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L'émotion est-elle un phénomène purement mécanique ou, au contraire, a-t-elle un sens et une finalité ?

Publié le 19/06/2009

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INTRO. ---- Par réaction contre l'intellectualisme ou le spiritualisme désincarné des psychologues d'autrefois, la psychologie du début de ce siècle a mis en relief le rôle de l'organisme dans la vie psychique et tout spécialement dans la vie affective. Mais les phénomènes organiques sont - soumis aux lois physico-chimiques, et par là s'introduit dans l'activité psychique quelque chose des processus mécaniques qui caractérisent les phénomènes matériels. Aussi parle-t-on couramment du mécanisme de l'émotion. Mais peut-on considérer l'émotion comme un phénomène purement mécanique, et ne faut-il pas lui reconnaître un sens et même une finalité ? I. ÉMOTION ET MÉCANISME A. - Il y a beaucoup de mécanique dans l'émotion. a) L'émotion est organique en ce premier sens qu'elle comporte des troubles organiques, et l'organisme est soumis aux lois physico-chimiques de la matière; b) en ce second sens que les divers stades du processus émotionnel se succèdent automatiquement, sans que la réflexion et la volonté doivent et même puissent intervenir.

« b) Mais nous savons aussi que l'émotion est parfois un stimulant nécessaire pour surmonter noire paresse organiqueou mentale : dans cette mesure même elle contribuerait à réaliser nos fins.Cette conception a été systématisée par J.-P.

SARTRE dans son Esquisse d'une théorie de l'émotion (Hermann,1939).

Pour l'auteur de L'être et le néant, comme l'instinct et comme l'intelligence, l'émotion nous adapte à lasituation qui la déclenche, mais d'une autre manière : elle constitue un recours à la magie et non aux moyensordinaires.

Soit l'exemple classique de la rencontre inopinée d'un lion : si je tombe en syncope, dit SARTRE, c'estpour supprimer pour moi, en perdant conscience, cet animal contre lequel je suis désarmé; la fuite n'atteindrait quepartiellement le même résultat, aussi ne fuyons-nous que « faute de pouvoir nous annihiler dans l'évanouissement »(p.

35).RICOEUR l'a reprise sous une forme très différente.

Pour lui, le volontaire n'est qu'une superstructure del'involontaire; c'est de l'émotion que nous vient le dynamisme de l'action : « Le vouloir ne meut que sous la conditiond'être ému.

».

Sans doute, l'énergie que suscite l'émotion prévient la réflexion et la volonté : par suite, il y a en elleun « désordre naissant ».

Mais « s'il est vrai qu'elle est un désordre naissant, qu'elle est de la conscience quicommence à se défaire, son sens n'apparaît que quand la conscience se refait en tirant d'elle un principe d'efficacité» (Ibid).

Considérée séparément, l'émotion paraît une force déréglante; mais il suffit de la réintégrer dans l'économiede l'activité humaine pour faire apparaître son rôle régulateur. C.

- Discussion. Nous fondant sur ces dernières remarques, nous évoquerons, pour trancher le débat, la distinction classique de lafinalité interne, consistant dans l'orientation de l'objet en question vers un but déterminé, et la finalité externe quiconsiste dans le concours que cet objet apporte à un autre être pour l'obtention de ses fins.a) Il n'y a pas de finalité interne dans l'émotion.

Aussi faible soit-elle, elle est essentiellement trouble; si l'émotion-sentiment, plus communément dénommée « sentiment », peut être considérée comme régulatrice, cette régulationest due à l'élément cognitif que le sentiment implique et non à son élément proprement affectif, à l'élémentémotionnel.

Aussi voyons-nous que l'émotion-choc suscite d'ordinaire des comportements sans rapports avec la fincherchée ou même des comportements qui conduisent au résultat contraire.b) Mais faut-il reconnaître à l'émotion une finalité externe ? Joue-t-elle un rôle positif dans notre recherche des fins? Ici notre réponse sera différente suivant le type d'émotion considéré.Si nous prenons la forme paroxystique de l'émotion qu'envisage J.-P.

SARTRE, celle qui provoque la syncope, le senscommun la considère avec raison comme essentiellement déréglante et comme destructrice de toute finalité del'action.

Si l'auteur de la théorie phénoménologique de l'émotion prétend au contraire que la syncope constitue dansce cas une adaptation parfaite, c'est qu'il se place au point de vue de la phénoménologie qui considère comme lavraie réalité ce que le monde est pour nous, le phénomène.

Mais, outre que le phénomène ne nous émeut qu'en tantque manifestation d'un noumène, d'une chose en soi, on ne peut pas s'empêcher de juger bien paradoxale cetteadaptation qui consiste dans une perte de cette conscience de laquelle nous vient, par hypothèse, tout ce qui est,et qui peut être suivie de la mort, alors que nous tendons avant tout à vivre.A l'opposé, l'émotion-sentiment est le ressort nécessaire de l'action: elle a donc une finalité externe.

La neutralitéaffective entraînerait Viner lie : c'est l'émotion qui nous fournit l'énergie nécessaire pour vaincre la paresse naturelleet surmonter les obstacles qui s'opposent à la réalisation de nos fins.

Mais, d'autre part, cette énergie n'a pas laviolence explosive qui la rendrait inutilisable.

L'impulsion émotive compose avec la raison grâce à laquelle la fin peutêtre atteinte.L'émotion-choc, qu'on désigne d'ordinaire par le simple mot d'émotion se situe entre les deux et présente par suiteun caractère ambigu Elle comporte un saisissement, un étourdissement qui inhibent l'exercice des fonctionssupérieures et par là risquent de faire manquer le but.

Mais, par ailleurs, elle apporte un stimulant parfoisirremplaçable : sous le coup de l'émotion, malgré le trouble qu'elle entraîne, ou même à cause de ce trouble, noussommes arrachés à notre inertie et, sinon immédiatement, du moins dans les moments qui suivent, nous mobilisonstoutes nos énergies en vue d'éviter le retour de semblable désordre. CoNcLusion. — Pour faire à la question posée une réponse d'ensemble nous pouvons dire que l'émotion ne prend l'apparence d'un mécanisme que si on l'isole artificiellement de l'ensemble concret dans lequel elle s'intègre.Considérée dans le complexe de l'activité humaine, elle y joue un râle indispensable, et, par là, sans tendre elle-même à une fin, collabore à la réalisation de nos fins.. »

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