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David HUME: CONTEMPLATION ET BEAUTE

Publié le 27/02/2008

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Il est impossible de poursuivre dans la pratique de la contemplation de quelque genre de beauté que ce soit sans être fréquemment obligé de faire des comparaisons entre les nombreuses sortes et degrés de réussites, et d'estimer leurs proportions les unes par rapport aux autres. Un homme qui n'a point l'occasion de comparer les différents genres de beautés est bien entendu disqualifié pour émettre son opinion concernant un objet qui lui est présenté. Par la comparaison seule nous déterminons les épithètes relevant de l'éloge ou du blâme et apprenons comment en attribuer le degré approprié à chacun. Le plus indigent des barbouillages exhibe un certain lustre' de couleurs et une certaine exactitude de l'imitation qui peuvent passer pour des beautés et entraîne [...] la plus haute admiration. Les plus vulgaires ballades ne sont pas entièrement dépourvues d'harmonie ou de naturel et nul, à moins d'être familiarisé avec des beautés supérieures, ne pourrait déclarer que leurs couplets sont rudes ou leur récit inintéressant. Une beauté très inférieure fait souffrir la personne accoutumée aux plus grandes réussites du genre, et se trouve être pour cette raison qualifiée de laideur de la même façon que l'objet le plus abouti que nous connaissions est naturellement supposé avoir atteint au pinacle de la perfection et devoir recevoir les plus grands éloges. Seul celui qui est accoutumé à voir, à examiner et à soupeser les nombreuses oeuvres admirées au cours d'époques différentes et au sein de différentes nations peut estimer le mérite d'un ouvrage exposé à sa vue et lui assigner son rang approprié au sein des productions du génie. David HUME
— Nous faisons assez naturellement la différence entre les beaux garçons, ou les belles filles, et ceux ou celles qui le sont moins, ou entre les belles architectures et celles qui sont laides. — D'où nous vient cette capacité à faire la différence? Est-ce naturel ou avons-nous appris à le faire, et comment? — Réflexion de Hume dans cet extrait de De la norme du goût porte sur ce thème. — Thèse de l'auteur. — Le jugement de goût se développe-t-il uniquement grâce à des comparaisons empiriques? Comment estimer l'infériorité et la supériorité des oeuvres d'art, et faut-il être expert en goût pour cela? Le goût n'est-il pas conditionné culturellement et ne faut-il pas se méfier de l'ethnocentrisme?

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« à ce moment-là... II.

Comment estimer l'infériorité et la supériorité des oeuvres d'art? 1.

Le jugement dépréciatif de Hume sur les beautés « vulgaires »- Expliquer « le plus indigent des barbouillages » et « les plus vulgaires ballades » tout en montrant la position trèsdépréciative et presque méprisante de l'auteur.- Donner des exemples qui montrent que ces « oeuvres »-là ne sont pas nécessairement laides ni « inférieures ». 2.

La mise en jeu implicite de critères moraux et sociaux- Ce jugement véhicule des valeurs implicites qui ne sont pas uniquement artistiques (ou esthétiques) mais aussimorales et sociales: rejet ou minoration de la culture « populaire » et, par conséquent, mise en valeur de la cultureappréciée par les classes sociales élevées.- Confusion entre l'esthétique et d'autres fonctions de l'art (distinction sociale en particulier).- D'où « beautés supérieures » qui ne signifie pas unique-ment « réalisations belles jugées à partir d'une normeesthétique », mais aussi « ce qui plaît aux classes sociales les plus favorisées »: à ce moment-là, ce n'est pas labeauté en elle-même qui est supérieure mais le « rang » social de celui qui juge - détournement illégitime dujugement de goût en discrimination sociale implicite. 3.

Nécessité de l'éducation artistique- Si le goût ne s'éduque pas: sous-entend qu'il est inné, que nous savons dès notre naissance faire la différenceentre le bon et le mauvais, le beau et le laid, etc.; pas entièrement faux puisqu'un enfant distinguera bien un platamère et immangeable d'un bon dessert sucré: mais ce n'est pas encore là le goût artistique, qui présente descaractères spécifiques.- L'enfant, au départ, ne saura pas prendre de la distance par rapport à ses réactions immédiates: pourra se rendremalade en mangeant trop de sucre, par exemple, ne se forcera pas à goûter un plat étranger dont il n'a pasl'habitude, ne saura pas différencier un plat beau d'un plat bon...- Se privera ainsi du plaisir de découvrir des plaisirs inconnus et de nouveaux plaisirs pas seulement gustatifs maisvisuels, auditifs...

(incapacité relative des enfants à faire la différence entre ce qui est bon et ce qui est beau: unbon gâteau sera un gros gâteau, un beau château sera un gros château).- Seule l'éducation peut lui apprendre à juger en fonction d'autres critères que ceux issus de sa sensibilité la plusimmédiate et la plus « primaire »: finesse de la pâte, légèreté de la mousse, équilibre des ingrédients pour le gâteau;ingéniosité de l'architecture, harmonie des formes, rapport avec le paysage pour le château.- Faire alors la différence entre le bon, l'agréable, l'utile et le beau proprement dit - d'où la nécessité de l'éducationartistique: cf.

Kant, Critique de la faculté de juger, paragraphe 5.

III.

Le goût n'est-il pas conditionné culturellement et comment sortir de l'ethnocentrisme? 1.

Une « accoutumance » pas nécessairement consciente- Que signifie « personne accoutumée aux plus grandes réussites du genre »? Cela est-il conscient: démarchevolontaire d'aller dans les musées, les concerts, les théâtres, de lire des critiques diversifiées, etc.; ou biensimplement « bain culturel » depuis l'enfance, favorisé par le milieu social ou le goût d'un des parents pour l'art?- Deux démarches différentes car choix et engagement personnels conscients à distinguer d'une simple imprégnationnon critique (qui devient vite préjugé et conformisme).– Quoi qu'il en soit, l'inconscient intervient dans notre jugement.– Reprise du cas évoqué en introduction: qui nous a appris ce qu'était une belle fille ou un beau garçon? Les causespour lesquelles nous trouvons de la beauté à quelqu'un et l'origine de nos critères de jugement ne sont pasexplicites.– La psychanalyse nous permet de penser que les critères « sexuels » interviennent nécessairement dans ce typede jugement.– Mais il y a aussi des critères culturels: dans le monde occidental contemporain, l'idéal de la beauté physiquecorrespond à un corps sportif, svelte, musclé; mais ce n'est pas le cas dans d'autres cultures, où la corpulence, parexemple, est privilégiée, comme signe de bonne santé ou de richesse; et, à l'intérieur même de cette culture, ilexiste des différences importantes : certains privilégient les tenues sportives et certaines marques de vêtements,d'autres les habits craqués ou délavés, d'autres les costumes et les tailleurs...– Nous pouvons alors nous apercevoir que notre goût subit les influences du milieu socioculturel dans lequel nousvivons; sans nous en rendre compte au départ, nous adhérons à des critères de beauté qui nous conditionnent, quisont des préjugés esthétiques. 2.

Le risque de l'ethnocentrisme– Ethnocentrisme = avoir un jugement sur quelque chose (notamment le beau) uniquement en fonction de critèresissus de notre société ou de notre milieu social et culturel, en les considérant comme des normes universelles.– Si on ne juge du beau qu'à partir du plaisir et du déplaisir du spectateur (ou auditeur), comme le laisse entendrel'ex-pression « fait souffrir la personne accoutumée aux plus grandes réussites du genre », on risque de resterenfermé dans les oeuvres auxquelles on est habitué depuis l'enfance.– Par exemple, un enfant qui aura toujours appris à manger de la cuisine française, ou chinoise, ou méditerranéenne,aura des difficultés à en apprécier d'autres étant adulte;quelqu'un qui aura toujours écouté le même style de musique ou vu le même genre de films ne s'ouvrira pas. »

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