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Le couple Don Juan et Sganarelle

Publié le 16/09/2006

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Sganarelle est la fois serviteur de Don Juan, un moyen de faire-valoir le personnage du libertin, le compagnon de Don Juan et son admirateur.

 

I/ Sganarelle : un serviteur dévoué.

 

On apprend dès la première scène que Sganarelle est au service de Don Juan : « Tu vois en Don Juan mon maître… «. Dans la pièce Molière désigne Sganarelle comme le valet de Don Juan mais en réalité les rapports entre les deux personnages sont complexes.

Quand Dom Juan est en compagnie de Sganarelle c’est lui qui dirige le dialogue. Il interroge son domestique avec autorité, ou lui donne la permission de s’exprimer :

    - « Veux-tu répondre ? « (acte I, scène 3)

    - « Je te donne la liberté de parler et de me dire tes sentiments « (acte I scène 2)

Don Juan utilise Sganarelle comme son porte-parole et lui ordonne parfois d’intervenir à sa place :

    - « Appelle un peu cet homme que voilà là-bas (acte III, scène 1)

Et à chaque fois Sganarelle exécute les ordres de Don Juan.

Pourtant Don Juan n’est pas tendre dans les termes qu’il envoie vis-à-vis de son valet lorsqu’il est en colère ou mécontent contre lui. Les termes utilisés sont insultants : « traître «, « coquin «, « maraud «, « maître-sot «.

Don Juan peut être également cruel avec son lui lorsqu’il lui perce la joue quand ce dernier a pris un morceau de nourriture dans un des plats destinés à son maître.

 

Parfois le maître fait passer son serviteur pour un bouffon. Il le laisse s’exprimer longuement car son raisonnement s’appuie sur des proverbes, des légendes populaires  avec une certaine naïveté ce qui le rend comique à la vue de Don Juan. Cependant le langage et le comportement de Sganarelle sont souvent teintés d’humour et de fantaisie.

Pour faire une remontrance à son maître, Sganarelle s’adresse à un maître hypothétique tout en étant directe.

 

Don Juan (acte IV, scène 8) ordonne à Sganarelle de chanter pour régaler la statue du Commandeur qui vient souper.

 

II/ Sganarelle, faire-valoir du libertin.

 

La question est de savoir si le rôle de Sganarelle n’est pas de mettre en valeur l’athéisme et le libertinage de Don Juan liés à sa condition d’aristocrate.

Le personnage de Sganarelle contraste avec celui de Don Juan. Le valet est un homme du peuple donc sa culture ne lui permet pas de raisonner comme Don Juan. Sa foi est naïve et se mêle à la superstition et aux croyances les plus diverses. Il se soumet aux sacrements imposés par l’Eglise par crainte du péché. Le libertinage de Don Juan est une forme de bravade, une recherche de pouvoir et de liberté.

Sganarelle souligne l’athéisme de Don Juan, dans la mesure où il participe aux avertissements qui laissent prévoir le châtiment final du libertin. A plusieurs reprises il met en garde Don Juan.

L’attitude de Sganarelle suit l’évolution de l’intrigue. Ses propos traduisent la crainte, le présage, puis ils annoncent avec certitude la mort et la damnation du libertin (« Vous serez damné à tous les diables « : acte V, scène 2).

 

III/ Sganarelle : un compagnon fidèle

 

Les deux personnages s’éclairent mutuellement. Sur les 27 scènes de la scène, Don Juan et Sganarelle sont présents ensemble dans 26 ! Don Juan n’apparaît jamais sans Sganarelle qui lui par contre est seul dans la première scène. Les liens entre les deux personnages sont très forts. Ils ne peuvent se passer l’un de l’autre.

 

Sganarelle écoute Don Juan :

Le rôle d’auditeur joué par Sganarelle est important. Molière n’utilise pas le monologue. C’est un moyen de faire « passer « les intentions et les sentiments de Don Juan qui demeure solitaire.

 

Sganarelle est un rapporteur et un juge pour Don Juan :

Parfois Don Juan lui pose de nombreuses questions car Sganarelle en tant que valet est souvent au courant des dernières nouvelles avant son maître.

Don Juan invite souvent son domestique à donner son avis, prononcer un jugement, émettre une opinion sur un thème qui intéresse Don Juan. :

    - « Je te donne liberté de parler et de me dire tes sentiments «.

 

Sganarelle représente un miroir-vérité pour Don Juan :

Don Juan a besoin de sonder fréquemment son pouvoir hypnotique et sa puissance subjuguante sur Sganarelle. Don Juan cherche à savoir si Sganarelle a encore une certaine personnalité, un jugement autonome, s’il est capable de sincérité et d’audace, ou si c’est définitivement un perroquet qui l’imite.

 

Sganarelle représente une conquête pour Don Juan qui n’a pas encore abouti :

Tant que l’emprise du maître sur le valet ne sera pas totale, le valet sera capable de lui plaire.

 

Sganarelle est un compagnon de longue date de Don Juan :

Il est à son service depuis longtemps car une certaine complicité et une certaine intimité se sont installée entre les deux hommes. Sganarelle dit :

    - « Je sais mon Don Juan sur le bout du doigt « (acte I, scène 2)

Cette complicité de longue date se traduit par la présence des deux personnes sur un même niveau d’égalité ou un valet vu comme un témoin que le maître exploite en cas de besoin.

 

IV/ Sganarelle admire Don Juan.

 

Il se substitue à lui :

Dès la première scène, lors du lever de rideau, Sganarelle, dans sa démonstration oratoire sur les bienfaits du tabac, imite son maître pour se donner de l’importance. A cette époque les effets fastes ou néfastes du tabac alimentaient les conversations à la cour et dans les salons. Louis XIII avait interdit la vente du tabac à priser et son prix était très élevé et en faisait un luxe réservé aux seigneurs. Dans cette première scène, Sganarelle pourtant tient une tabatière dans sa main (il l’a peut-être volée à Don Juan !). Il essaie de se comporter comme un gentilhomme qui accepte certaines mœurs libertines. Sganarelle parodie le langage de son maître. Ceci le différencie du valet Gusman (son interlocuteur dans cette scène) car celui-ci est au même niveau social que lui. Il cherche donc à l’impressionner, à fanfaronner, à le dominer pour une fois (comme le fait son maître).

 

Sganarelle ne peut pas se passer de Don Juan :

Dans la première scène de la pièce (Sganarelle et Gusman), le valet brosse le portrait de son maître. Il le critique avec un emportement sans limites. Il multiplie les accusations lourdes d’insultes. Sganarelle est sincère lorsqu’il déclare qu’il aimerait voir son maître « aux cinq cents diables «.

Il est aussi sincère quand il déclare « Il n’y a que moi seul de malheureux « (acte V, scène 6) ou « Il me vaudrait bien mieux être au diable qu’avec lui « (acte I, scène 1).

Mais ce ne sont que des paroles car Sganarelle ne peut plus se passer de Don Juan. Il a besoin de lui pour l’imiter et avoir l’impression de lui ressembler. Il est devenu un être complexé, qui vit à travers Don Juan et qui n’existe que par lui. Le valet a l’impression d’être l’ombre du seigneur. Mais il se révolte lorsqu’il réalise qu’il ne s’agit que d’un jeu, d’une illusion.

 

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