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Y a-t-il des illusions utiles ?

Publié le 25/03/2004

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On expliquera le phénomène par l'interposition d'objets entre mon oeil et la lune. Et, de fait, si je regarde la lune à travers un tuyau de papier, qui l'isole des autres choses, l'illusion cesse. Il n'en reste pas moins que l'explication ne modifie pas la perception antérieure et que l'illusion demeure. Ce qu'il y a de commun à tous ces cas, c'est que l'illusion persiste, même quand elle est reconnue par l'intelligence. Par opposition, l'erreur ne résiste pas aux preuves. Je croyais voir dans la pénombre un homme allongé, je m'aperçois que c'était un tronc d'arbre. Une fois rectifiée, l'erreur est définitivement remplacée par la vérité, c'était un jugement ou un raisonnement qui interprétait mal les apparences. Les illusions de ce type sont beaucoup plus profondément enfoncées dans notre nature que l'erreur. Certes, rien n'est ajouté à la sensation, à l'impression tactile, au spectacle, mais, invinciblement, on croit sentir. En réalité, on pense ou l'on a pensé.

« Nous nous demanderons donc si l'expression est commensurable à la conscience, ou si, au contraire, l'expression nese limite pas aux étroites frontières de la conscience. Première partie: L'illusion n'a aucune utilité.

Elle n'est que la négativité même de l'ignorance.

La philosophie a pour but de se défaire des illusions. L'illusion est une erreurL'illusion me fait croire i qu'un bâton plongé dans l'eau est brisé, que le Soleil tourne autour de la Terre, alors quec'est le contraire, que la foudre est une manifestation de la colère divine.

Je ne peux donc m'en tenir auxapparences, car elles sont trompeuses.

Il faut que ma raison rétablisse la vraie cause des choses.

Ainsi seulementma pensée pourra atteindre la vérité sans risque de se tromper.C'est dans l'ordre du toucher et dans celui de la vue que l'on observe l'illusion en ce qu'elle a de propre et qui ladistingue radicalement de l'erreur.

On en trouvera de nombreux exemples dans n'importe quel traité de psychologie.Nous n'en retiendrons que quelques-unes parmi les plus typiques.Dans l'ordre du toucher, citons l'illusion la plus anciennement relevée, dite d'Aristote.

Si, avec la main droite, je faisrouler une bille entre l'index et le majeur croisés, j'ai l'impression de la présence de deux billes.

Je constate par lavue qu'il n'y a qu'une bille, j'éprouve par le toucher qu'il y en a deux.L'illusion s'explique par ceci que, dans l'expérience commune, répétée d'innombrables fois depuis ma plus tendreenfance, je ne puis sentir simultanément le contact d'un objet sur le côté gauche de l'index et un autre sur le côtédroit du majeur que s'il y a effectivement deux objets.

Mais cette explication ne fait en rien disparaître l'illusion.De même dans l'illusion dite « de Demoor ».

De deux objets de même poids, celui qui a le plus petit volume, ainsi unebille de plomb par rapport à un morceau de bois, me paraît plus lourd, même s'ils sont soupesés par l'intermédiaired'anneaux identiques.

Or l'illusion disparaît si je les soupèse les yeux bandés.

Comment s'explique cette illusion?Quand on me propose un objet à porter, je juge de son poids par la vue, j'anticipe.

En général, quand les objetssont plus gros, ils pèsent davantage.

Or, dans le cas présent, le corps plus gros produit une sorte de déception, lecorps plus petit une agression, même si nous percevons par le moyen d'anneaux.

On croit sentir et, en réalité, onjuge, mais ce jugement est irrésistible et l'explication rationnelle est incapable de l'annuler.L'ordre de la vue est plus complexe.

Citons d'abord des exemples analogues à ceux du toucher, comme l'illusion deMüller-Lyer.

Si je trace parallèlement et exactement l'un sous l'autre deux segments de droite égaux (de 4 cm parexemple), je les vois bien tels.

Mais si j'adjoins aux deux extrémités du segment supérieur deux segments obliques(d'un demi-centimètre) formant avec lui un angle extérieur de 135 degrés et aux deux extrémités du segmentinférieur deux segments obliques formant avec lui un angle intérieur de 45 degrés, le premier me paraît alors plusgrand que le second.

Je sais qu'ils sont égaux, je les perçois comme inégaux.

L'illusion s'explique parce que, ensuivant des yeux les obliques du segment supérieur, je l'allonge et en suivant celles du segment inférieur, je leraccourcis, ou du moins j'en ai l'impression.

Mais l'explication ici encore ne chasse pasl'illusion.De même la lune à l'horizon me paraît plus grande qu'au zénith.

Or le diamètre de la lune à l'horizon est sensiblementle même que celui de la lune au zénith (la mesure le montre même légèrement plus petit).

On expliquera lephénomène par l'interposition d'objets entre mon oeil et la lune.

Et, de fait, si je regarde la lune à travers un tuyaude papier, qui l'isole des autres choses, l'illusion cesse.

Il n'en reste pas moins que l'explication ne modifie pas laperception antérieure et que l'illusion demeure.Ce qu'il y a de commun à tous ces cas, c'est que l'illusion persiste, même quand elle est reconnue par l'intelligence.Par opposition, l'erreur ne résiste pas aux preuves.

Je croyais voir dans la pénombre un homme allongé, je m'aperçoisque c'était un tronc d'arbre.

Une fois rectifiée, l'erreur est définitivement remplacée par la vérité, c'était unjugement ou un raisonnement qui interprétait mal les apparences.

Les illusions de ce type sont beaucoup plusprofondément enfoncées dans notre nature que l'erreur.

Certes, rien n'est ajouté à la sensation, à l'impressiontactile, au spectacle, mais, invinciblement, on croit sentir.

En réalité, on pense ou l'on a pensé.

Il semble qu'aucours de notre vie, la pensée, le jugement, se soient glissésdans le sentir et l'aient transformé.

En d'autres termes, pour expliquer ce genre d'illusion, il faut recourir au fait del'habitude et admettre, comme le disait déjà Montaigne, que l'habitude a créé en nous une autre nature, qui a lamême spontanéité que la nature originelle.

Le poids des expériences antérieures est infiniment plus fort que celui dela réflexion actuelle, mais l'habitude est chargée de jugements implicites et c'est pourquoi l'on doit parler d'illusionsde la perception plutôt que des illusions des sens.D'autres illusions de la vue sont plus proches de l'erreur comme celles qui sont relatives au mouvement.

Je suis dansun train et impatient qu'il parte.

De mon compartiment, je vois le compartiment du train voisin, également eninstance de départ.

Soudain, j'ai l'impression que mon train s'ébranle, mais, au bout d'un moment, je vois le quai,que le train voisin me dissimulait, ce n'est pas mon train qui est parti.

Ou bien, du haut d'un pont, je regarde uncours d'eau rapide et il me semble que c'est le pont et moi qui sommes en mouvement.

Ou encore, du bateau quim'emporte, je crois voir la rive se mouvoir.

Dans tous ces cas, les données visuelles seraient les mêmes, que je soisou non en mouvement, et l'illusion ne disparaît que quand un point de référence fixe me permet de juger de ce quiest réellement en mouvement.

L'illusion n'est possible que dans un système global de données visuelles cohérentes,elle se maintient sur le plan de la perception immédiate et du jugement spontané, mais ne résiste pas à l'exercice del'intelligence réfléchie, qui sort du système. L'illusion n'a aucune fonction.

Il faut perdre ses illusions.L'infatigable travail de Socrate n'est-il pas de lutter contre notre illusion de «savoir»?Si j'arrive à découvrir que tout ce que je sais, c'est...

que je ne sais rien, alors s'ouvre en moi et devant moi la vraie. »

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