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Y a-t-il des droits sans devoirs ?

Publié le 08/01/2004

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"La loi est faite pour les faibles et pour le grand nombre. C'est donc par rapport à eux-mêmes et en vue de leur intérêt personnel qu'ils font la loi et qu'ils décident de l'éloge et du blâme. Pour effrayer les plus forts, les plus capables de l'emporter sur eux, et pour les empêcher de l'emporter en effet, ils racontent que toute supériorité est laide et injuste, et que l'injustice consiste essentiellement à vouloir s'élever au-dessus des autres : quant à eux, il leur suffit, j'imagine, d'être au niveau des autres, sans les valoir. Voilà pourquoi la loi déclare injuste et laide toute tentative pour dépasser le niveau commun, et c'est cela qu'on appelle l'injustice. Mais la nature elle-même, selon moi, nous prouve qu'en bonne justice celui qui vaut plus doit l'emporter sur celui qui vaut moins, le capable sur l'incapable. Elle nous montre partout, chez les animaux et chez l'homme, dans les cités et les familles, qu'il en est bien ainsi, que la marque du juste, c'est la domination du puissant sur le faible et sa supériorité admise. De quel droit, en effet, Xerxès vint-il porter la guerre dans la Grèce, ou son père chez les Scythes?... Mais tous ces gens-là agissent, à mon avis, selon la vraie nature du droit et, par Zeus, selon la loi de la nature, bien que ce soit peut-être contraire à celle que nous établissons, nous, et selon laquelle nous façonnons les meilleurs et les plus vigoureux d'entre nous, les prenant en bas âge, comme des lionceaux, pour les asservir à force d'incantations et de mômeries. " PLATON

« thème de la nature, triomphe des forts et des puissants, seul fondement du droit.

Cette seconde partie se subdivise en quatre sous-parties.

La première (« Mais la nature...

supériorité admise ») est théorique etdéveloppe l'idée que la vraie justice est celle de la nature.

La seconde (« De quel droit...

Scythes ») apporteun certain nombre d'exemples pour confirmer la thèse précédente, celle du droit du plus fort.

La troisième sous-partie (« Mais tous ces gens là...

loi de la nature ») dégage la signification des exemples précédents.

La quatrième (« Bien que...

mômeries ») s'attache au sens de l'éducation par la loi, éducation jugée asservissante. Étude ordonnée. Si l'opposition de la nature et de la loi a été, dans l'Antiquité grecque, chère aux Sophistes qui ont souvent exprimé le caractère conventionnel et artificiel des lois, néanmoins cette opposition classique prend ici un sens tout particulier, puisque Calliclès fonde sur elle sa théorie du droit du plus fort. Dans la première partie (« La loi...

ce qu'on appelle l'injustice »), Calliclès veut analyser l'origine de la loi.

Que signifie ici la loi et que désigne-t-elle exactement ? La loi (nomos) représente dans ce texte la règle générale et impérative régissant du dehors l'activité humaine.

Notons que, chez les Grecs, à l'époque classique, le nomos est une loi qui ne doit rien à la révélation : elle n'a pas été établie par les dieux, elle est « laïque » en quelque sorte.

Dès lors, quelle est son origine profonde?Calliclès voit dans la loi une création de la foule faible et impuissante, sans énergie physique et morale : la loi est une expression du manque, manque de force, de vigueur et de vie.

C'est le produit de ceux qui ne peuvent déployer dans l'existence une surabondance existentielle.

La foule, dans la mesure où elle ne possède pasl'énergie créatrice véritable, désire en somme se protéger de l'élite.

La loi, l'éloge, le blâme constituent autant d'armes dans la stratégie des faibles.

Éloge et blâme : ce sont les jugements favorables et défavorables, c'est-à-dire les énoncés axiologiques, portant sur des valeurs, qu'utilise la foule impuissante.

En même temps que laloi, elle crée les valeurs, le bien et le mal, les jugements préférentiels qui organisent l'existence sociale.Dans quel but exactement? Il s'agit d'effrayer « les lions », de se mettre à l'abri de leur supériorité, de lesempêcher de créer et de déployer leur puissance.

Ainsi les faibles se mettront-ils au niveau des autres : ilségaliseront tout, dans le sens de la médiocrité, cela va sans dire.

En d'autres termes, lois et énoncés axiologiques sont des produits du ressentiment des faibles contre les forts, ressentiment qui met finalement tout au même niveau.Les faibles créent la loi, mais aussi l'éloge et le blâme, par conséquent tout ce qui représente les valeurs morales.

Ils élaborent aussi une théorie du juste et de l'injuste, transformant en injustice (ce qui est contraire au droit) toute manifestation vitale de supériorité.

La loi appellera contraire au droit ce qui dépasse la sphère de la médiocrité.

Le discours de Calliclès est donc très synthétique.

Malgré son apparence désordonnée, ilrassemble les énoncés axiologiques humains ( loi, juste, injuste, droit) pour les mettre sous le signe de l'impuissance, du ressentiment et de la crainte.

Ceux qui n'ont pas la vigueur, la grande santé du corps et de l'esprit, inventent la loi, les valeurs et la justice pour compenser leur misère existentielle.

La justice, c'est le respect du droit.

Mais on ne parle de respect du droit que par peur de la supériorité.

La première partie du texte unifie donc le système des valeurs pour le rapporter à l'effroi devant la vie et à l'intérêt personnel deceux qui ne peuvent créer.

Il y a incontestablement, chez Calliclès, bien avant Nietzsche, une descriptiongénéalogique, donnant à voir la création des valeurs morales, oeuvre des faibles et des impuissants : c'estl'égoïsme médiocre des moutons qui engendre les valeurs.Dans la seconde partie du texte, c'est le concept de nature qui est analysé par le sophiste.

Que désigne ici la nature? Par opposition à la loi changeante et conventionnelle, elle représente ce qui est inné et spontané, l'ensemble des éléments innés appartenant à tout individu.

L'ordre de la nature donne à voir le fond communquasi biologique.

Or, l'ordre naturel (« Mais la nature...

admise ») nous renvoie à la force pure et simple, laforce étant comprise ici comme violence.

Cette violence pure est la loi suprême : au plus fort d'avoir la plus forte part, car le droit, c'est-à-dire ce qui est légitime, est identique à la force.

Ainsi, la violence règne à l'étatde nature et légitime tout droit.

L'ordre humain comme l'ordre animal expriment la victoire et la supériorité de laforce violente.

En bref, le rapport « domination-soumission » qui s'établit par la médiation de la violencelégitime et fonde tout droit en tant que tel.Dans la sous-partie suivante (« De quel droit...

Scythes ») Calliclès énumère quelques exemples historiques àl'appui de sa thèse.Il tire ensuite la morale de ses exemples (« Mais tous ces gens...

loi de la nature ») répétant que force fonde légitimité et que violence est mère de droit.Enfin, dans les dernières lignes, c'est toute l'éducation humaine que Calliclès met en question.

Lesincantations, àsavoir l'emploi de paroles magiques agissant par émotion, ainsi que les mômeries, c'est-à-dire des cérémoniesridicules, permettent de façonner et de construire les âmes.

Ainsi prend-on en charge de jeunes lionceaux toutpuissants, dont on détruit la force spirituelle par la magie de discours faux et creux.

L'éducation n'est qu'undiscours menteur et magique, donnant l'être à ce qui n'en a pas, attribuant de la force à ce qui n'est rien.Éduquer, c'est fausser le jeu de la nature, qui voudrait la supériorité de l'élite. b) Conséquence pour ceux qui subissent le droit du plus fort :Il ne s'agit pas pour eux d'un devoir d'obéissance mais d'une contrainte.

Le devoir est intérieur et moral, lacontrainte est extérieure, arbitraire et infondée.

Le droit du plus fort ne s'accompagne donc pas d'un véritabledevoir pour ceux qui obéissent, mais d'une simple contrainte.. »

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