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Dire à quelqu'un: "Sois naturel", est-ce lui donner un bon conseil ?

Publié le 20/03/2004

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Donc, les comportements qui nous paraissent les plus spontanément normaux sont en réalité des conventions culturelles : et, juste avant ce texte, Merleau-Ponty faisait valoir que les Japonais sourient dans la colère. L'argument de l'hérédité fonctionne alors comme un argument a fortiori (« même ceux qui... «) : rien n'est absolument réductible au corps, c'est-à-dire à la nature, et la paternité, en tant que valeur culturelle construite, dépasse l'instinct de reproduction. La deuxième idée refusée (à partir de « il est impossible... «) est celle de la superposition de « couches « naturelles et culturelles. Merleau-Ponty veut ici lutter contre l'idée classique et commode selon laquelle coexisteraient en l'homme deux épaisseurs, deux strates géologiques, qu'on pourrait séparer l'une de l'autre et reconstituer à part l'une de l'autre : la nature et la culture. L'allusion en appelle implicitement à Rousseau et à sa statue de Glaucus : le projet de Rousseau est dénoncé comme utopique. La thèse de Merleau-Ponty, qui apparaît négativement dans les deux premiers temps du texte, puis positivement (à partir de « tout est fabriqué... «) est donc que nature et culture sont toujours déjà là en l'homme, et qu'elles sont indiscernables : l'homme est à la fois totalement naturel et totalement culturel. L'homme n'est plus alors celui qui s'arrache à la nature pour devenir culturel : il est introuvable, inassignable.

■ Mots clés • naturel acquis, artificiel) : qui concerne la nature, se rapporte à elle ou lui est conforme. Être naturel : se comporter avec spontanéité, sans affectation. • conseil : opinion donnée à quelqu'un sur ce qu'il doit faire.

  • Conseiller à quelqu'un de suivre sa nature, cela a-t-il un sens, alors que l'on sait que l'humanité de l'homme s'est justement construite contre la nature donnée ? Ne devrions-nous pas plutôt dire: "Sois civilisé" plutôt que "sois naturel" ?

« "Il n'est pas plus naturel ou pas moins conventionnel de crier dansla colère ou d'embrasser dans l'amour que d'appeler table unetable.

Les sentiments et les conduites passionnelles sont inventéscomme les mots.

Même ceux qui, comme la paternité, paraissentinscrits dans le corps humain, sont en réalité des institutions.Il est impossible de superposer chez l'homme une première couche de comportements que l'on appellerait "naturels" et unmonde culturel ou spirituel fabriqué.

Tout est fabriqué et tout estnaturel chez l'homme, comme on voudra dire, en ce sens qu'iln'est pas un mot, pas une conduite qui ne doive quelque chose àl'être simplement biologique, et qui en même temps ne se dérobeà la simplicité de la vie animale, ne détourne de leur sens lesconduites vitales, par une sorte d'échappement et par un génie del'équivoque qui pourrait servir à définir l'homme." MERLEAU-PONTY Merleau-Ponty commence par énoncer sa thèse de façon négative, pardeux fois, en refusant deux idées.

La première idée refusée, c' est l'idée que le comportement humain soit plus naturel que la dénomination dansle langage.

Cette analogie entre langage et comportement s'appuie surl'idée que la dénomination est conventionnelle (ce qu'expliquait Hermogène dans le Cratyle de Platon).

Donc, les comportements qui nous paraissent les plus spontanément normaux sont en réalité des conventions culturelles : et, juste avant cetexte, Merleau-Ponty faisait valoir que les Japonais sourient dans la colère.

L'argument de l'hérédité fonctionnealors comme un argument a fortiori (« même ceux qui...

») : rien n' est absolument réductible au corps, c'est-à- dire à la nature, et la paternité, en tant que valeur culturelle construite, dépasse l'instinct de reproduction.La deuxième idée refusée (à partir de « il est impossible...

») est celle de la superposition de « couches » naturelles et culturelles.

Merleau-Ponty veut ici lutter contre l'idée classique et commode selon laquellecoexisteraient en l'homme deux épaisseurs, deux strates géologiques, qu'on pourrait séparer l'une de l'autre etreconstituer à part l'une de l'autre : la nature et la culture.

L'allusion en appelle implicitement à Rousseau et àsa statue de Glaucus : le projet de Rousseau est dénoncé comme utopique.La thèse de Merleau-Ponty, qui apparaît négativement dans les deux premiers temps du texte, puispositivement (à partir de « tout est fabriqué...

») est donc que nature et culture sont toujours déjà là en l'homme, et qu'elles sont indiscernables : l'homme est à la fois totalement naturel et totalement culturel.L'homme n' est plus alors celui qui s'arrache à la nature pour devenir culturel : il est introuvable, inassignable. Définir l'homme par l'« équivoque », par l'« échappement », c'est dire que la conduite humaine n'est jamaisstrictement réductible à l'un des deux ordres, et qu'une telle tentative de réduction est toujours déçue.

L'appelpar Merleau-Ponty à ce registre de l'ambiguïté signifie que l'homme est inclassable, et que c' est là sa différence spécifique. Le conseil « Sois naturel » peut signifier « Retourne à une vie plus simple », c'est-à-dire prends le temps de faireremonter en toi ce que tu es vraiment, « Connais-toi toi-même ».

Et cela ne peut se faire dans le bruit et la cohuedes grandes villes.

Il faut savoir parfois s'arrêter.

« La vitesse, dit le cinéaste allemand Wim Wenders, c'est l'arrêt dela pensée.

Plus tu vas vite, plus tu penses lentement.

» L'homme occupe une place particulière dans la nature, ence sens qu'il est le seul à pouvoir innover pour échapper au déterminisme strict et faire surgir sa liberté. Le conseil « Sois naturel » nous rappelle que nous avons besoin du ciel étoilé au-dessus de nous et du silence.

Ilnous rappelle notre relativité et donne de nouveau sa place à la spontanéité du coeur, comme le dit si bien Pascal. [Conclusion] Il est sage de conseiller « Sois naturel » à quelqu'un qui s'engouffre frénétiquement dans la spirale de la vitesse, et«qui n'a plus le temps de rien », comme l'on dit communément.

Le « divertissement », au sens pascalien, nousempêche de retrouver la simplicité profonde de l'être.

Trop de sophistications rendent la vie insupportable.

L'hommerêve toujours d 'abolir la séparation fondamentale et de s'unir au monde pour se réunir avec ses semblables.. »

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