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L'espace Chez Emmanuel Kant

Publié le 16/01/2011

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kant

INTRODUCTION

Emmanuel Kant vécut du 22 avril 1724 au 12 février 1804 à Königsberg dans une famille de onze enfants. Il reçu de sa mère une éducation morale et religieuse qui le marqua toute sa vie. Il dira plus tard n’avoir souvenir de rien qui, dans la maison paternelle, fut en contradiction avec l’honnêteté, la décence, la vérité. 

Kant, après une solide formation à l’université de Königsberg, y dispensera les matières les plus diverses à savoir : mathématiques, logique, métaphysique, physique, pédagogie, droit naturel, géographie. Il est auteur de plusieurs œuvres notamment : Critique de la faculté de juger (1790), Critique de la raison pratique (1788), Fondements de la métaphysique des mœurs (1785), Prolégomènes à toute métaphysique future qui voudra se présenter comme science (1783), Critique de la raison pure (1ère édition 1781, 2ème édition corrigée 1787) d’où est extrait notre texte d’étude. Lequel texte constitue la première section après l’introduction de ladite œuvre. Il a pour thème l’espace.

En effet, à la question de savoir « qu’est-ce que l’espace ? «, l’auteur dans sa thèse nous le présente comme une intuition pure. Pareille affirmation exige de nous une pause recueillante. Un recueillement qui nous invite à faire l’herméneutique de cette vérité, c’est-à-dire à la lire et à la relire afin de la comprendre pour annoncer la pâque spéculative de la résurrection du sens fondamental de cette intuition pure.

A cet effet, il importe de rappeler la question qui nous a mis en mouvement et en dialogue avec l’auteur. Qu’est-ce que l’espace ? De la profondeur de cette exigence, l’on s’aperçoit que la compréhension de l’espace kantien passe avant tout par une interprétation de Kant en philosophe puisqu’il se présente comme tel et en ami, c’est-à-dire en cherchant de plus près à comprendre ce qu’il nous dit au lieu de le critiquer de l’extérieur. Il faut se laisser former par lui pour le comprendre en philosophe et en sage.

C’est pourquoi nous avons voulu développer la conception kantienne de  l’espace selon l’ordre même de sa recherche. Lequel ordre se présente dans la première unité de sens comme une exposition métaphysique de l’espace. Dans la seconde, il fait une exposition transcendantale de l’espace avant de dégager dans la troisième, les conséquences de sa démonstration.

 

I.       EXPOSITION METAPHYSIQUE DE L’ESPACE

Du latin ‘‘expositio’’, l’exposition chez Kant désigne la représentation claire quoique non détaillée de ce qui appartient à un concept. Elle est dite métaphysique lorsqu’elle contient ce qui représente le concept comme donné a priori.  Nous allons d’abord chercher à découvrir que l’exposition métaphysique de l’espace vise précisément à montrer en quoi le concept de l’espace est a priori. Et, ensuite à démontrer qu’il n’est pas un concept au sens d’une représentation générale et médiate par opposition à l’intuition.

I.1.    Un concept non empirique

Kant commence son exposé sur l’espace par une définition négative. Il affirme dans la première phrase que « l’espace n’est pas un concept empirique qui ait été tiré d’expérience externe «  Cette affirmation illustre l’enjeu de l’argument à savoir que l’espace n’est pas a posteriori mais nécessairement a priori. Car  toute expérience extérieure au contraire suppose l’espace. 

Par cette analyse, il est évident aux yeux de Kant que l’expérience extérieure n’est elle-même possible qu’au moyen de la représentation de l’espace comme fondement.  C’est logiquement que nous revisitons à présent l’espace comme une représentation a  priori.

I.2.    L’espace comme pure intuition 

La sensibilité est la faculté des intuitions. Par intuition, il faut entendre la vue directe et immédiate d’un objet de pensée actuellement présent à l’esprit et saisi dans la réalité individuelle. Tout en restant une représentation a priori, Kant définit l’espace comme une pure intuition.  Un concept du point de vue de la compréhension est construit avec des éléments plus simples que lui. Pour Kant, l’espace est un. Quand on parle de plusieurs espaces on n’entend par là que les parties d’un seul et même espace. 

Avec l’exemple du triangle, Kant nous montre que les principes géométriques ne sont jamais déduits des concepts généraux de la ligne et du triangle mais de l’intuition et cela a priori et avec une certitude apodictique.  Kant convient à ce propos qu’il faille admettre l’espace comme une intuition pure pour que la science de ses propriétés soit a priori et ne se fonde pas sur l’expérience. Ainsi s’il est vrai que l’espace est un concept non empirique, une représentation a priori et une intuition pure, il ne demeure pas moins vrai que tout ceci nous fait déboucher sur la grandeur infinie de l’espace.

I.4.    L’espace comme une grandeur infinie

Kant montre que « l’espace est une grandeur infinie donnée «  Il nous ouvre à l’intelligence de la distinction kantienne de l’exposition métaphysique et de l’exposition transcendantale. En clair, ce qui est en affaire dans cette partie de l’exposition métaphysique est la compréhension de la notion de « grandeur infinie donnée « à la lumière des distinctions qu’établit Kant entre l’exposition métaphysique comme la forme d’intuition d’une part et d’autre part l’exposition transcendantale comme intuition formelle de l’espace.

L’exposition métaphysique de l’espace a pour horizon de faire comprendre l’espace comme indéterminé et indéfiniment déterminable comme « grandeur infinie donnée «. Cette réflexion même qui montre l’espace comme ce qui totalise le divers homogène et le détermine comme grandeur, montre aussi l’espace comme le déterminable, c’est-à-dire l’intuition comme pure a priori. Autrement dit, l’espace, en tant qu’intuition pure a priori, n’est pas le produit d’une synthèse immédiate, parce que nous ne pouvons avoir de l’espace que des intuitions déterminées, soit données dans l’expérience sensible, soit construites dans l’intuition.

Le concept d’espace ne peut pas être atteint par une sorte d’introspection ou un sens interne. Dès qu’il y a détermination spatiale, il y a espace, dès qu’il y a partie, il y a tout. En ce sens « l’espace représenté comme grandeur infinie donnée « ne signifie pas qu’il soit immédiatement donné aux sens et que l’infini puisse ainsi s’épuiser par dénombrement.

En définitive, l’espace est une grandeur infinie, parce qu’il est capable de contenir une quantité infinie de représentation, il est une intuition et non un concept. L’espace n’est pas proprement donné, mais représenté comme donné. 

 

II.      EXPOSITION TRANSCENDANTALE DE L’ESPACE

Dans cette seconde unité de sens, il s’agira pour nous de présenter d’une part l’espace comme fondement de la connaissance et d’autre part, l’espace comme la condition a priori de la connaissance.

II.1.    L’espace comme fondement de la connaissance

La connaissance (la science) exige que l’activité de l’esprit (la mise en forme) s’applique à des objets donnés de l’expérience. Dans la logique de cette affirmation, Kant peut déduire que l’homme ne peut rien connaître au-delà de l’expérience. En d’autres termes, seul ce qui se plie au tribunal de l’expérience peut être connu de l’homme. Or l’expérience extérieure dans la perspective kantienne n’est possible que par la sensibilité. La sensibilité est la faculté des intuitions. Par intuition il faut entendre la vue directe et immédiate d’un objet de pensée actuellement présent à l’esprit et saisi dans sa réalité individuelle. Il n’y a donc d’intuition que si un objet nous est donné. Or seul l’espace est capable de nous livrer à l’extérieur de nous les objets. De ce point de vue, l’on comprend que « l’espace est le principe capable d’expliquer la possibilité d’autres connaissances synthétiques a priori « 

II.2.    L’espace comme condition a priori de la connaissance

Cette exposition a pour enjeu de montrer que l’espace est la condition de possibilité de toute expérience. L’espace rend possible la juxtaposition  ou la simultanéité des choses. Elle permet leur monstration et la manifestation des phénomènes.  Cependant Kant précise que l’affirmation selon laquelle l’espace est la condition a priori de la connaissance ne signifie pas qu’elle est la condition de possibilité des choses en soi mais bien au contraire, la condition de celles des phénomènes. 

Il nous faut à présent montrer en quel sens l’espace est la condition a priori de la connaissance. Cette précision exige que nous distinguions dans notre objet de connaissance deux sortes d’éléments à savoir : la matière qui dépend de l’objet même et la forme qui dépend du sujet. Ainsi connaître chez Kant consiste à mettre en forme la matière donnée, et il est clair que la matière est a posteriori tandis que la forme est a priori. Nous pouvons conclure avec Kant que l’espace est la condition a priori de la connaissance. Quelles sont donc les conséquences qui résultent de cette argumentation kantienne ?

 

III.    CONSEQUENCES DE LA CONCEPTION DE L’ESPACE 

La lecture et la méditation de la démonstration spatiale de Kant nous fait déboucher sur des conclusions gnoséologiques qui en vérité font rupture avec celle de Newton et de Leibniz. Mais avant, quelle brève présentation pouvons-nous faire de la conception  spatiale de Newton et de celle de Leibniz ? En quoi consiste l’originalité spatiale de Kant ?

III.1. L’espace chez Newton (1643-1727)

En 1687, Newton franchit une nouvelle étape conceptuelle. En publiant, en 1687, Les Principes mathématiques de la philosophie naturelle, il définit le mouvement à partir du concept de quantité de mouvement. En 1776, La monadologie physique repart de cette opposition entre métaphysique et physique : la géométrie pose un espace infiniment divisible.

Le mécanisme géométrique de Newton admet l’existence du vide ; hypothèse nécessaire pour concevoir des mouvements libres. Par la suite, on découvre que Newton dans sa théorie spatiale, fait de l’espace un être réel, une réalité absolue qui existe indépendamment de tout contenu. Une telle conception semble ne pas recevoir l’approbation de Leibniz. 

 

III.2. L’espace chez Leibniz (1646-1716)

Contrairement à Newton, Leibniz considère que l’espace est un système de relation entre les corps. Car, s’il n’y avait pas de corps, la notion d’espace perdrait son sens. Dans cette perspective, il fait observer que la notion d’espace est issue de la perception du mouvement. C’est parce que nous observons que les choses changent leur rapport de situation les unes par rapport aux autres que nous en venons à considérer la notion d’espace. 

Pour Leibniz, on ne peut donc pas rencontrer d’espace vide dans notre perception. Il y a toujours un corps qui occupe la place d’un autre. L’espace est donc ce qui résulte de l’ensemble des places prises ensemble. 

III.3. Kant entre Newton et Leibniz

Il existe une réelle polémique autour de la pensée kantienne sur l’espace. Car si pour certains, l’espace kantien est une reprise de la conception newtonienne, pour d’autres au contraire, la pensée kantienne n’est rien moins qu’une relativisation de l’espace à la suite de Leibniz. Pourtant une réelle méditation de la pensée kantienne, nous montre bien qu’il rejette l’une et l’autre thèse lorsqu’il présente de façon très originale, l’espace comme dépendant uniquement de la forme de notre intuition, de la constitution subjective de notre esprit.

Ainsi, l’espace au sens kantien du terme est une intuition pure, une forme a priori de la sensibilité, le cadre à l’intérieur duquel sont données et liées les sensations. 

 

CONCLUSION 

Au cours de cet exposé sur l’espace dans la Critique de la raison pure, nous nous sommes attelés à rendre compte de la conception kantienne de l’espace en trois moments : l’exposition métaphysique de l’espace, l’exposition transcendantale du concept de l’espace et les conséquences de ces expositions. A la question « qu’est-ce que l’espace ? «, Kant répond que l’espace est une intuition pure, un concept non empirique, une représentation a priori et une grandeur infinie. Bien plus, l’espace, le fondement de la connaissance est encore une condition a priori de toute connaissance. L’espace est une forme pure de notre sensibilité dans laquelle toutes nos sensations s’ordonnent. Il est une condition nécessaire et universelle de l’expérience sensible. Toutefois, l’espace existe a priori dans notre faculté de connaître. L’espace est de ce fait une réalité empirique et une idéalité transcendantale. Nous avons souligné aussi que la conception de l’espace chez Kant se situe entre celles de Newton et de Leibniz, elle leur est pour cela même irréductible.

 

TABLE DES MATIERES

 

INTRODUCTION

I.       EXPOSITION METAPHYSIQUE DE L’ESPACE

I. 1.   Un concept non empirique

I. 2.   L’espace comme pure intuition

I. 3.   L’espace comme une grandeur infinie

II.      EXPOSITION TRANSCENDANTALE DE L’ESPACE

II. 1.  L’espace comme fondement de la connaissance

II. 2.  L’espace comme condition a priori de la connaissance

III.    CONSEQUENCES DE LA CONCEPTION DE L’ESPACE

III. 1. L’espace chez Newton

III. 2. L’espace chez Leibniz

III. 3. Kant entre Newton et Leibniz

CONCLUSION

 

BIBLIOGRAPHIE

Microsoft Encarta 2009 – Collection DVD

Emmanuel KANT, Critique de la raison pure, Paris, Quadrige /PUF, 2004

Emmanuel KANT, Préface à la deuxième édition de la critique de la raison pure,  Fernand Nathan 1981

Emmanuel KANT, Critique de la raison pure, Trad. TREMESAYGUES et B. PACAUD, Paris, Quadrige/PUF 7ème édition,  juin 2004

Pascal GEORGES, Pour connaître Kant, Paris, Bordas, 1966

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