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Doit-on revendiquer un droit au travail ?

Publié le 27/03/2004

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Locke nous montre également que si le travail est un droit, c'est également ce qui fonde le droit : l'homme est propriétaire de ce qu'il produit. La propriété, qui est au fondement de la théorie libérale de la démocratie (à la base des révolutions anglaise et française) est elle-même fondée par le travail. C'est pour que chacun soit en mesure de protéger sa propriété que l'on élabore les lois, le contrat social en est la condition.    

III.                Quel homme voulons-nous créer ?   Cette interrogation est celle de Max Weber face aux réflexions sur le progrès et la technique. Le travail humain façonne donc une certaine nature, et un certain homme également. Si nous devons revendiquer le travail comme un droit, il reste à déterminer de quel travail nous parlons, car c'et la définition même de l'homme dans l'état de droit qui se trouve engagée. La Révolution Industrielle a morcelé le travail (Friedmann) et l'homme lui-même s'est un peu confondu avec la machine, en épousant son rythme, en étant pénétré de son rythme (voir l'analyse phénoménologique de Sartre, « l'ouvrière et la machine semie-automatique). Parce que l'homme n'est pas un donné essentiel et immuable tel celui de la matière inerte, l'homme ne cesse d'élaborer son projet en fonction de ses actes.

Le travail :

C’est un effort individuel ou collectif, physique ou intellectuel, conscient, délibéré, créatif, professionnel ou non,  dont le but tend à la concrétisation d’un projet, d’une idée - ou d’un ensemble de projets et d’idées - ne donnant pas nécessairement lieu à un résultat abouti, mais ayant leur finalité, et dont la rétribution, s’il en est une, peut être morale ou matérielle.

 

Un droit :

C’est la faculté d’accomplir ou non quelque chose, d’exiger quelque chose d’autrui, en vertu de règles reconnues, individuelles ou collectives ; c’est un pouvoir, une autorisation.

 

Ce sujet nous demande de réfléchir sur le travail, un thème relativement récent en philosophie, apparu avec les aléas de l’histoire sociale et de l’histoire de la technique, ce dont il nous faut tenir compte. Demander si le travail est un droit que l’homme doit revendiquer, c’est s’interroger sur la nature essentielle du travail. On a d’un côté l’idée que le travail est lié au besoin, à la nécessité : le travail permet de vivre. Mais il y a aussi une valeur, une dignité du travail.

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« « Ce qui distingue dès l'abord le plus mauvais architecte de l'abeille la plus experte, c'est qu'il a construit la celluledans sa tête avant de la construire dans la ruche .

» La perfection de la ruche n'est que la contrepartie d'une activité instinctive, « machinale », non pensée, non voulue. Le travail spécifiquement humain n'émerge que lorsque est en jeu la totalité de nos capacités.

Il faut imaginer etconcevoir ce que l'on va produire.

L'existence de l'objet est tout d'abord idéelle, c'est un projet, une anticipation,quelque chose qui vient bien de l'homme et non de l'instinct, cad de la nature.

A partir de ce projet, il faut aussi lavolonté effective de fabriquer, de manière ordonnée, planifiée, rigoureuse.

Enfin il faut mettre en branle unehabileté, une force, un talent physique. Dans le moindre objet fabriqué est donc investie la totalité de nos capacités (imagination, conception, déduction,volonté, habileté, force).

Cet investissement fait de l'objet fabriqué un objet humain, qui objective nos capacité, etcela confère de la valeur à l'objet et le rend respectable.

Si l'objet fabriqué –même mal- par le plus mauvais artisan,vaut mieux que la cellule la plus réussie de l'abeille la plus experte, c'est que, dans le premier, on contemple del'humain, l'activité humaine objectivée.

En ce sens, le travail est humain, et même uniquement humain. Il s'ensuit deux choses.

D'abord, par le travail l'homme s'éduque, se forme, s'humanise.

Que le travail soit pénible,astreignant, fastidieux, n'y change rien.

Face à l'étymologie du terme « travail » (« tripalium » = instrument de torture) ou de la malédiction biblique (« Tu gagneras ton pain à la sueur de ton front »), les modernes, et surtout Hegel puis Marx , rétorquent que c'est par le travail que l'homme se fait homme, passe d'une activité instinctive à une activité pensée, d'une spontanéité animale à une discipline rationnelle. Mais ce premier point est corrélatif du second.

Le travail humain requiert la discipline et la mise en œuvre de toutesnos capacités intellectuelles & physiques.

On ne sépare pas ici la conception du travail de son exécution ; l'esprit seforme en même temps que le corps.

Il faudrait ajouter que cette forme d'activité n'est pas séparable de formes desocialisation, du développement du rapport à autrui.

Enfin, et il faut insister sur ce point, l'homme peut être fier deson travail dans la mesure où il est bien le sien, cad un objet produit par ses qualités et qui en quelque sorte lesobjective. A ce que le premier Marx décrit comme une sorte « d'essence » du travail (terme qu'il reniera ensuite, en affinant sa conception de l'histoire, de la technique et des rapports de production), il faut alors opposer les formes modernesde production. Pour comprendre ce que dit Marx , il faut se souvenir que les débuts du capitalisme ont été sauvages ; qu'un théoricien comme Smith écrivait calmement : « Dans les progrès que fait la division du travail, l'occupation de la majeure partie de ceux qui vivent de ce travail,cad de la masse du peuple, se borne à un très petit nombre d'opérations simples […] Or l'intelligence des hommes seborne nécessairement par leurs occupation ordinaires.

Un homme qui passe toute sa vie à faire un petit nombred'opérations simples […] n'a pas lieu de développer son intelligence, ni d'exercer son imagination […] et devientgénéralement aussi stupide et ignorant qu'il soit possible à une création humaine de la devenir. » (« La richesse des nations », 1776) Les formes modernes de travail consistent (si l'on s'en réfère à Taylor et à Ford ) à décomposer les opérations nécessaires à la fabrication d'un objet & à attribuer chacune d'elles à un ouvrier.

Cette forme de division du travail,si elle favorise la production dans des proportions exponentielles, fait que d'une part la conception de l'objet et sonexécution sont deux tâches séparées, attribuées à des hommes bien distincts (ce qui suppose que certains ne sontplus que des exécutants purs & simples, travaillant avec des machines & à leur rythme), et que, d'autre part, l'objetn'est plus produit littéralement par personne.

Non seulement un homme ne produit plus un objet du début jusqu'à lafin, mais on ne peut plus parler de travail d'équipe dans la mesure où l'organisation du travail est imposée del'extérieur et que chacun exécute sa tâche isolément. Cet anonymat, cette séparation de la conception et de l'exécution, cette imposition d'une tâche abrutissante &répétitive, Marx la décrit en 1844 comme une véritable perversion du travail. L'ouvrier est dépossédé de son travail, et cela à plusieurs titres.

D'une part en ce que son salaire ne correspond pasau travail fourni, mais permet seulement de restaurer la force du travail.

D'autre part en ce que l'ouvrier ne peut enaucun cas reconnaître pour sien, comme son œuvre, un objet fabriqué dot il n'a fourni qu'une partie infime.

Nonseulement nulle fierté n'est possible, mais nulle reconnaissance.

« Le travail est extérieur à l'ouvrier […] il n'est plus son bien propre mais celui d'un autre. » L'ouvrier « mortifie son corps & ruine son esprit », cela se conçoit aisément.

Le corps n'est plus éduqué, formé, discipliné quand il est astreint à la répétition mécanique, à une cadence imposée par les machines.

Au contraire, ilest déformé, réduit à être un substitut de machine.

Proche, pour faire court de la définition que donnait Aristote , des esclaves. « L'esclave lui-même est une sorte de propriété animée […] Si, en effet, chaque instrument était capable, sur unesimple injonction, d'accomplir le travail qui lui est propre […] si les navettes tissaient d'elles-mêmes […] alors ni leschefs d'artisans n'auraient besoin d'ouvriers, ni les maîtres d'esclaves.

» (« Politique », I, 4). Mais cette ruine, cette dégradation du corps, qui ne développe plus ue habileté ou un talent mais itère & réitère un. »

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