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Est-ce le droit qui fonde la justice ou la justice qui fonde le droit ?

Publié le 08/01/2004

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Si le droit est toujours plus ou moins lié à des rapports de forces et si la loi consacre le pouvoir du plus fort, il en résulte que la légalité ne coïncide pas toujours avec la légitimité (ce qui est juste). Le droit ne peut donc être assimilé à ce qui a été ou à ce qui est et l'exigence du droit ne peut être enfermée dans les lois positives. Le droit est aussi un idéal qui exprime ce qui doit ou devrait être. Antigone est là pour nous rappeler que les lois du coeur, qui sont des lois non écrites, sont parfois plus profondes et plus vraies que les lois positives, que les « lois écrites » de la Cité. Il y a aussi, comme le dit Kant, au-dessus des lois positives qui changent d'un pays à un autre, d'une époque à l'autre, des lois non écrites qui sont intemporelles et que les hommes ne peuvent transgresser sans renoncer à leur humanité. De même, au-dessus des droits positifs particuliers et variables, il y a des droits universels et inaliénables : droit à la vie, à l'éducation, à l'instruction, au travail, à la participation à la vie politique, à la propriété. Ces droits sont appelés « droits naturels » parce qu'ils tiennent à la nature de l'homme.
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« menacer celle des autres), soit pour espérer son bonheur.

Il devient donc juste par intérêt et sa seule obéissanceaux lois imposées conditionne le respect qu'il peut avoir envers autrui, respect dont il serait incapable seul.En ce sens, il apparaît que l'État de droit qui rend possible la justice passe par les qualités exceptionnelles d'unhomme exceptionnel capable d'imposer aux autres la justice que lui seul détiendrait.

Dans ces conditions, il s'avèreaussi que seul un État fort pourrait contraindre des hommes restant fondamentalement injustes au fond d'eux-mêmes.

Le droit du plus fort (injuste par son égoïsme) serait remplacé par le pouvoir d'un autre fort plus juste.

Maisc'est toujours la force qui reste la seule source de la justice, et l'État ici prend un caractère autoritaire et absolu.Rien du peuple ne peut venir relativiser des lois qui restent l'oeuvre d'un seul et la réalisation de la justice chez leshommes passe par ces conditions : le pouvoir d'un seul et absolu.

Quant aux critiques possibles qui viendraientmettre en doute le bien-fondé de ces lois, elles sont soit balayées par la possibilité d'attribuer au détenteur dupouvoir un caractère divin (ses lois seraient celles inspirées par Dieu et on a alors un pouvoir de «droit divin »), soitil suffit de recourir à la force qui, parce que les hommes sont fondamentalement mauvais, devient légitime.

AinsiMachiavel n'hésite pas à conseiller au prince de pratiquer les arts des «bêtes» pour bien asseoir son autorité sur deshommes qui finalement ne sont que des bêtes : «Puis donc qu'un Prince doit savoir bien user de la bête, il doitchoisir le renard et le lion; car le lion ne se peut défendre des rets [des filets], et le renard des loups ; il faut doncêtre renard pour connaître les rets, et lion pour faire peur aux loups» (Le Prince, chap.

XVIII). Ici, c'est donc par le droit et la force du droit que les hommes sont justes.

Cependant, on constate aussi que cettejustice reste fondamentalement extérieure, elle ne peut reposer sur un sens intime de la justice, elle provient de lastricte obéissance aux lois.

De même, cette justice serait le simple respect des droits fondamentaux.De même, on peut s'interroger sur le bien-fondé de l'hypothèse sur laquelle repose la relation du droit et de lajustice.

L'homme est-il à ce point mauvais par nature? Et comment ne pas douter de celui qui serait au pouvoir etcontraindrait les autres? Comment croire à son exceptionnelle justice? Ainsi peut-on plutôt croire que c'est par le sens de la justice que les hommes sont justes, là où le droit ne peutqu'être injuste.

L'injustice fondamentale des hommes ne serait que l'effet des lois, faites par des hommes attirés parle pouvoir et soucieux d'assujettir les autres.On peut en effet poser que la nature a placé dans le coeur des hommes un sens inné de la justice (Rousseau, Kant)que le droit ne peut que pervertir, non seulement parce que les lois ne peuvent qu'être injustes, mais aussi parceque la simple obéissance aux lois ne fait pas de nous des hommes justes.Tout d'abord, on peut douter du bien-fondé du droit qui repose sur l'exception douteuse d'un seul homme (ou dequelques-uns tout aussi exceptionnels et tout aussi douteux).Car si «l'homme est un animal qui a besoin d'un maître» comme le pose Kant, on peut se demander avec lui : «Oùtrouvera-t-il ce maître sinon dans l'espèce humaine?» Et la question se pose à nouveau : ce maître aura lui-mêmebesoin d'un maître? Poser ainsi qu'il y a une nature humaine injuste revient à nier la possibilité pour un seul hommed'échapper à cette nature et donc de montrer quelques signes de justice.

Confier par conséquent le pouvoir à unhomme faiseur de lois revient à rendre aux autres hommes leur état de nature initial à peine modifié par l'existencede lois qui dirigent et imposent une pseudo-rectitude.

Car leur rectitude ici n'est que formelle, et en elles peuvent seglisser les contenus les plus sauvages et les plus injustes.

On a ainsi vu des régimes légaliser l'injustice à travers deslois racistes ou tortionnaires.

Alors on ne pourrait être juste qu'en s'y soustrayant (la résistance n'est ainsi qu'unemanière illégale mais juste de résister à un droit perverti).

On comprend donc les critiques marxistes qui posent quel'État n'est qu'une manière de légaliser l'injustice et la domination des uns sur les autres, ou encore les positionsanarchistes qui posent que l'homme est suffisamment vertueux pour s'autogérer et se passer du droit de l'État quijustement pervertit la rectitude de la justice naturelle de l'homme.

Le droit de L'État n'est plus alors que comme unmasque de l'injustice se faisant passer pour la justice.

C'est le pouvoir d'un seul sur tous les autres, le droit injustedu plus fort cherchant à se soustraire à la menace de se voir renverser par un autre plus fort que lui et utilisantalors la notion de droit (les lois) pour affaiblir ceux qui le menacent.D'autre part, on peut reprocher au droit d'être la règle trop rigide et trop générale qui n'a rien de la souplesse et dela mesure que suppose la notion de justice : « la loi ne sera jamais capable de saisir à la fois ce qu'il y a de meilleuret de plus juste pour tous» ou encore «n'est-il donc pas impossible que ce qui demeure toujours absolu s'adapte àce qui ne l'est jamais?» (Platon, Politique, 293e).

Car être juste, c'est être capable de mesurer ce que le respectd'autrui exige, compte tenu de sa différence radicale c'est-à-dire compte tenu du fait qu'il n'est pas moi, tout enméritant le même respect que moi.

Seul un sens intime de la conscience est capable d'évaluer ce que sa différencemérite, et en cela la loi ne peut que rater la différence de la particularité, puisqu'elle se pose comme générale.Or, qu'il faille que le respect soit le même pour tous, c'est-à-dire qu'on s'interdise tous de s'utiliser mutuellement, defaire des autres des moyens au service de nos fins, cela ne suppose pas pour autant que le contenu de la règle derespect soit le même pour toute forme de respect.

Or la loi pose et impose le même contenu pour tous, et plutôtque de se vouloir équitable, elle se veut bel et bien égalitaire en imposant la même conduite à tous sans tenircompte des différences spécifiques qui induisent des actes forcément différents eux aussi.Enfin, être juste, ce n'est pas simplement obéir à une loi même juste, c'est plutôt choisir intérieurement d'être justelà où tout peut-être nous pousse à ne pas l'être.

En ce sens, l'impératif catégorique (commandement inconditionnel: «tu dois») de Kant sert de modèle absolu pour exiger une conduite morale authentique, non pas simplementconforme au devoir mais reposant sur une volonté d'agir par devoir.

Rien ne doit donc motiver notre volonté del'extérieur car ce serait rendre alors hypothétique notre maxime.

Or l'obéissance aux règles du droit rendcomplètement artificiel et intéressé ce qui au contraire doit être désintéressé : l'obéissance à la loi morale en moipar pur respect pour le devoir.

Par conséquent, celui qui ne fait que suivre les lois en se soumettant seulement à lacrainte des sanctions qui les accompagne, celui-là n'est pas juste.De la même façon, il faut sentir intérieurement notre liberté, la possibilité même de choisir d'être juste, donc aussi la. »

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