Devoir de Philosophie

Y a t il un devoir de mémoire?

Publié le 27/02/2005

Extrait du document

A chaque anniversaire d’une commémoration historique d’un événement, la société entretient le souvenir de faits que l’on se doit de respecter, de se rappeler au nom d’une certaine fraternité voire d’une culpabilité partagée par un peuple dans le cas de génocides. Cependant le passé c’est ce qui n’est déjà plus, ce qui ne nous concerne pas directement. Les fêtes nationales reviennent chaque année, on célèbre les batailles, les victoires, les armistices, la fin de périodes que nous n’avons même pas connu. Le devoir définit une obligation morale commune, un geste que chacun doit entretenir au nom de l’Humanité. Il s’applique à la mémoire collectif, l’individu doit se souvenir d’évènements de façon individuelle mais en tant que membre à part entière d’une communauté qui partage le même passé. Le devoir de mémoire est présent dans chaque civisme, dans plusieurs jours fériés, chaque individu est libéré de ses obligations professionnels car ce devoir est supérieur à tout. Le devoir de mémoire semble aller de soi mais pourquoi sommes nous obliger d’entretenir le souvenir commun d’évènements que nous n’avons pas connu? La mémoire ne doit elle pas être utilisée de façon personnelle pour que l’homme se souvienne uniquement des souvenirs qu’il aurait choisis et non pas d’après une obligation civile?

  • I) On peut parler d'un devoir de mémoire.

a) Il ne faut pas oublier les horreurs du passé. b) Il faut se souvenir pour ne pas répéter les mêmes erreurs. c) Nous devons sauver de l'oubli les victimes.

  • II) On ne peut pas parler d'un devoir de mémoire.

a) Il faut oublier pour progresser. b) Il ne faut pas se complaire dans le malheur. c) La mémoire ne se force pas.

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« L'élucidation des fondements du devoir de mémoire appelle aussi une analyse critique et différentielle de ce quidistingue la mémoire requise de la mémoire néfaste.

Tournant à l'obsession, à l'impossibilité de saisir lanouveauté radicale, lorsque celle-ci advient, la mémoire ne peut faire l'objet d'aucun devoir.

Peut-être mêmey a-t-il, en aucun cas, un véritable devoir d'oubli, pour libérer la conscience des pesanteurs inutiles ou desanalogies trompeuses.

Nietzsche mettait en garde contre le ressassement et le ressentiment; et Valéry, àpropos de l'Histoire humaine, attirait l'attention sur le danger des analogies qui constituent à interpréter leprésent à partir du passé, cad à plaquer le passé sur le présent. « Toute action exige l'oubli, comme tout organisme a besoin nonseulement de lumière, mais encore d'obscurité.

Un homme qui voudraitne sentir que d'une façon purement historique ressemblerait à quelqu'unque l'on aurait forcé de se priver de sommeil, ou bien à un animal quiserait condamner à ruminer sans cesse les mêmes aliments.

Il est doncpossible de vivre sans presque se souvenir, de vivre même heureux, àl'exemple de l'animal, mais il est absolument impossible de vivre sansoublier.

Si je devais m'exprimer, sur ce sujet, d'une façon plus simpleencore, je dirais : il y a un degré d'insomnie, de rumination, de senshistorique qui nuit à l'être vivant et finit par l'anéantir, qu'il s'agisse d‘un homme, d'un peuple ou d'une civilisation.Pour pouvoir déterminer ce degré et, par celui-ci, les limites où le passédoit être oubli é sous peine de devenir le fossoyeur du présent, ilfaudrait connaître exactement la force plastique d'un homme, d'unpeuple, d'une civilisation, je veux dire cette force qui permet de sedévelopper hors de soi-même, d'une façon qui vous est propre, detransformer et d'incorporer les choses du passé, de guérir et decicatriser les blessures, de remplacer ce qui est perdu, de refaire parsoi-même des formes brisées.

» Nietzsche, « Considérations inactuelles ». Quelle est l'idée générale du texte ? Le pouvoir d'oublier étant constitutif de l'action et du bonheur, il fautprendre en considération le degré individuel de force plastique, c'est-à-dire la puissance d'incorporation etd'assimilation, dans tout psychisme, des choses du passé.Le problème posé par ces lignes est le suivant : la faculté d'oublier a-t-elle une fonction réellement positive etne faut-il pas réhabiliter, au contraire, les vertus de la mémoire ? A trop faire l'éloge de l'oubli, ne met-on pasen question, finalement, les facultés spirituelles de l'homme ?Le texte se divise en deux grandes parties correspondant aux deux paragraphes.

Dans un premier temps,NIETZSCHE affirme la nécessité de l'oubli (jusqu'à un certain niveau).

Dans un second, il essaye de déterminerce niveau. A.

« Toute action...

civilisation.

» Toute la première grande partie du texte dénonce la rumination du passé, et souligne que l'excès de senshistorique nuit à l'être vivant.

La première sous-partie voit dans l'homme submergé par le passé un «insomniaque » coupé de la vie.

La condition de toute vie est donc l'oubli (seconde sous-partie).

La ruminationdu passé anéantit hommes, peuples, civilisations (troisième sous-partie). a) « Toute action...

aliments.

» La première phrase éclaire à la fois l'action et l'être vivant doté d'organes (l'organisme).

L'action, conçuecomme ce par quoi nous réalisons nos intentions et produisons des effets dans le monde, requiert l'oubli,c'est-à-dire l'effacement normal des souvenirs.

Comment comprendre cet énoncé ? Pour agir sur les choses,tenter de les maîtriser, pour forger des entreprises, il ne faut pas se laisser absorber dans l'ensemble dudevenir et du passé et subir leur poids.

L'homme d'action, parmi ses souvenirs, effectue un tri, en gardecertains, ceux qui sont utiles à ses entreprises, au présent et à la vie, et il évacue du champ de laconscience le poids énorme et immense de ce qui, dans le passé, est utile.

Agir, c'est sélectionner, c'est trier,ne garder que l'essentiel , répudier, de manière plus ou moins consciente, la « mer du devenir ».

Toute actionexige donc bel et bien l'effacement des souvenirs, de même que tout être vivant a besoin de lumière (devision nette, de conscience, de clarté) mais aussi d'obscurité (d'inconscience, d'opacité et, nous allons levoir, de sommeil).La première phrase fait donc de l'effacement du souvenir, de l'obscurité, du sommeil, de la perte deconscience, des nécessités impérieuses pour l'action (vitale) et l'organisme.

La seconde phrase va prolongeret expliciter cette idée et cette manière de voir.

Comment comprendre et envisager cet « homme qui voudraitne sentir que d'une façon purement historique » ? Si l'histoire se définit comme la discipline ayant pour objet lareconstitution et la relation du passé des sociétés humaines, l'individu qui ressentirait les choses de manièrepurement historique serait celui qui serait littéralement submergé par le passé humain et absorbé en lui.

Unpeu plus haut, avant les lignes de Nietzsche ici proposées (il s'agit de la seconde des « Considérations »), lepremier a ainsi décrit l'individu pensant de manière purement historique, sans aucun oubli du passé : « il s'arc-. »

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