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Un discours de Boileau

Publié le 16/02/2012

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discours

En 1688, Boileau présidant la distribution des prix du collège de Beauvais, où il avait fait ses humanités, adresse aux élèves l'allocution d'usage.

Il parlera de ses souvenirs de collège; — de ses amitiés de jeunesse; — de ses anciens maîtres que maintenant il juge avec une équité reconnaissante; — de ce qu'il doit aux études qu'il a faites dans le vieux collège, etc.

On sait que la querelle des Anciens et des Modernes éclata en 1687 entre Boileau et Perrault (lequel avait été, lui aussi, élève du collège de Beauvais). Boileau, dans cette querelle, défendait les auteurs grecs et latins contre Perrault, qui leur préférait les modernes.

Vous pourriez tirer de ce fait une partie du discours que vous prêterez à Boileau.

discours

« oil, sous pretexte de flatter les vivants, on se montre injuste envers les Grecs et les Latins, les plus illustres parmi les worts.

Et cependant ces anciens sont nos maitres; des maitres qu'il faut aimer pour eux-memes et pour les services qu'ils nous rendent.

Laissez-moi m'expliquer a ce sujet. Et d'abord, je les trouve naturels et plus raisonnables que nous.

Si vous me demandez en quoi, apres vos maitres qui pensent comme moi, je vous renverrai a votre Homere et a votre Virgile.

N'est-il pas vrai que, chez les Anciens, la raison est souvent plus sure, la pensee plus simple et plus vraie; le cceur plus naïf et aussi plus sincere, les sentiments plus reellement humains et &Heats que les mitres? Regardez leurs oeuvres, considerez jus- qu'aux termer qu'ils emploient a definir leur idee, remarquez la coupe de leurs phrases et l'ordonnance de leurs periodes : tout cela n'est-il pas naturel, raisonnable? n'est-ce pas la nature et la raison meme? Si maintenant vous me demandez pourquoi ils sont ainsi : c'est, vous dirai-je, qu'ils sont plus jeunes que nous, et vous comprendrez bien, sans que je m'attarde vous l'expliquer, tout ce que ce mot de jeunesse de l'humanite laisse entendre de vigueur, de force et de veritable vie.

Ce n'est point assez dire; ces anciens Grecs et Latins sont encore l'Age miir, avec ses belles qualites de mesure, d'harmonie, d'equilibre parfait.

- Un si merveilleux ensemble de perfec- tions me parait etre la plus gale chose qui se puisse rover.

Ce n'est plus guere notre fait; on dirait que nous sommes degofites de la nature, et que la simple raison nous a paru monotone.

Il est de nos auteurs qui ont contre- fait la realite, l'ont enlaidie pour la rendre agreable; d'autres out, dans leurs ecrits, subtilise sur les sentiments et comme ratline Fame humaine; le Ian- gage s'est alors complique de la plus bizarre faqon, et le temps n'est pas loin encore ou bien parler n'etait,que se rendre inintelligible au vulgaire...

Nos devanciers furent plus avises que nous.

Its ont compris que la nature et la raison &twit perdues, les chercher &tali necessaire, puisque d'elles seules viennent a chaque oeuvre et sa valeur et sa beaute.

En les allant querir dans l'antiquite et.

en les y retrouvant, ils ont avoue et demontre qu'elles y etaient et que, partant, les Anciens nous etaient superieurs.

Alors de les imiter, de se les assimiler, de les convertir, comme dit un auteur, .t en sang et en nourriture Leurs vieux sujets legendaires, si interessants, si nobles, si poetiques, pleins de noms harmonieux, doux a l'oreille, furent aussi les notres; leurs (Messes et leurs dieux prirent place en nos vers; leur langue se melant a la notre, la corrigea, l'enrichit, l'assouplit; leur periode devint notre periode.

Et ne savons-nous pas que l'imitation est un hommage rendu par le copiste a son modele? II s'en trouva qui travestirent au lieu d'imiter, pensant avoir seuls de l'esprit; les sots purent en rire, et les mieux avises n'y virent que l'inconscient aveu d'une impuissance mal resignee.

Mais, reclamera quelqu'un, nos Modernes ont pu surpasser vos Anciens, tandis qu'ils les imitaient.

- Soyons genereux; je vous l'accorde.

- Done nous valons mieux.

- Vous voulez dire que l'enfant qu'on aide a marcher vaut mieux qu'un autre qui court tout seul? Voila qui est faux. Voyons, dans un plus grand detail, ce que nous apportent d'utilite l'etude et l'imitation des anciens auteurs.

La nature et la raison sont a peu pros les memes partout et toujours.

Si done elles ne changent pas, si, d'autre part, elles sont vraiment les modeles et les regles, it importe cje ne point tant s'attacher a ce pi se transforme avec les annees ou yank avec les latitudes, a la mode ephemere ou au gout changeant du siècle.

L'etude et l'imitation des Anciens permettent seules d'en agir ainsi. Comment vous ferai-je saisir cette verite? Supposez un homme sans aucune education ni culture d'esprit autre que de savoir lire; donnez-lui un ouvrage tout recent, ecrit dans le gout du jour : si le livre n'est pas absurde ou ne choque pas la morale, la lecture lui en agreera de tout point et ii n'y trouvera men a reprendre, y rencontrant, outre ce que cet ouvrage contient d'universel et d'eternel, les idees particulieres dont it est impregne par la vie de chaque jour an milieu de ses contemporains.

Donnez- lui apres cela l'Oclyssee d'Homere approuvera certaines choses et en rejettera d'autres, distinguant de ce qui a vieilli ce qui demeure, de ce qui est mode ou fantaisie ce qui est nature et raison.

Comprenez-vous main- tenant ce que je voulais vous rendre sensible? Ce qui est admirable encore pour nous, dans les chefs -d'oeuvre de l'antiquite, ce qui nous est accessible, ce que nous y retrouvons de nous-mernes, de notre nature, de notre raison, voilk ce qu'il faut mettre en nos propres ouvrages, voila ce qu'il faut imiter, où, sous prétexte de flatter les vivants, on se montre injuste envers les Grecs et les Latins, les plus illustres parmi les morts. Et cependant ces anciens sont nos maîtres; des maîtres qu'il faut aimer pour eux-mêmes et pour les services qu'ils nous rendent.

Laissez-moi m'expliquer à ce sujet.

Et d'abord, je les trouve naturels et plus raisonnables que nous.

Si vous me demandez en quoi, après vos maîtres qui pensent comme moi, je vous renverrai à votre Homère et à votre Virgile. N'est-il pas vrai que, chez les Anciens, la raison est souvent plus sûre, la pensée plus simple et plus vraie; le cœur plus naïf et aussi plus sincère, les sentiments plus réellement humains et délicats que les nôtres? Regardez leurs œuvres, considérez jus­ qu'aux termes qu'ils emploient à définir leur idée, remarquez la coupe de leurs phrases et l'ordonnance de leurs périodes : tout cela n'est-il pas naturel, raisonnable? n'est-ce pas la nature et la raison même? Si maintenant vous me demandez pourquoi ils sont ainsi : c'est, vous dirai-je, qu'ils sont plus jeunes que nous, et vous comprendrez bien, sans que je m'attarde à vous l'expliquer, tout ce que ce mot de jeunesse de l'humanité laisse entendre de vigueur, de force et de véritable vie.

Ce n'est point assez dire; ces anciens Grecs et Latins sont encore l'âge mûr, avec ses belles qualités de mesure, d'harmonie, d'équilibre parfait. — Un si merveilleux ensemble de perfec­ tions me paraît être la plus noble chose qui se puisse rêver.

Ce n'est plus guère notre fait; on dirait que nous sommes dégoûtés de la nature, et que la simple raison nous a paru monotone.

Il est de nos auteurs qui ont contre­ fait la réalité, l'ont enlaidie pour là rendre agréable; d'autres ont, dans leurs écrits, subtilisé sur les sentiments et comme raffiné l'âme humaine; le lan­ gage s'est alors compliqué de la plus bizarre façon, et le temps n'est pas loin encore où bien parler n'était que se rendre inintelligible au vulgaire- Nos devanciers furent plus avisés que nous.

Ils ont compris que la nature et la raison étant perdues, les chercher était nécessaire, puisque d'elles seules viennent à chaque œuvre et sa valeur et sa beauté.

En les allant quérir dans l'antiquité et.

en les y retrouvant, ils ont avoué et démontré qu'elles y étaient et que, partant, les Anciens nous étaient supérieurs. Alors de les imiter, de se les assimiler, de les convertir, comme dit un auteur, « en sang et en nourriture ». Leurs vieux sujets légendaires, si intéressants, si nobles, si poétiques, pleins de noms harmonieux, doux à l'oreille, furent aussi les nôtres; leurs déesses et leurs dieux prirent place en nos vers; leur langue se mêlant à la nôtre, la corrigea, l'enrichit, l'assouplit; leur période devint notre période.

Et ne savons-nous pas que l'imitation est un hommage rendu par le copiste à son modèle? Il s'en trouva qui travestirent au lieu d'imiter, pensant avoir seuls de l'esprit; les sots purent en rire, et les mieux avisés n'y virent que l'inconscient aveu d'une impuissance mal résignée. Mais, réclamera quelqu'un, nos Modernes ont pu surpasser vos Anciens, tandis qu'ils les imitaient. — Soyons généreux; je vous l'accorde.

— Donc nous valons mieux. — Vous voulez dire que l'enfant qu'on aide à marcher vaut mieux qu'un autre qui court tout seul? Voilà qui est faux.

Voyons, dans un plus grand détail, ce que nous apportent d'utilité l'étude et l'imitation des anciens auteurs. La nature et la raison sont à peu près les mêmes partout et toujours. Si donc elles ne changent pas, si, d'autre part, elles sont vraiment les modèles et les règles, il importe 4e ne point tant s'attacher à ce cnii se transforme avec les années ou varie avec les latitudes, à la mode éphémère ou au goût changeant du siècle.

L'étude et l'imitation des Anciens permettent seules d'en agir ainsi.

Comment vous ferai-je saisir cette vérité? Supposez un homme sans aucune éducation ni culture d'esprit autre que de savoir lire; donnez-lui un ouvrage tout récent, écrit dans le goût du jour : si le livre n'est pas absurde ou ne choque pas la morale, la lecture lui en agréera de tout point et il n'y trouvera rien à reprendre, y rencontrant, outre ce que cet ouvrage contient d'universel et d'éternel, les idées particulières dont il est imprégné par la vie de chaque jour au milieu de ses contemporains.

Donnez- lui après cela Y Odyssée d'Homère: il approuvera certaines choses et en rejettera d'autres, distinguant de ce qui a vieilli ce qui demeure, de ce qui est mode ou fantaisie ce qui est nature et raison. Comprenez-vous main­ tenant ce que je voulais vous rendre sensible? Ce qui est admirable encore pour nous, dans les chefs-d'œuvre de l'antiquité, ce qui nous est accessible, ce que nous y retrouvons de nous-mêmes, de notre nature, de notre raison, voilà ce qu'il faut mettre en nos propres ouvrages, voilà ce qu'il faut imiter,. »

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