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Le désir du bonheur est-il compatible avec la recherche de la vérité ?

Publié le 21/03/2004

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[Toute l'activité humaine a pour but le bonheur, y compris la recherche de la vérité. La quête du bonheur est universelle et tous les autres biens, y compris la vérité, lui sont subordonnés. Être heureux est un but, tout le reste n'est qu'un moyen d'y parvenir.]   Le bonheur est le souverain bien "Tous les hommes recherchent d'être heureux, c'est le motif de toutes les actions de tous les hommes, jusqu'à ceux qui vont se pendre" affirme Pascal dans ses "Pensées". En effet, tout homme cherche le bonheur. Il est ce que chacun désire suprêmement. Et pour reprendre l'analyse aristotélicienne dans l' "Éthique à Nicomaque", le bonheur n'est désiré que pour lui-même. Et à la question "pourquoi être heureux ?", il n'est pas de réponse sinon une réponse aussi absurde que la question elle-même: "pour être heureux". Le bonheur est le souverain bien, le désirable absolu: tout être tend vers son bien; le bonheur étant le bien ultime de l'homme; il est donc la fin de toutes nos actions, de tous nos choix singuliers.

« Le bonheur peut être illusoire« Manifestement le soin avec lequel un insecte recherche telle fleur, outel fruit, ou tel fumier, ou telle viande, ou, comme l'ichneumon, une larveétrangère pour y déposer ses oeufs, et à cet effet ne redoute ni peineni danger, est très analogue à celui avec lequel l'homme choisit pour lasatisfaction de l'instinct sexuel une femme d'une nature déterminée,adaptée à la sienne, et qu'il recherche si ardemment que souvent pouratteindre son but, et au mépris de tout sens, il sacrifie le bonheur de savie par un mariage insensé, par des intrigues qui lui coûtent fortune,honneur et vie, même par des crimes, comme l'adultère et le viol, - toutcela uniquement pour servir l'espèce de la manière la plus appropriée etconformément à la volonté partout souveraine de la nature, même sic'est au détriment de l'individu.

Partout en effet l'instinct agit commed'après le concept d'une fin, alors que ce concept n'est pas du toutdonné.

La nature l'implante là où l'individu qui agit serait incapable decomprendre son but ou répugnerait à le poursuivre ; aussi n'est-il, enrègle générale, attribué qu'aux animaux, et cela surtout aux espècesinférieures, qui ont le moins de raison ; mais il n'est guère donné àl'homme que dans le cas examiné ici, car l'homme pourrait sans doutecomprendre le but, mais ne le poursuivrait pas avec toute l'ardeurindispensable, c'est-à-dire même aux dépens de son bonheur personnel.Aussi, comme pour tout instinct, la vérité prend ici la forme de l'illusion,afin d'agir sur la volonté.C'est un mirage voluptueux qui leurre l'homme, en lui faisant croire qu'il trouvera dans les bras d'une femmedont la beauté lui agrée, une jouissance plus grande que dans ceux d'une autre ; ou le convainc fermementque la possession d'un individu unique, auquel il aspire exclusivement, lui apportera le bonheur suprême.

Ils'imagine alors qu'il consacre tous ses efforts et tous ses sacrifices à son plaisir personnel, alors que tout celan'a lieu que pour conserver le type normal de l'espèce, ou même pour amener à l'existence une individualitétout à fait déterminée, qui ne peut naître que de ces parents-là ».

Schopenhauer, Métaphysique de l'amour(1818). Le seul but de la passion amoureuse est la procréation.

Schopenhauer soutient cette thèse, pour le moinsprovocatrice, en la déduisant du regard pessimiste qu'il porte sur la vie : l'homme sacrifie son bonheur ens'imaginant l'acquérir, car, jusque dans le choix de l'être aimé, il ne fait qu'obéir aux exigences de survie del'espèce humaine.Schopenhauer n'aborde le champ de la passion amoureuse et de la sexualité que comme emblème du caractèretragique de l'existence.

l'homme croit servir ses propres intérêts en assouvissant son désir, alors qu'il n'est enréalité qu'au service de l'espèce.

Sous l'emprise de la tyrannique du désir, expression douloureuse d'un «vouloir-vivre », il ne trouvera son Salut que dans le détachement, la contemplation, la compassion et laméditation ; comme l'enseignent les hindous et les bouddhistes, seul l'anéantissement du désir ouvre la voievers un bonheur qui ne soit pas illusoire.le noble sentiment amoureux n'est qu'une ruse de l'instinct de reproduction, selon Schopenhauer : « Ainsichaque amant se trouve-t-il leurré après l'achèvement du grand-œuvre, car le mirage a disparu, qui faisait del'individu la dupe de l'espèce.

» La recherche du bonheur est l'illusion suprême qui résume toutes les autres :l'individu s'imagine être une fin en soi, alors qu'il n'est qu'un moyen de l'espèce.

Et le même auteur d'ajouter : «Il n'y a qu'une erreur innée : celle qui consiste à croire que nous existons pour être heureux.

» Toute notreactivité est soumise à cette illusion et, à travers elle, à cette volonté rusée qui anime souterrainement notrevie consciente.

Connaître la vérité condamne à se retirer de la vie et à s'installer en spectateur de la vie.

Si jeconnais, je cesse d'agir et regarde impassiblement le train du monde continuer à rouler sous mes yeux videsd'intérêt : c'est la pure représentation, l'attitude du philosophe ou de l'artiste, de celui qui a vidé la vie de soncontenu pour n'en conserver que la belle forme.

Deux attitude fondamentales qui transparaissent dans le titredu maître livre de Schopenhauer : « Le monde comme volonté et comme représentation » : l'illusion et la vied'une part, la vérité et la contemplation de l'autre ; l'acteur (volonté) ou le spectateur (représentation).Pour Schopenhauer, la vérité nous est un bien supérieur au bonheur. La vérité prime sur le bonheurLorsque Kant s'interroge sur le droit que nous aurions de mentir dans certaines circonstances (par exemple,lorsqu'il s'agirait de rassurer quelqu'un en lui proposant une illusion bénéfique au lieu de la dure vérité), ilconclut par la négative.

C'est que préférer l'illusion c'est, localement ou ponctuellement, détruire la possibilitéuniverselle de la vérité.

Suspendre celle-ci, sous quelque prétexte que ce soit, c'est l'empêcher de se répandreet de s'affirmer pour l'ensemble des hommes.Or le bonheur ne peut être assuré à ce prix : non seulement parce que toute illusion, à plus ou moins longterme, est condamnée, mais aussi parce qu'il est impossible de concevoir l'humanité comme n'ayant d'autre butque de se repaître d'illusions et de fuir systématiquement toute vérité.. »

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