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Est-ce dans la solitude que l'on prend conscience de soi ?

Publié le 16/07/2005

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conscience

Seul un être pris dans un réseau de relations avec les autres peut finalement dire « je «, et par là avoir conscience de lui-même.   * Une définition dynamique de la conscience comme rapport au monde   Sartre   « La conscience et le monde sont donnés d'un même coup : extérieur par essence à la conscience, le monde est, par essence, contraire à elle. [...] Connaître, c'est s'éclater vers «, s'arracher à la moite intimité gastrique pour filer, là-bas, par-delà soi, vers ce qui n'est pas soi, là-bas, près de l'arbre et cependant hors de lui, car il m'échappe et me repousse et je ne peux pas plus me perdre en lui qu'il ne se peut diluer en moi : hors de lui, hors de moi. Est-ce que vous ne reconnaissez pas dans cette description vos exigences et vos pressentiments ? Vous saviez bien que l'arbre n'était pas vous, que vous ne pouviez pas le faire entrer dans vos estomacs sombres, et que la connaissance ne pouvait pas, sans malhonnêteté, se comparer à la possession. Du même coup, la conscience s'est purifiée, elle est claire comme un grand vent, il n'y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi ; si, par impossible, vous entriez « dans « une conscience, vous seriez saisi par un tourbillon et rejeté au dehors, près de l'arbre, en pleine poussière, car la conscience n'a pas de « dedans « ; elle n'est rien que le dehors d'elle-même et c'est cette fuite absolue, ce refus d'être substance qui la constituent comme une conscience. Imaginez à présent une suite liée d'éclatements qui nous arrachent à nous-mêmes, qui ne laissent même pas à un nous-mêmes « le loisir de se former derrière eux, mais qui nous jettent au contraire au-delà d'eux, dans la poussière sèche du monde, sur la terre rude, parmi les choses ; imaginez que nous sommes ainsi rejetés, délaissés par notre nature même dans un monde indifférent, hostile et rétif ; vous aurez saisi le sens profond de la découverte que Husserl exprime dans cette fameuse phrase : Toute conscience est conscience de quelque chose. « Il n'en faut pas plus pour mettre un terme à la philosophie douillette de l'immanence, où tout se fait par compromis, échanges protoplasmiques, par une tiède chimie cellulaire. La philosophie de la transcendance nous jette sur la grand'route, au milieu des menaces, sous une aveuglante lumière.

L'interrogation « est-ce (...) que (...) « indique d'emblée que l'on s'interroge sur la condition dans laquelle on accomplit un acte, cette condition étant ici la solitude, et l'acte, le fait de prendre conscience de soi. Il va falloir évaluer le degré de pertinence de l'affirmation qui pose cette condition à l'accomplissement cet acte.

La solitude, d'abord, peut se définir comme un éloignement – provisoire ou radical et définitif – des autres. On pourrait aussi lui donner un sens plus fort, comme étant l'état de celui qui n'a jamais connu l'autre. Si l'on considère que la proposition du sujet est pertinente, il faudra donc travailler aussi sur le type de solitude qui donne accès à la prise de conscience de soi.

L'expression « prendre conscience de soi « pose davantage de problèmes. Le terme « prendre « montre qu'il est ici fait référence à un acte, à un mouvement, à une activité dynamique, et non pas à un état statique, à un contenu de pensée acquis une fois pour toutes. Avoir conscience de soi, c'est se sentir comme individu distinct, doté d'une identité propre et unique ; c'est peut-être aussi avoir une connaissance de cet individu.

Le sujet met en question le processus d'acquisition de cette conscience de soi en ce qui concerne ses conditions, en posant le problème de la prise de conscience qu'a l'individu de lui-même par opposition à la collectivité. Un état de solitude absolue semble difficilement concevable – il pourrait cependant servir de modèle théorique  -, on peut travailler donc en premier lieu sur la question suivante : une solitude momentanée et relative peut-elle m'aider à prendre conscience de ce que je suis ou de qui je suis ? Cela demande que l'on s'interroge sur le rôle du rapport à autrui dans le processus de prise de conscience de soi – autrui est-il un obstacle, ou au contraire une référence, un miroir, un juge utile ? On pourra ensuite évaluer le degré ou le type de solitude nécessaires – la solitude permanente est-elle seule garante d'une prise de conscience de soi pertinente ? est-elle au contraire un état empêchant toute conscience de soi, ou rendant celle-ci fausse et illusoire ? est-elle un état qu'il faut adopter de manière passagère pour prendre conscience de soi ? Le présupposé contenu dans le sujet, et qui est que l'autre m'éloigne de moi-même, m'en divertit, est-il pertinent ?

 

conscience

« « Plus on remonte dans le cours de l'histoire, plus l'individu - et par suite l'individu producteur lui aussi - apparaîtdans un état de dépendance, membre d'un ensemble plus grand : cet état se manifeste tout d'abord de façon toutà fait naturelle dans la famille et dans la famille élargie jusqu'à former la tribu ; puis dans les différentes formes decommunautés, issues de l'opposition et de la fusion des tribus.

Ce n'est qu'au dix-huitième siècle, dans la "sociétébourgeoise", que les différentes formes de l'ensemble social se présentent à l'individu comme un simple moyen deréaliser ses buts particuliers, comme une nécessité extérieure.

Mais l'époque qui engendre ce point de vue, celui del'individu isolé, est précisément celle ou les rapports sociaux (revêtant de ce point de vue un caractère général) ontatteint le plus grand développement qu'ils aient connu.

L'homme est, au sens littéral, un animal politique, nonseulement un animal sociable, mais un animal qui ne peut s'isoler que dans la société.

La production réalisée endehors de la société par l'individu isolé - fait exceptionnel qui peut bien arriver à un civilisé transporté par hasarddans un lieu désert et qui possède déjà en puissance les forces propres à la société - est chose aussi absurde quele serait le développement du langage sans la présence d'individus vivant et parlant ensemble.

» Pour travailler la question du lien entre le rapport aux autres et la prise de conscience de soi, on peut s'interrogersur l'identité sociale de tout individu : le rapport au groupe définirait celui-ci dans une très large mesure, si bien quela solitude gommerait toute une partie de la conscience de soi de l'individu.

Pour prendre conscience de soi commeindividu distinct, séparé des autres, il faut nécessairement que les autres existent – par exemple parce que pourm'identifier je dois acquérir le langage, qui nécessite le rapport avec l'autre.

Seul un être pris dans un réseau derelations avec les autres peut finalement dire « je », et par là avoir conscience de lui-même.

* Une définition dynamique de la conscience comme rapport au monde Sartre « La conscience et le monde sont donnés d'un même coup : extérieur par essence à la conscience, le monde est,par essence, contraire à elle.

[...] Connaître, c'est s'éclater vers », s'arracher à la moite intimité gastrique pour filer,là-bas, par-delà soi, vers ce qui n'est pas soi, là-bas, près de l'arbre et cependant hors de lui, car il m'échappe etme repousse et je ne peux pas plus me perdre en lui qu'il ne se peut diluer en moi : hors de lui, hors de moi.

Est-ceque vous ne reconnaissez pas dans cette description vos exigences et vos pressentiments ? Vous saviez bien quel'arbre n'était pas vous, que vous ne pouviez pas le faire entrer dans vos estomacs sombres, et que la connaissancene pouvait pas, sans malhonnêteté, se comparer à la possession.

Du même coup, la conscience s'est purifiée, elleest claire comme un grand vent, il n'y a plus rien en elle, sauf un mouvement pour se fuir, un glissement hors de soi; si, par impossible, vous entriez « dans » une conscience, vous seriez saisi par un tourbillon et rejeté au dehors,près de l'arbre, en pleine poussière, car la conscience n'a pas de « dedans » ; elle n'est rien que le dehors d'elle-même et c'est cette fuite absolue, ce refus d'être substance qui la constituent comme une conscience.

Imaginez àprésent une suite liée d'éclatements qui nous arrachent à nous-mêmes, qui ne laissent même pas à un nous-mêmes» le loisir de se former derrière eux, mais qui nous jettent au contraire au-delà d'eux, dans la poussière sèche dumonde, sur la terre rude, parmi les choses ; imaginez que nous sommes ainsi rejetés, délaissés par notre naturemême dans un monde indifférent, hostile et rétif ; vous aurez saisi le sens profond de la découverte que Husserlexprime dans cette fameuse phrase : Toute conscience est conscience de quelque chose.

» Il n'en faut pas pluspour mettre un terme à la philosophie douillette de l'immanence, où tout se fait par compromis, échangesprotoplasmiques, par une tiède chimie cellulaire.

La philosophie de la transcendance nous jette sur la grand'route, aumilieu des menaces, sous une aveuglante lumière.

Être, dit Heidegger, c'est être-dans-le-monde.

Comprenez cet «être dans au sens du mouvement.

Être, c'est éclater dans le monde, c'est partir d'un néant de monde et deconscience pour soudain s'éclater-conscience-dans-le-monde.

Que la conscience essaye de se reprendre, decoïncider enfin avec elle-même, tout au chaud, volets clos, elle s'anéantit.

Cette nécessité pour la conscienced'exister comme conscience d'autre chose que soi, Husserl la nomme intentionnalité.

» La conception marxiste amène à envisager une conception de la conscience de soi non pas comme un simplecontenu de représentations – qui pourrait exiger un état de solitude pour l'examiner au calme – mais comme unrapport toujours renouvelé au monde qui nous entoure.

La conception sartrienne de la conscience comme activitédynamique rend ainsi impossible de concevoir quelque chose comme une vie intérieure de la conscience qu'il faudraitressaisir dans la solitude : car l'individu existe à l'extérieur et dans le monde.

Puisque je n'existe que par ma relationau monde, prendre conscience de moi c'est prendre conscience que j'existe dans le monde.

Conclusion La prise de conscience de soi dans la solitude est un lieu commun – on peut penser par exemple à la figure du sageermite - ; on s'aperçoit cependant que ce lieu commun présuppose une conception statique de la consciencecomme contenu de pensée que l'on pourrait contempler à son aise dans la solitude, ce qui contrevient à uneconception dynamique de la conscience comme rapport au monde.On pourrait aller plus loin encore, dans une perspective marxiste, et affirmer que si ce n'est pas dans la solitude quel'on prend conscience de soi, c'est parce que la conscience n'est pas une instance absolue mais un produit del'activité matérielle de l'homme.

Alors la conscience n'est pas première, elle n'est pas un contenu de penséepréexistant que l'on pourrait contempler, elle n'est qu'un effet de l'activité pratique de l'homme : répondre au sujetdemande donc finalement que l'on tranche pour une définition précise de la conscience – c'est la définition de laconscience comme rapport actif au monde qui est retenue ici.. »

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