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Le dialogue vous paraît-il plus efficace que l'essai pour convaincre ?

Publié le 12/03/2004

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S'il est « convaincu «, c'est qu'il l'approuve en profondeur et en l'ayant complètement comprise. La conviction n'est pas une soumission. Si la conviction suppose une adhésion totale et profonde à la pensée proposée, quelles seront les efficacités comparées du dialogue et de l'essai ? L'essai peut-il donner un plein développement à la pensée, alors même qu'il vise à donner un point de vue et qu'il peut, dans ce but, éluder certains aspects ? Convaincre (au contraire de persuader) suppose une honnêteté intellectuelle, un souci d'exhaustivité. Le dialogue impose cette honnêteté, puisqu'il y a des interlocuteurs pour repérer les failles. L'essai, qui est un monologue, peut dissimuler ces failles. Convaincre suppose aussi que l'on s'occupe de la réalité des choses, non que l'on crée éventuellement des apparences ou que l'on transforme la réalité pour imposer une pensée. Là encore, la présence de l'autre impliquée par la situation de dialogue garantit que cette exigence soit remplie, au contraire de l'essai. Cette recherche pourra déboucher sue une définition du dialogue comme genre philosophique, du fait de sa nature dialectique.

Un réflexe naturel serait de dévaloriser l’essai, activité solitaire, au profit du dialogue, vu comme un partage spirituel entre deux interlocuteurs. L’expérience de l’activité qu’on appelle couramment « dialogue « amène pourtant l’observateur à réaliser l’inverse : non seulement le discours dialogique peine à se construire en une pensée rigoureuse, mais il est de surcroît un terrain de prédilection pour quiconque cherche à se mettre en valeur, et à imposer la bonne image qu’il a de lui-même au mépris du sujet dont il est question. Il convient dès lors de distinguer soigneusement deux significations du mot « dialogue « : l’une courante, qui pourrait simplement se traduire par le terme plus évasif de « conversation «, autrement dit une parole à plusieurs voix, et l’autre héritée d’une longue tradition philosophique qui est la dialectique, et dont le but est l’accession des interlocuteurs à la découverte de la vérité.

« Introduction Un réflexe naturel serait de dévaloriser l'essai, activité solitaire, au profit du dialogue, vu comme un partage spirituel entre deux interlocuteurs.

L'expérience de l'activité qu'on appelle couramment « dialogue » amène pourtantl'observateur à réaliser l'inverse : non seulement le discours dialogique peine à se construire en une penséerigoureuse, mais il est de surcroît un terrain de prédilection pour quiconque cherche à se mettre en valeur, et àimposer la bonne image qu'il a de lui-même au mépris du sujet dont il est question.

Il convient dès lors de distinguersoigneusement deux significations du mot « dialogue » : l'une courante, qui pourrait simplement se traduire par leterme plus évasif de « conversation », autrement dit une parole à plusieurs voix, et l'autre héritée d'une longuetradition philosophique qui est la dialectique, et dont le but est l'accession des interlocuteurs à la découverte de lavérité.

I : Polyphonie et monophonie _« Convaincre » ne signifie pas découvrir.

La différence la plus immédiate entre essai et conversation n'est pas larencontre de deux subjectivités, mais la mise en place d'un spectacle social.

Le « dialogue » au sens le plus large sedéfinit donc par une parole prononcée en présence d'un public, donc affectée.

Ce qui s'y exprime, à peine cachésous le vernis de la politesse, est une lutte d'influence et d'image._ La Première personne du singulier de Tardieu oppose ainsi la conversation des adultes au récit de l'enfant.

Le monde des parents y apparaît comme un univers cruel et répressif (l'enfant dit avoir été battu après son premierusage de l'appareil).

Les bruits provoqués par la conversation du salon laissent imaginer au narrateur un sabbat, aucours duquel le curé marche sur les mains, la soutane retroussée.

Ainsi apparaît la conversation de salon à unauditeur qui n'en a pas fait l'expérience : un monde où les bruits du repas se mêlent à un brouhaha confus, et mêmeinquiétant.

A l'agitation des convives s'oppose la narration de l'enfant, dont les actions secrètes sont motivées parla volonté de savoir, désir gratuit de connaître un monde dont on lui refuse l'accès._ La situation du dialogue n'exprime souvent qu'une monophonie déguisée : les échanges des interlocuteursdissimulent des volontés bornées, voire inavouables.

Ainsi chez Molière, le discours que Tartuffe fait à la femmed'Oronte manipule brillamment le vocabulaire du dévot, et n'est voué en fin de compte qu'à pousser la jeune femmeà commettre un adultère.

Le dialogue est ainsi truqué, puisque Tartuffe n'écoute les objections qui lui sont faitesque dans un but purement rhétorique, sans qu'il n'accorde la moindre valeur à son interlocutrice.

II : Le dialogue comme argumentation _ La tâche que se propose d'accomplir La Bruyère dans son ouvrage Les Caractères est de réhabiliter la conversation futile, pour mieux la distinguer de celle qui manipule les signes extérieurs de l'Esprit pour dissimuler labêtise du locuteur (le destinataire imaginaire d'Acis, au paragraphe 76 du chapitre « De la société et de laconversation ».

La conversation n'est en rien une situation d'apprentissage ; au contraire, remarque La Bruyère,c'est une situation où le Raison est toujours la première à abandonner : le personnage qu'on écoute le plusattentivement, de bon ou de mauvais gré, est le fou, le colérique, qu'on tempérera avec diplomatie, voire qu'onadmirera dans ses rares moments de calme._ Comment échapper à la conversation comme lutte d'intérêt, et permettre la construction d'un dialogue qui engagela conviction profonde des deux interlocuteurs ? La Rochefoucauld propose dans ses Réflexions diverses une stratégie argumentative qui consiste à refuser toute conversation dont l'enjeu réel soit une lutte d'influence.

Laforce d'un locuteur n'est pas de savoir parler, mais de savoir écouter : pour faire naître une conversation riche, ilconvient d'adopter une attitude humble, de parler peu de soi, de toujours laisser quelque chose à dire à l'autre._ Il reste à se questionner sur les procédés qui permettent l'avènement du dialogue véritablement fécond.

LaBruyère ne dissimule pas sa méfiance pour les procédés rhétoriques et les traits d'esprit, dont l'usage excessif setraduit bien souvent par une cruauté verbale et stérile vis-à-vis de l'interlocuteur.

« La moquerie est souventindigence d'esprit », écrit-il.

Au contraire, Diderot recours volontiers à l'ironie dans son court dialogue Entretien d'un philosophe avec la maréchale de .. .

justifiée par l'extrême politesse du philosophe, et par le caractère intime de la conversation.

Sous certaines conditions, l'ironie est un instrument de persuasion redoutable, dont l'efficacitéapparaît plus nettement dans un dialogue qu'un essai, dans lequel le rapport entre auteur et lecteur est souventbien trop distant pour permettre de convaincre ce dernier.

III : Le dialogue comme instrument de découverte. »

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