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DESCARTES: l'âme est distincte du corps.

Publié le 17/04/2009

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descartes
" Je pris garde que, pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux, il fallait nécessairement que moi qui le pensais fusse quelque chose; et remarquant que cette vérité : je pense, donc je suis, était si ferme et si assurée que toutes les plus extravagantes suppositions des sceptiques ne pouvaient l 'ébranler, je jugeai que je pouvais la recevoir sans scrupule pour le premier principe de la philosophie que je cherchais. Puis, examinant avec attention ce que j'étais, et voyant que je pouvais feindre que je n'avais aucun corps et qu'il n'y avait aucun monde ni aucun lieu où je fusse, mais que je ne pouvais pas feindre pour cela que je n'étais point, et qu'au contraire, de cela même que je pensais à douter de la vérité des autres choses, il suivait très évidemment et très certainement que j'étais, au lieu que, si j'eusse seulement cessé de penser, encore que tout le reste de ce que j'avais jamais imaginé eût été vrai, je n'avais aucune raison de croire que j'eusse été, je connus de là que j'étais une substance dont toute l'essence ou la nature n'est que de penser, et qui pour être n'a besoin d'aucun lieu ni ne dépend d'aucune chose matérielle; en sorte que ce moi, c'est-à-dire l'âme par laquelle je suis ce que je suis, est entièrement distincte du corps, et même qu'elle est plus aisée à connaître que lui, et qu'encore il ne fût point, elle ne laisserait pas d'être tout ce qu'elle est " Descartes, Descartes, Discours de la méthode, IVe partie

HTML clipboardDans le premier mouvement du texte, c'est-à-dire dans le premier paragraphe, Descartes découvre, au sein du doute, une première vérité : la réalité indubitable de la pensée et de l'être. Il aboutit à cette conclusion à partir d'un constat que chacun peut reprendre à son compte : je peux certes douter de tout, mais, pour ce faire, encore faut-il être et exister (" Je pris garde…quelque chose"); cette réalité de la pensée et cette certitude de l'existence, qui s'offrent dans l'acte même de douter et de penser, constituent la vérité première de la philosophie (" et remarquant…cherchais"). Cette première partie du texte est ainsi tout entière consacrée à l'expérience que fait le sujet de la certitude de sa propre existence, expérience capitale, en ce qu'elle présente une issue à la démarche sceptique et instaure la pensée consciente dans une position fondatrice .  

descartes

« sceptique et instaure la pensée consciente dans une position fondatrice . La première ligne part d'un constat ("Je pris garde que…"), d'une observation, c'est-à-dire, non d'un raisonnementabstrait ou abscons, mais d'une découverte existentielle : il m'est loisible, en théorie, de douter de tout ce quiexiste mais, dans le doute, je fais l'expérience que je suis.

En effet, dans les lignes qui précédent ce texte,Descartes a d'abord développé un doute radical et absolu, ce que rappelle la proposition subordonnéecirconstancielle de temps : " pendant que je voulais ainsi penser que tout était faux " .

Pour atteindre le vrai, il estnécessaire de faire porter le doute sur la totalité des choses - les sens, les vérités mathématiques, le corps, lemonde extérieur, Dieu lui-même; il s'agit de savoir si quelque vérité peut subsister, droite et ferme, après queDescartes a fait " table rase " de toutes ses anciennes opinions.

Aussi convient-il de rappeler que l'ambition duphilosophe consiste à déterminer une vérité si solide qu'elle puisse servir de fondement à toute autre connaissancehumaine, et de modèle de clarté et de solidité à toute autre vérité. Douter de tout certes, mais comment cette activité de remise en question est-elle possible ? Après avoir passé toutce qui existe au crible du doute, Descartes entreprend ici de faire retour sur l'acte de douter jusqu'à en ressaisir lacondition.

La proposition subordonnée complétive " il fallait nécessairement que moi qui le pensais fusse quelquechose " établit une condition nécessaire : pour pouvoir douter de tout, l'existence du sujet est obligatoirementrequise, sans quoi le doute s'avère proprement impossible.

Je peux douter de tout, mais je ne peux douter de lacondition inhérente à l'acte même de douter; il faut bien que moi qui me persuade que je rêve ou que je suis fou,moi qui veux douter, je pense et que je sois ou j'existe, justement pour pouvoir penser.

Au moment où je doute, jepense et au moment où je doute, je suis.

L'existence de la pensée est avérée par son activité même.

Moninexistence est impensable au présent.

Si je n'existais pas, je ne pourrais pas penser, pas même mon inexistence SiJe suis, j'existe, et ceci, pour autant et aussi longtemps que je pense.

Même si toutes mes représentations sontfausses, elles ne cessent pas pour autant d'être mes représentations.

Descartes passe donc de la considération dela vérité ou de la fausseté des représentations à leur caractéristique commune d'être des représentations, c'est-à-dire des événements mentaux connus d'une conscience.

La conscience apparaît, par suite, comme la conditionnécessaire de toute représentation. D'où la suite de la phrase qui passe de la certitude de l'existence révélée par le doute à la condition de possibilité dudoute lui-même.

Nous sommes toujours, semble-t-il, sur le terrain de l'expérience vécue (" remarquant ") etDescartes nous invite à une nouvelle découverte: une première vérité se dessine, " je pense, donc je suis ".Descartes précise que cette vérité " était si ferme et si assurée que même les plus extravagantes suppositions dessceptiques ne pouvaient l'ébranler".

Par "vérité", il faut entendre ici la certitude inébranlable et indubitable, nonpoint celle du préjugé aveugle, mais celle qui a résisté à l'entreprise dévastatrice du doute, c'est-à-dire à l'oeuvrecritique de la raison.

Descartes fait explicitement référence aux sceptiques.

Le doute sceptique est une manièred'être et une attitude intellectuelle : comme nous ne pouvons rien connaître de sûr, il s'agit alors de suspendre sonjugement pour atteindre une forme de silence ou de contemplation.

Le doute cartésien – méthodique, radical etprovisoire – peut certes sembler excessif, à l'instar des sceptiques, mais la vertu de ce procédé hyperbolique estjustement de contraindre le doute à se retourner contre lui-même jusqu'à faire émerger, nous allons le voir, le cogitoqu'il porte en lui. Cette vérité "si ferme et si assurée" que nous révèle la pratique étonnante du doute se formule sous la forme d'uneproposition énigmatique : " je pense, donc je suis ".

La conjonction de coordination "donc" n'indique pas que cettevérité est le fruit d'une déduction logique; il s'agit plutôt d'une intuition authentique, celle de mon existences'offrant à moi à travers ma pensée.

Douter, c'est déjà penser.

Nier que ce que l'on pense puisse être vrai, c'estencore et toujours penser.

Même suspectée, la moindre pensée reconduit nécessairement à la pensée la plusévidente, la plus infalsifiable : la pensée de mon existence.

Descartes nous parle ici d'une expérience effective etsingulière, offerte à quiconque voudra bien la tenter.

Chacun peut s'y reconnaître dans l'acte de penser et deréfléchir cet acte.

Je sais donc que je suis, non pas grâce à la raison, mais dans l'activité consistant à me pensermoi-même comme être pensant. Conséquence de cette découverte : si le cogito est cette terra cognita par quoi s'offre l'évidence d'une existence, ils'ensuit nécessairement qu'une telle vérité peut être à bon droit considérée comme " le premier principe de laphilosophie que je cherchais ".

Cette phrase rappelle d'abord que Descartes a pour mission de trouver " un premierprincipe " pour la philosophie.

Par " principe ", il faut entendre ce qui est premier - le commencement, la cause - àpartir de quoi on peut déduire toutes les autres connaissances.

Descartes cherche à fonder tout l'édifice du savoiret se met en quête d'une évidence première ( un " principe " comme il dit) à partir de laquelle pourrait se développerune conception de l'homme et du monde.

Ce " premier principe " doit donc fonder d'autres vérités possibles et servirde modèle à la connaissance en quelque sorte.

Il réside dans cette vérité nécessaire, universelle, saisie dansl'exemplarité de la proposition singulière : parce que je ne puis nier ma pensée, en acte dans la négation, j'existe. Le premier paragraphe nous sauve donc du doute sceptique par la découverte d'une vérité première et fondamentale: dans l'acte même de douter, je découvre que je suis, et ce absolument, indubitablement, car du moment qu'il y apensée, il est impossible qu'on l'ait sans exister.

La pensée se découvre essentiellement comme consciencespontanée, si penser et réfléchir sur sa propre pensée constituent un seul et même acte.

Enfin, ces toutespremières lignes du texte nous décrivent un sujet qui advient à lui-même, qui se découvre et se reconnaît à la fois,en un acte qui ne s'accomplit tout à fait qu'au présent et à la première personne du singulier.

Or, en même tempsque l'expérience du doute me révèle que je suis, ne me dévoile-t-elle pas également ce que je suis ?. »

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