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La distraction ?

Publié le 21/03/2004

Extrait du document

Si nous nous dégageons de ces exemples, elle correspond d'une façon générale à un état de basse tension psychologique, qui peut se rencontrer d'une façon permanente en cas de paresse intellectuelle. Elle se réalise occasionnellement dans une vacance d'action, parce que le travail est, pour un temps, terminé ; dans une attente, parce qu'il n'y a pas encore d'action à entreprendre, qui va requérir l'attention. Soit encore, parce que nous ne parvenons pas, en raison même de cette dispersion mentale, à attacher un intérêt quelconque à la situation dans laquelle nous nous trouvons. Ce manque d'intérêt peut être permanent, conduire à l'apathie et à l'indolence ou bien à une soumission de l'activité à des impressions immédiates et fugitives, perpétuellement contradictoires. Ainsi parle-t-on d'enfants instables, lorsque nul spectacle, nulle activité ne peut les amener à un effort d'attention. La dispersion mentale est corrélative d'un manque d'attention, d'une incapacité provisoire ou permanente à concentrer l'activité intellectuelle sur un phénomène extérieur ou sur un objet abstrait comme un raisonnement. Elle est incapacité à la moindre continuité, fût-ce dans une occupation facile comme le jeu. Aucune sélection ne s'opère vis-à-vis des sollicitations internes ou externes des automatismes, aucune orientation de l'esprit, puisque l'attention qui relie des phénomènes consécutifs les uns aux autres fait défaut. La distraction n'est que l'abandon à des forces extérieures. Permanente, la dispersion mentale est une véritable maladie du psychisme.

« La distraction, divertissement, intervient également dans le conflit qui oppose un travail nécessaire, effectué sansplaisir, à nos goûts qui ont plus de vivacité pour soutenir notre attention qu'une commande ou une contrainte.

D'oùune tendance à une certaine dualité dans notre activité.Réunissons un très vif intérêt pour un objet, une passion pour la recherche scientifique, par exemple, à une fortecapacité d'attention, entretenue par un exercice constant, une application opiniâtre.

Cette distraction reste laconséquence directe de l'attention.

Ce distrait est un attentif.Si je prête l'oreille à un bruit faible qui me semble venir de loin, — est-ce quelqu'un qui monte l'escalier ? — tout sepasse comme si je l'entendais plus fort.

Si je fixe de plus près mon regard sur les entrelacs délicats d'un dessinminutieux, tout se passe comme si mon acuité visuelle augmentait.

Inversement, pendant que je regarde cettephotographie d'une dentelle finement tressée, il peut bien arriver qu'un pas très lourd ébranle l'escalier, je nel'entendrai pas.

Si j'écoute attentivement la symphonie que l'orchestre joue, je ne vois plus, — je les vois sans lesvoir, — mes voisins de concert, ni les balcons et architectures du théâtre.L'attention opère sa fonction de sélection.

Nécessairement, ce choix exclut de nombreux éléments.

Sans doute,n'est-il pas exact de se représenter ce phénomène psychique selon la métaphore d'un faisceau lumineux qui serétrécirait pour ne plus éclairer qu'un seul objet.

Sans doute l'attention n'est-elle pas davantage un diaphragme dela conscience qui diminuerait le champ de la perception.

Il n'en reste pas moins que l'attention est une orientationde l'activité mentale et pratique, une mise en perspective qui organise de nombreux éléments perceptifs, autour d'un« centre d'intérêt ».

Du même coup, tout ce qui n' pas de rapport actuel avec la préoccupation passionnante estrejeté, pour ainsi dire anéanti.Si je suis en train de lire un roman « palpitant », les conditions dans lesquelles je suis installé pour lire ne comptentplus.

Je ne m'apercevrai qu'en refermant le livre que ma jambe s'est engourdie, que ma cigarette a brûlé le bois de latable sur laquelle je l'avais posée, « sans faire attention ».

J'étais incapable d'attention, parce que, selonl'expression courante, mon attention était ailleurs « captée ».

Cette forme de la distraction est celle de l'hommeabsorbé.

Il faut remarquer qu'ici l'attention est dirigée vers ce que l'homme absorbé considère comme essentiel, etqu'il a négligé ce qu'il considère comme accessoire.

A des degrés divers, c'est la rançon de tout effort d'attention ;généralement, nous conservons une attention marginale à ce qui est nécessaire, nous avons une vague consciencede ce qui se passe autour de nous.

Dans les cas extrêmes, où la passion intervient, qu'elle soit d'ordre affectif oupassion intellectuelle, il se produit une relative inadaptation de la conduite.

Si je réfléchis je ne fais pas attention àmes gestes.

Si j'agis, je ne prends pas conscience de mon action, je ne la réfléchis pas.

Les anecdotes concernantla distraction de l'homme absorbé font toutes état d'une dissociation radicale de la pensée et de la conduite, où lapoursuite d'un raisonnement, d'un discours a pris le pas sur l'adaptation au réel.

Il est possible cependant deconcevoir des cas où l'homme d'action, tout absorbé dans son effort, est par conséquent distrait du monde deschoses et des êtres qui l'entourent.

Combien d'hommes d'action négligent les facteurs humains, les sentiments deceux qu'ils rencontrent, sans les voir, sur leur chemin ! Cette distraction par limitation du champ de la conscienceest source d'erreurs, de négligences parfois redoutables.

Le point extrême ramène à la pathologie, à l'analyse de lanaissance des obsessions.Toutes les formes de la distraction que nous avons analysées ont des causes différentes.

N'ayant point la mêmeorigine, elles ne se ressemblent pas en tant que phénomènes subjectifs.

Pourtant, du point de vue social, —rapports entre le monde et nous, — elles ont en commun de donner naissance à des conduites inadaptées, quel'observation commune sanctionne par le ridicule.

La distraction par fléchissement de l'attention, la distraction parhaute concentration de l'esprit, l'opinion publique s'en moque en les assimilant l'une à l'autre.

Il est certain que la viepsychologique est un état d'équilibre entre ces deux pôles : attention et distraction.

L'équilibre peut être rompu parexcès ou par défaut.

La conduite quotidienne exige plus de souplesse, de disponibilité que n'en peut disposerl'attention exclusive de ceux que l'on appelle « des hommes de pensée ».

La distraction est une rupture de l'équilibredans la relation qui unit notre être conscient au monde extérieur, par une conscience qui renonce à sa fonction decontrôle.. »

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