérateur, il tend, de l'autre, à la rejeter, dansla mesure où elle dissout les illusions qui le sécurisent.

La conviction comme le mensonge peuvent dès lors oscillerentre des formes extrêmes où s'exaspère le refus de la vérité qui dérange : entre la fuite éperdue dans le fanatismeet la morosité nonchalante de l'indifférence, la conviction passe par tous les degrés d'un même rejet, d'une mêmeattitude d'aveuglement.

De même, entre le mensonge délibéré et cynique pour tromper volontairement autrui etcette forme de mensonge à soi qu'est la mauvaise foi, la conscience implicite de la vérité (même si celle-ci estappréhendée négativement) traduit une sorte d'« arrangement» dont la commodité existentielle sera plus ou moins. »

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