CROYANCE OU CERTITUDE

Un fait extraordinaire peut nous laisser penser un instant que nous avons été jusque là bernés par une illusion. La question est un éclair de lucidité qui met en cause des certitudes admises. C'est par elle que la cause ou la raison supposées sont remises en jeu, tandis que l'esprit se met en quête d'une nouvelle explication. Ne pouvant jamais être à l'abri d'une exception, nos jugements et notre connaissance ordinaires ne reposent-ils pas sur des croyances, fondées par les habitudes et les conventions ? Mais comment pouvons-nous être assurés que nous ne quittons pas une illusion pour une autre ? Il est peut-être illusoire de penser que le monde existe de toute éternité, mais n'est-il pas également illusoire de poser l'hypothèse qu'il a eu un commencement absolu dans le temps, avant lequel il n'y avait rien, et après lequel tout est apparu ? Une fois atteint un certain point de développement, la pensée se heurte aux mêmes incertitudes qu'elle avait découvertes à l'origine de son interrogation. Il en est peut-être de la réalité comme d'un oignon : il suffit d'en ôter la pelure pour trouver une couche, qui dissimule une autre couche, qui à son tour en recouvre une autre, etc. Au centre, on découvre le germe qui nous laisse avec tout son mystère, dont on peut dire à la fois qu'il est tout ou qu'il n'est rien, sans que cela nous fasse progresser en quoi que ce soit. On voit par là que chaque connaissance est relative à un certain point de vue, qu'elle dépend d'une certaine perspective, qu'elle peut constituer un progrès ou un approfondissement, mais sans pour autant prétendre détenir le secret ou le fin mot de l'histoire.