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Le désir est-il la marque de la misère de l'homme ?

Publié le 26/03/2004

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L'abolition du désir entraîne l'abolition de la souffrance. Nous pouvons présenter ceci par l'équation : vie = Désir = Souffrance. En effet, il n'y a de vie que par le désir, par le désir farouche de survivre, de se défendre contre les autres vivant, de se nourrir, de tuer pour cela, comme on le voit chez tous les vivants, les animaux et les hommes. Le désir fondamental est donc le désir de persévérer dans son être, lé désir d'être et de persister à être un individu, séparé et différent du reste du monde, ou, comme disent les Occidentaux, le désir d'individuation. D 'autre part, le désir n'est jamais satiable, nous souffrons toujours de désirs inassouvis, que redoublent encore les douleurs physiques de la maladie et de la vieillesse, qui sont le lot des vivants. Bref, à regarder les choses lucidement, la vie est essentiellement faite de souffrance. Bien rares sont les moments de vraie joie. Certes, nous avons l'espoir d'arriver un jour au bonheur par la satisfaction de tous nos désirs : c'est d'ailleurs ce qui nous fait vivre, mais ce n'est qu'illusion vaine. Ce qu'il faut donc, c'est arriver à échapper à la souffrance. Le désir se nourrit du manque Dans le Banquet Platon souligne de manière très marquée cette ambivalence du désir en le décrivant tout d'abord comme manque, le désir est la manifestation en nous de l'aspiration vers quelque chose dont nous avons l'intuition plus ou moins vague, mais que nous ne possédons pas, que nous ne parvenons pas à atteindre.

Le désir est d'emblée frappé du sceau de l'ambiguïté : d'une part, il est l'expression d'un manque ancré en l'homme (on ne désire que ce que l'on n'a pas), et d'autre part, il ne semble pas pouvoir être comblé... Le propre du désir n'est-il pas de toujours renaître aussitôt qu'il a été comblé ? On n'imagine pas une seconde un homme, affamé, se rassasier pour ne plus jamais avoir faim. Si nous ne pouvons pas échapper au désir, et si en même temps nous ne saurions espérer être heureux par le biais de la seule satisfaction de nos désirs, alors il semble bien que l'homme soit condamné à n'être que l'ombre de lui-même. Et ce, pour deux raisons : premièrement, lorsque nous désirons, nous ignorons toujours la cause de ce désir, pourquoi nous désirons ; et deuxièmement, lorsque le désir nous tiraille, nous croyons toujours pouvoir l'assouvir pour ne plus être dépendants de lui. Le désir est bien le tyran le plus insidieux qui soit pour l'homme.

« un enfant de Poros : elle se coucha près de lui, et conçut l'Amour.

Aussi l'Amour devint-il le compagnon et leserviteur d'Aphrodite, parce qu'il fut engendré au jour de naissance de la déesse, et parce qu'il estnaturellement amoureux du beau, et qu'Aphrodite est belle.

Étant fils de Poros et de Pénia, l'Amour en a reçucertains caractères en partage.

D'abord il est toujours pauvre ; et loin d'être délicat et beau comme on sel'imagine généralement, il est dur, sec, sans souliers, sans domicile ; sans avoir jamais d'autre lit que la terre,sans couverture, il dort en plein air, près des portes et dans les rues ; il tient de sa mère, et l'indigence estson éternelle compagne.

D'un autre côté, suivant le naturel de son père, il est toujours à la piste de ce quiest beau et bon ; il est brave, résolu, ardent, excellent chasseur, artisan de ruses toujours nouvelles,amateur de science, plein de ressources, passant sa vie à philosopher, habile sorcier, magicien et sophiste.

Iln'est par nature ni immortel ni mortel ; mais dans la même journée, tantôt il est florissant et plein de vie, tantqu'il est dans l'abondance, tantôt il meurt, puis renaît, grâce au naturel qu'il tient de son père.

Ce qu'ilacquiert lui échappe sans cesse, de sorte qu'il n'est jamais ni dans l'indigence, ni dans l'opulence et qu'il tientde même le milieu entre la science et l'ignorance, et voici pourquoi.

Aucun des dieux ne philosophe et nedésire devenir savant, car il l'est ; et, en général, si l'on est savant, on ne philosophe pas ; les ignorants nonplus ne philosophent pas et ne désirent pas devenir savants ; car l'ignorance a précisément ceci de fâcheuxque, n'ayant ni beauté, ni bonté, ni science, on s'en croit suffisamment pourvu.

Or, quand on ne croit pasmanquer d'une chose, on ne la désire pas.

» Platon, Le Banquet, Discours de Diotime. De la plénitude perdue Dans Le Banquet, Platon présente le récit fabuleux suivant : à l'origine, l'humanité comprenait un seulgenre de créature, ce que nous pourrions appeler l'androgyne, mixte de mâle et de femelle.

Ces êtresétaient ronds de forme, disposaient de quatre jambes, quatre bras, de flancs circulaires, de deux visagesopposés l'un à l'autre sur une même tête ronde, et jouissaient dune force extraordinaire ; leur orgueilimmense les poussaient à provoquer les dieux auxquels ils en étaient venus à se comparer.

Zeus décidade mettre un terme à leur indiscipline en les affaiblissant.

Pour ce faire, il les coupa en deux dans le sensde la longueur et chargea Apollon de ramener leur peau sur le ventre (le point de suture qui subsiste estle nombril), ainsi que de tourner leurs visages.

Il s'ensuivit que ces êtres séparés mouraient de chagrin etde malheur, se laissant dépérir auprès de leur moitié distincte.

Pour remédier à ce désastre, Zeus ramenaleurs parties génitales qu'ils avaient derrière sur le devant, et ceux-ci purent s'accoupler, soit pour créerun nouvel être unique, soit pour s'accorder un plaisir qui leur offrait pour un moment le bonheur de leurunion passée, et l'esprit libre, leur permettait ensuite de vaquer à leurs affaires.Le fond de la nature humaine porterait désormais la trace de cette union ou plénitude originaire, dont ledésir d'amour serait la nostalgie.

Désirant l'autre, nous visons ce paradis mythique de la fusion, lorsqu'iln'existait ni séparation ni différence, mais seule une toute-puissance qui nous plaçait à l'égal des dieux.Suivant ce mythe platonicien, l'essence du désir serait un manque d'être, la recherche d'une totalité, àlaquelle il nous est impossible d'accéder, suite à une opération des dieux, sinon par l'expérience fugitived'une union sexuelle. Le mythe des Androgynes Le discours d'Aristophane est doublement placé sous l'égide d'Empédocle : d'abord par sa référence auprincipe selon lequel le semblable désire le semblable, ensuite par la valorisation ontologique de la sphère.Il raconte que, à l'origine, les hommes étaient sphériques et possédaient quatre paires de membres.

Ilsétaient de trois genres : les uns masculins, les autres féminins, les derniers, enfin, des deux sexes.

Il estdonc abusif de parler du mythe des Androgynes, puisque une seule catégorie relève de ce genre.

Leurpuissance était telle qu'ils décidèrent d'escalader le ciel pour renverser les dieux.

Zeus les punit en lesdivisant en deux par peau sur le ventre et fit une couture en lieu et place du nombril, marque toujourssituée sous nos yeux de la faute des hommes.

Bien qu'ils aient diminué leur puissance, les dieux tenaientà les garder en vie pour qu'ils continuent à les honorer de leurs sacrifices.

Mais voilà qu'ils dépérissent.Soit que chaque moitié, désespérée de ne pas retrouver sa partie manquante, se laisse mourir, soit que,s'étant retrouvées, les deux moitiés ne veulent plus se détacher l'une de l'autre et, ne prenant aucunsoin de leur survie, finissent par mourir.

Une fois encore, le comble du désir est de mourir d'amour.

Maisle trait comique est de plus en plus accentué.

Et Aristophane nous entraîne dans le carnaval le plusstrict —puisque le carnaval a toujours été un moment de victoire de la vie à la faveur d'un mélange de lamort et de la sexualité.

Donc : deuxième opération de chirurgie plastique : Apollon ramène sur le devantle sexe de chaque moitié.

Ainsi est rendue possible la possession sexuelle, d'où résultent une satisfactionet un apaisement du désir permettant de vaquer aux occupations nécessaires à la survie.

Ce mythe est,une fois encore, l'occasion de magnifier les amours homosexuelles et masculines.

Les hommes quidésirent d'autres hommes sont issus d'un être sphérique entièrement masculin dont le modèlecosmologique est le soleil ; les femmes qui désirent les femmes, d'un être entièrement féminin dont lemodèle est la terre.

Quant à l'amour hétérosexuel, il est le signe d'une imperfection ontologique, puisquele fait d'un être originairement mixte, dont le modèle est la lune.La tradition a donc vu dans ce mythe l'expression la plus parfaite du désir, dont le but serait de ne fairequ'un avec l'être aimé et, finalement, de nier la différence sexuelle qui le fonde.

En témoigne, aux xviiieet XIXe siècles, le mythe de l'Ange androgyne présent chez des illuministes, comme Swedenborg, oudans de nombreux récits fantastiques.

Le succès de ce mythe tient aussi à la glorification de la sphère,qui, du Sphairos d'Empédocle à la figure géométrique du cercle ou à la forme des planètes, a toujoursfiguré la perfection d'une sorte de jouissance autarcique.

Le désir ne viserait pas un objet ou un autre,. »

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