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Doit-on justifier son existence ?

Publié le 25/03/2004

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Quoi qu'on dise, le moment le plus heureux de l'homme heureux est encore celui où il s'endort, comme l'instant le plus malheureux de la vie de l'homme malheureux est celui de son réveil. Au surplus, une preuve indirecte, mais certaine, de ce que les hommes se sentent malheureux et, en conséquence, le sont, est encore fournie par l'envie féroce, innée en chacun de nous, qui, dans toutes les circonstances de la vie, éclate au sujet de quelque supériorité que ce soit, et ne peut retenir son venin. Le sentiment qu'ils ont d'être malheureux empêche les hommes de supporter la vie d'un autre, présumé heureux ; celui qui se sent momentanément heureux voudrait aussi répandre le bonheur tout autour de soi, et dit : Que tout le monde ici soit heureux de ma joie. (Helvétius, De l'esprit, discours III, chap. XII.) Si la vie était en soi un bien précieux et décidément préférable au non-être, la porte de sortie n'aurait pas besoin d'en être occupée par des gardiens aussi effroyables que la mort et ses terreurs. Mais qui consentirait à persévérer dans l'existence, telle qu'elle est, si la mort était moins redoutable ? - Et, si la vie n'était que joie, qui pourrait aussi endurer la seule pensée de la mort ! - Mais, dans notre situation présente, elle a toujours du moins ce bon côté d'être la fin de la vie, et nous nous consolons des souffrances de la vie par la mort, et de la mort par les souffrances de la vie. La vérité est qu'elles sont toutes deux inséparablement liées, et constituent pour nous un labyrinthe, d'où il est aussi difficile que désirable de revenir             Transition : cette position pessimiste a l'avantage de ne faire appel à aucun élément extérieur à l'existence pour poser le problème de sa justification. Est-il possible, compte tenu de cette position, de penser malgré tout un devoir de justification de l'existence, et, si oui, à quelles conditions pour le sujet qui prend en charge ce devoir ?

La question « doit-on « porte sur un devoir ou une obligation, que cette obligation vienne d’une autorité extérieure ou bien d’une exigence que l’on formule vis-à-vis de nous-mêmes. Le « on « est ici le « on « indéfini de l’espèce humaine prise dans son ensemble – c’est donc l’existence humaine qui est en question ici, ou plutôt sa justification – son sens et sa raison d’être -, ainsi que le rapport que chaque homme entretient avec le sens de sa propre existence, comme le montre l’emploi du possessif « son «. Justifier quelque chose, c’est l’expliquer, en exposer les raisons d’être, déterminer en quoi il est juste, pertinent, que telle ou telle chose existe. La question est donc ici double : a-t-on le devoir de justifier notre existence ? – autrement dit, une existence que l’on ne s’efforcerait pas de justifier peut-elle prétendre à une forme d’excellence ? D’autre part, est-il pertinent de chercher à justifier son existence ? – comme si l’existence était un objet qui, par son caractère injustifié, absurde, refusait que l’on accomplisse envers lui un travail de justification. Le sujet porterait alors sur une la valeur d’une affirmation de l’impertinence de la justification en ce qui concerne l’existence, et renfermerait implicitement la question suivante : l’existence est-elle absurde ou justifiable ? Ces deux questions s’impliquent l’une l’autre : il faudra donc interroger en même temps l’éventuelle absurdité de l’existence et le devoir ou le non-devoir de justification que l’homme peut entretenir à son égard. La réponse au premier problème conditionnera ainsi la réponse au second.

« Camus, Le mythe de Sisyphe Cet insaisissable sentiment de l'absurdité, peut-être alors pourrons-nous l'atteindre dans les mondes différents maisfraternels, de l'intelligence, de l'art de vivre ou de l'art tout court.

Le climat de l'absurdité est au commencement.

Lafin, c'est l'univers absurde et cette attitude d'esprit qui éclaire le monde sous un jour qui lui est propre, pour en faireresplendir le visage privilégié et implacable qu'elle sait lui reconnaître.

Toutes les grandes actions et toutes lesgrandes pensées ont un commencement dérisoire.

Les grandes oeuvres naissent souvent au détour d'une rue oudans le tambour d'un restaurant.

Ainsi de l'absurdité.

Le monde absurde plus qu'un autre tire sa noblesse de cettenaissance misérable.

Dans certaines situations répondre rien à une question sur la nature de ses pensées peut êtreune feinte chez un homme.

Les êtres aimés le savent bien.

Mais si cette réponse est sincère, si elle figure cesingulier état d'âme où le vide devient éloquent, où la chaîne des gestes quotidiens est rompue, où le coeur chercheen vain le maillon qui la renoue, elle est alors comme le premier signe de l'absurdité.

Il arrive que les décorss'écroulent.

Lever, tramway, quatre heures de bureau ou d'usine, repas, tramway, quatre heures de travail, repas,sommeil et lundi mardi mercredi jeudi vendredi et samedi sur le même rythme, cette route se suit aisément la plupartdu temps.

Un jour seulement, le pourquoi s'élève et tout commence dans cette lassitude teintée d'étonnement.

«Commence ceci est important.

La lassitude est à la fin des actes d'une vie machinale, mais elle inaugure en mêmetemps le mouvement de la conscience.

Elle l'éveille et elle provoque la suite.

La suite, c'est le retour inconscientdans la chaîne, ou c'est l'éveil définitif.

Au bout de l'éveil vient, avec le temps, la conséquence : suicide ourétablissement.

[...] De même et pour tous les jours d'une vie sans éclat, le temps nous porte.

Mais un momentvient toujours où il faut le porter.

Nous vivons sur l'avenir: « demain plus tard « quand tu auras une situation avecl'âge tu comprendras Ces inconséquences sont admirables, car enfin il s'agit de mourir.

Un jour vient pourtant etl'homme constate ou dit qu'il a trente ans.

Il affirme ainsi sa jeunesse.

Mais du même coup, il se situe par rapport autemps.

Il y prend sa place.

Il reconnaît qu'il est à un certain moment d'une courbe qu'il confesse devoir parcourir.

Ilappartient au temps et, à cette horreur qui le saisit, il y reconnaît son pire ennemi.

Demain, il souhaitait demain,quand tout lui-même aurait dû s'y refuser.

Cette révolte de la chair, c'est l'absurde. Avez-vous compris l'essentiel ? 1 Quel est l'état d'esprit grâce auquel le problème du sens de l'existence se trouve posé ?2 Peut-on échapper à la question du sens de l'existence ?3 Que retirons-nous d'une méditation de l'absurde ? Réponses: 1 - Par le sentiment de l'absurde.

C'est par le biais de cette expérience que l'existence se trouve confrontée ausens, à travers l'absence de ce sens : le néant.2 - Oui, et c'est même ce que l'on fait le plus souvent, en se laissant entraîner par un temps rythmé par lesoccupations machinales.3 - La possibilité de vivre autrement le monde ou de voir s'ouvrir un monde nouveau.

Cette conscience de l'absurdeest souvent l'origine des grandes idées ou des grandes oeuvres Schopenhauer Pour nous autres cependant, le moindre hasard suffit à nous rendre parfaitement malheureux ; le parfait bonheur,rien sur terre ne nous le peut donner.

Quoi qu'on dise, le moment le plus heureux de l'homme heureux est encorecelui où il s'endort, comme l'instant le plus malheureux de la vie de l'homme malheureux est celui de son réveil.

Ausurplus, une preuve indirecte, mais certaine, de ce que les hommes se sentent malheureux et, en conséquence, lesont, est encore fournie par l'envie féroce, innée en chacun de nous, qui, dans toutes les circonstances de la vie,éclate au sujet de quelque supériorité que ce soit, et ne peut retenir son venin.

Le sentiment qu'ils ont d'êtremalheureux empêche les hommes de supporter la vie d'un autre, présumé heureux ; celui qui se sentmomentanément heureux voudrait aussi répandre le bonheur tout autour de soi, et dit : Que tout le monde ici soitheureux de ma joie.

(Helvétius , De l'esprit , discours III, chap.

XII.) Si la vie était en soi un bien précieux et décidément préférable au non-être, la porte de sortie n'aurait pas besoin d'en être occupée par des gardiens aussieffroyables que la mort et ses terreurs.

Mais qui consentirait à persévérer dans l'existence, telle qu'elle est, si lamort était moins redoutable ? - Et, si la vie n'était que joie, qui pourrait aussi endurer la seule pensée de la mort ! -Mais, dans notre situation présente, elle a toujours du moins ce bon côté d'être la fin de la vie, et nous nousconsolons des souffrances de la vie par la mort, et de la mort par les souffrances de la vie.

La vérité est qu'ellessont toutes deux inséparablement liées, et constituent pour nous un labyrinthe, d'où il est aussi difficile quedésirable de revenir Transition : cette position pessimiste a l'avantage de ne faire appel à aucun élément extérieur à l'existence pour poser le problème de sa justification.

Est-il possible, compte tenu de cette position, de penser malgré tout un devoirde justification de l'existence, et, si oui, à quelles conditions pour le sujet qui prend en charge ce devoir ? III.

La relation personnelle du sujet au sens et à la justification de son existence Plutôt que d'envisager comme élément essentiel la relation du sujet au sens de l'existence en général, il faudraitpeut-être plutôt considérer que ce qui prime dans ce problème est le rapport que l'individu entretient avec sa propreexistence, limitée certes, mais sur laquelle il peut avoir une prise plus grande.

La solution au problème réside alorsdans un travail de donation de sens de l'individu à sa propre existence, si bien que la justification ne se fait pas en. »

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