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La division du travail permet-elle un progrès moral ?

Publié le 31/03/2004

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travail

On imagine aisément que la division du travail a permis à l’homme d’alléger sa charge de travail, qu’elle lui a simplifié le travail et que de surcroît l’accroissement de la productivité a permis une consommation de masse et plus de confort. On pense aussi à la baisse du temps de travail qui a offert à l’homme plus de loisirs et de repos, liée à la division du travail. Mais n’y-t-il pas des contreparties, cette division du travail ne risque-t-elle pas de diminuer les capacités créatives des individus, les entraîner dans des tâches répétitives et abrutissantes ? Aussi, il faut pour cela examiner l’histoire de la division du travail et les différentes réflexions des philosophes et sociologues sur ce sujet.

1) Une histoire de la division du travail.

2) La division du travail au début du capitalisme.

3) La critique de la division du travail.

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« d'autres le même ouvrier en remplisse deux ou trois.

J'ai vu une petite manufacture de ce genre qui n'employait quedix ouvriers, et où , par conséquent, quelqu'uns d'eux étaient chargés de deux ou trois opérations.

Mais quoique lafabrique fût fort pauvre et pour cette raison, mal outillée, cependant quand ils se mettaient en train, ils mettaient àbout de faire entre eux environ douze livres d'épingles par jour ; or, chaque livre contient au-delà de quatre milleépingles de taille moyenne […].

Mais s'ils avaient tous travaillé à part et indépendamment les uns des autres, et s'ilsn'avaient pas été façonnés à cette besogne particulière, chacun d'eux assurément n'eût pas fait vingt épingles,peut-être pas une seule, dans sa journée, cad pas, à coup sûr, la deux cent quarantième partie, et pas peut-être laquatre mille huit centième partie de ce qu'ils sont maintenant en état de faire, en conséquence d'une division etd'une combinaison convenables de leurs différentes opérations.

» SMITH, « Recherches sur la nature et les causesde la richesse des nations ». Pour montrer l'efficacité de la division du travail, Smith prend comme exemple une fabrique qui produit des « objetsde peu de valeur » et qu'il est donc utile de produire en grand quantité.Dans cet exemple, la division du travail possède deux aspects : d'une part, « fabriquer des épingles » devient unmétier particulier alors qu'auparavant le forgeron fabriquait des épingles et aussi d'autres produits.

D'autre part cemétier lui-même est divisé en autant de métiers qu'il y a d'opérations à effectuer.L'habitude accroît l'habileté pour chacune de ces opérations, permettant ainsi une plus grande rapidité dans letravail.

Mais la spécialisation a pour contrepartie l'incapacité à exercer le métier de forgeron dans toute sa diversité.Et plus la division du travail augmente, plus chaque opération est simplifiée.

La dextérité acquise par la répétitiond'une tâche particulière n'est pas équivalente à l'habileté de métier.Si Smith souligne ici l'utilité économique de la division du travail, à un autre endroit de son livre il en montrera lanocivité pour le travailleur : « Un homme dont toute la vie se passe à exécuter un petit nombre d'opérations simples[…] n'a aucune occasion de développer son intelligence ni d'exercer son imagination […] Il devient en général aussiignorant et aussi stupide qu'il soit possible à une créature humaine de le devenir.

» 3) La critique de la division du travail.

Karl Marx dans Le Capital fait remarquer que la division du travail représenteun « rabougrissement de corps et d'esprit », une aliénation pour l'ouvrier.Mais il va plus loin et il distingue dans la division du travail une forme« sociale » et une forme « manufacturière ».

La première a une basenaturelle : la diversité des sols dans la zone tempérée.

La seconde tient à laséparation de la ville et de la campagne.

Pour que naisse la manufacture, il afallu que la division sociale parvienne à un certain degré de développement.Inversement, la division manufacturière amplifie la division sociale.

Mais si ladivision du travail est indispensable à la fabrication de marchandises, il resteque les sociétés primitives connaissent une division du travail qui n'a pas pouraboutissement la production de marchandises.

De ces constatations Marxtirera la théorie de la plus-value et celle du conflit entre les forcesproductives et les rapports de production.

La grande industrie bouleverseconstamment les techniques de production, le travail des ouvriers etl'organisation du travail.

Elle renforce ainsi ces rapports conflictuels qui, selonMarx, devaient amener la destruction de la société capitaliste.

Le travail parcellisé et la coopération, qui lui est intrinsèquement liée, exigentune organisation préalable du travail assez précise pour éviter des gaspillagesqui annuleraient les avantages dont ils sont porteurs : chaque ouvrier doitréaliser sa tâche parcellaire de telle façon que les résultats de chacun soient cohérents avec l'ensemble du produit à fabriquer.

La logique de la parcellisation et de la lutte contre la porosité dela journée de travail conduit à ce que ce travail d'organisation soit réalisé par d'autres travailleurs que les ouvriersoccupés à ces tâches parcellisées.

Et cela d'autant que, dans leurs tâches de plus en plus parcellisées, ilspossèdent de moins en moins une vision globale du produit fini et un savoir général de plus en plus atrophié.En analysant ces logiques à l'oeuvre dans la manufacture, Marx découvre déjà les grands principes du taylorisme : «Les puissances intellectuelles de la production se développent d'un seulcôté parce qu'elles disparaissent sur tous les autres.

Ce que les ouvriers parcellaires perdent se concentre en faced'eux dans le capital.

La division manufacturière leur oppose les puissances intellectuelles de la production comme lapropriété d'autrui et comme le pouvoir qui les domine.

Cette scission commence à poindre dans la coopération simpleoù le capitaliste représente, vis-à-vis du travailleur isolé, l'unité et la volonté du travailleur collectif ; elle sedéveloppe dans la manufacture qui mutile le travailleur au point de le réduire à une parcelle de lui-même ; elles'achève enfin dans la grande industrie qui fait de la science une force productive indépendante du travail et l'enrôleau service du capital » [ibid., p.

50].Ce passage rassemble toute l'histoire taylorienne de l'industrie moderne avec la constitution d'un corps despécialistes devenu le bureau des méthodes qui organise le travail des ouvriers.

Ce corps de spécialistes est laconcentration de la puissance intellectuelle, du savoir, qui organise les tâches des travailleurs manuels, eux-mêmestoujours un peu plus dépossédés de la connaissance.

Enfin, comme le déclare Taylor (1856-1915) lui-même, ladémarche du corps des spécialistes de l'organisation du travail est scientifique.

Or, les ouvriers sont écartés decette démarche scientifique, soit parce que leur formation coûterait trop cher, soit parce qu'ils n'ont pas le tempsde la mettre en oeuvre, occupés qu'ils sont à leur travail parcellaire.. »

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