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Y a-t-il une différence entre la religion et la superstition ? ?

Publié le 13/02/2004

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En elle se révèle bien le paradoxe central d'une telle conscience : il n'est sans doute pas possible qu'une existence ne soit, dans son coeur le plus intime, subjectivement fondée sur des croyances qui d'un point de vue objectif semblent dénuées de tout fondement, et que la recherche de la spiritualité la plus haute ne prenne pas aussi parfois, pour celui qui l'observe « de l'extérieur », le visage d'une automystification.Cette réfutation des arguments naïfs qui déclarent la religion « fausse » parce qu'elle serait « en contradiction avec les données de la science » n'implique pas pour autant que la foi religieuse ait aujourd'hui, dans une culture avancée, la même nécessité qu'à l'époque où elle était le seul moyen pour l'homme d'exprimer le sentiment métaphysique de son existence. Bien des raisons expliquent que tout en restant sans doute indispensable dans nos cultures -ne serait-ce qu'en tant que dépositaire des traditions les plus anciennes et les plus fondamentales par lesquelles s'est définie l'humanité-, elle ne soit plus pour chaque individu qu'une option parmi d'autres, et que son influence collective ait donc connu un recul : la difficulté d'adhérer à des mythes dont la relativité culturelle est évidente, la méfiance, chez beaucoup de nos contemporains, à l'égard du principe même d'une adhésion sans distance critique, l'intérêt qu'ils portent à la connaissance et à la transformation rationnelles du monde, que la foi religieuse tend souvent à juger insignifiantes et sans valeur, la gêne qu'ils ressentent à l'égard d'un discours théologique suspect d'être emphatique et inadéquat à son objet, qu'il tend toujours à réifier, le sentiment enfin que les métaphysiques religieuses manquent parfois de complexité par rapport à celles plus inquiètes que produit (par exemple dans le domaine littéraire) la culture moderne, en sont quelques-unes. Une chose est néanmoins sûre : croire que la religion se réduit à une superstition et que sa disparition est la condition de la désaliénation de l'homme est aujourd'hui devenu une naïveté et un signe d'inculture. »L'ÉPICURISME ET LA SUPERSTITION.Épicure avait pour mère une magicienne ; tout jeune encore il l'accompagnait et récitait avec elle les formules lustrales. Il a donc pu voir de prés la superstition et la fâcheuse influence qu'elle exerce sur l'âme des hommes.C'est qu'en effet dans les religions antiques la crainte des dieux était plus terrible qu'on ne le croit d'ordinaire. « Pour comprendre ce qu'il y avait de légitime dans l'entreprise d'Épicure renouvelée par Lucrèce, il faut se rappeler combien la superstition antique était accablante et ce qu'elle inspirait de viles terreurs. A la distance où nous nous trouvons placés, nous modernes, dans cet éloignement favorable à la poésie, nous ne jugeons plus assez sévèrement la mythologie, accoutumés que nous sommes à la considérer de loin comme un charmant décor d'opéra composé tout exprès pour le plaisir des yeux et de l'esprit.

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« Cette question a hanté et hante toujours le christianisme, celui de la Réforme et du protestantisme du XXe siècle,mais aussi celui de la scolastique du x siècle qui a essayé de prôner une forme de foi épurée de toute trace desuperstition et même de religion.Le christianisme a tenté d'éradiquer la superstition de la foi, et ce de trois manières différentes :– la rationalisation théologique.

Des théologiens comme saint Augustin, saint Anselme, saint Bonaventure, saintThomas d'Aquin et bien d'autres ont tenté de constituer la foi comme un théisme plus ou moins philosophique etrationnel, ne serait-ce qu'en donnant des preuves de l'existence de Dieu.

Dieu est présenté comme un Principetranscendant, une sorte de cinquième dimension par rapport à notre monde à quatre dimensions (celles de l'espaceet celle du temps).

Il constitue une sorte de référentiel extérieur au monde, indépendant de l'espace et du temps.Dieu peut être aussi présenté comme l'Être, source et fondement de tout ce qui est, ou comme le Bien, source etfondement de tout ce qui est bien, ou la Vérité, source et fondement de toute vérité, ou quelquefois le Beau,source et fondement de toute beauté ;– la tradition de la mystique est aussi une tentative pour épurer la foi.

La mystique est une forme d'extase devantun Dieu sans nom et sans visage qui est seulement défini comme l'Ailleurs, l'Au-delà, la Nuit, le Silence (chez saintJean de la Croix) et le Rien(chez saint Jean de la Croix et Maître Eckhart).

La foi est une simple béance silencieuse vis-à-vis d'un mystèreincompréhensible et inconnaissable.

Dieu ne peut être défini que de manière négative : on ne peut dire que ce qu'iln'est pas ;– l'insistance sur l'incarnation de Dieu est aussi une manière de débarrasser la religion de la superstition.

En disantque Dieu s'est fait homme, on réduit la théologie (qui en principe devrait être un discours sur un Dieu transcendantet tout autre) à une anthropologie (un discours sur l'homme).

On ne croit plus en Dieu, on croit en l'homme, ou plusprécisément en Dieu mis en abîme dans l'homme, ou encore en l'homme fait« dieu ».

C'est ce qu'exprime très bien Feuerbach qui écrit dans L'essence du christianisme :« La religion, du moins le christianisme, est la relation de l'homme à lui-même, ou plus exactement à son essencecomme à un autre être.

» Et Feuerbach dit aussi : « Loin de rabaisser la théologie à l'anthropologie, j'élève plutôtl'anthropologie à l'état de théologie » De fait, la plupart des pseudo-confessions de foi d'aujourd'hui (celles issuesdes camps scouts, par exemple) vont dans ce sens.

On se contente de valoriser l'homme, la vie, la liberté et l'amouren habillant, in extremis, cette soi-disant confession de foi purement profane, laïque, humaniste et éthique d'unevague référence à Jésus-Christ, présenté comme l'homme qui a vécu l'amour jusque dans sa mort.À mon sens, dans ces conditions, il serait plus honnête de se reconnaître comme un humaniste agnostique.

À tropvouloir considérer le christianisme comme la religion de la sortie de la religion, il n'a plus rien de religieux.

Il n'est plusen rien une forme de croyance en Dieu. La religion réhabilitée. « Peut-être faut-il finir cette notion en revenant sur l'exemple par lequel on l'a ouvert, et reposer la question qu'ontcru trancher de façon définitive les philosophes du soupçon : la foi religieuse repose-t-elle vraiment sur l'illusion ?Correspond-elle seulement à une forme de conscience primitive naïvement animiste, que l'être humain seraitnécessairement amené à rejeter au fur et à mesure qu'il gagnerait en savoir et en maturité ? Il est certain qu'à lalecture de Marx, de Nietzsche, de Freud, de Sartre semble inviter à une telle conclusion.

Mais il n'est pas moinsévident que ces analyses destructrices n'ont pas entraîné, comme on a cru jadis qu'elles le feraient, la disparition dela religion, et que celle-ci reste d'une étonnante vitalité : même dans les pays les plus développés et les plussceptiques, où elle a connu une crise indiscutable, qui l'a fortement marginalisée, son rôle a été redéfini (s'intégrantsans trop de heurts dans un cadre politico-philosophique fondamentalement laïque) plus qu'il n'a disparu.

Et c'est enfait l'athéisme radical qui paraît aujourd'hui daté, et qui a cessé d'apparaître comme une position intellectuelleavancée : l'influence notamment de l'anthropologie, qui montre dans le fait religieux une des formes les plusuniverselles de la culture, a souvent conduit à sa relégitimation intellectuelle même par ceux qui se déclarentpersonnellement incroyants.Ce dont on a d'abord pris conscience, c'est de l'erreur qu'il y avait à traiter la foi religieuse comme une sorte deconcurrente maladroite de la science : s'il est illégitime de la considérer comme une illusion, c'est qu'elle ne se veutpas une connaissance du monde tel qu'il est.

Il est plus pertinent de voir en elle une façon de structurer activementla vie humaine et de l'arracher au non-sens : cela à la fois par la pratique de certaines rites, et par l'adhésion à desdogmes et des mythes visant à exprimer et à affirmer, dans un langage symbolique, une certaine conception de lavocation spirituelle de l'être humain et du sens de sa destinée –sens dont aucun discours cognitif ne peut et neveut par principe parler.

Quelle est cette conception ? Au coeur de toute conscience religieuse, on retrouve,semble-t-il, un certain nombre de convictions communes : celle que l'homme est d'abord un être éthique, confrontéà des devoirs qu'il ne peut modifier à sa guise, et qui renvoient donc à une loi absolue et indépendante de lui ; cellequ'il est un être fini, voué à la souffrance et à la mort, que la recherche exclusive du bonheur terrestre condamnedonc nécessairement au désespoir ; celle qu'il est aussi un être faillible, capable de l'erreur et du mal, qui plutôt quede s'enorgueillir de lui-même doit s'efforcer dans l'humilité de se perfectionner et de se purifier ; celle du coup qu'ilne peut atteindre la sérénité qu'en se décentrant, en reconnaissant sa totale dépendance par rapport à une réalitéqui le dépasse infiniment, en éprouvant de l'émerveillement et de la gratitude devant le fait que la vie lui soitdonnée, en cherchant à accepter l'ordre du monde et à s'y adapter au lieu de le dominer; celle enfin qu'il n'est pasde vie existentiellement lucide qui ne soit fondée sur la conscience de la différence entre le relatif et l'absolu, entreles événements internes au monde visible, et ce qui donne sens à la vie –et n'appartient précisément pas à cemonde-, auquel on donne le nom de Dieu.

On voit que du coup pour le croyant la question n'est pas au fond desavoir « si Dieu existe » : mais si l'existence humaine ne gagne pas en richesse et en profondeur lorsqu'elle sedécentre et se situe en relation à « Dieu ».

Que Dieu soit une création de l'homme, et n'ait pas l'objectivité despierres ou des étoiles, ne fait guère de doute : mais le problème est de savoir si la religion n'est précisément pas le. »

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