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L'Etat, garde-fou contre la sauvagerie ou instrument d'aliénation sociale ?

Publié le 19/09/2004

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Et enfin - la division du travail nous en offre tout de suite le premier exemple - l'action propre de l'homme devient pour l'homme une puissance étrangère, opposée, qui l'asservit, au lieu que ce soit lui qui la maîtrise, tant que les hommes se trouvent dans la société naturelle, donc tant que subsiste la scission entre l'intérêt particulier et intérêt commun, et que l'activité n'est pas divisée volontairement mais du fait de la nature. Dès l'instant où l'on commence à répartir, chacun a une sphère d'activités déterminée et exclusive qu'on lui impose et dont il ne peut s'évader ; il est chasseur, pêcheur, berger, et il doit le rester sous peine de perdre les moyens de subsistance - alors que dans la société communiste, où chacun, au lieu d'avoir une sphère d'activités exclusive peut se former dans la branche qui lui plaît ; c'est la société qui dirige la production générale qui me permet de faire aujourd'hui ceci, demain cela, de chasser le matin, d'aller à la pêche l'après-midi, de faire l'élevage le soir et de critiquer après le repas, selon mon bon plaisir, sans jamais devenir chasseur, pêcheur ou critique. Cette fixation de l'activité sociale, cette consolidation de notre propre produit en une puissance matérielle qui nous domine, qui échappe à notre contrôle, qui contrarie nos espoirs et qui détruit nos calculs, est l'un des moments principaux du développement historique passé. [...] La puissance sociale, c'est-à-dire la force productive décuplée résultant de la coopération imposée aux divers individus - dont la coopération n'est pas volontaire mais naturelle - non pas comme leur propre puissance conjuguée, mais comme une puissance étrangère, située en dehors d'eux dont ils ne connaissent ni la provenance ni la destination, si bien qu'ils n'arrivent plus à la dominer. Au contraire, cette puissance traverse une série de phases et de stades particuliers, série indépendante de la volonté et de la marche des hommes au point qu'elle dirige cette volonté et cette marche. Naturellement, cette aliénation pour rester intelligible aux philosophes, ne peut être surmontée qu'à double condition pratique. Pour qu'elle devienne une puissance insupportable «, c'est-à-dire une puissance contre laquelle on se révolte, il faut qu'elle ait engendré des masses d'hommes dénuées de tout. Il faut, en même temps, que cette humanité vive en conflit avec un monde existant de richesse et de culture [...].

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« L'État soupçonné En instituant la citoyenneté et l'égalité devant la loi, l'État semble accéder à l'universel.

Hegel écrit qu'il est laréalité de l'idée morale », la rationalité accomplie, réalisant la morale et le droit qui, au niveau individuel, ne sont quedes abstractions.

Et le citoyen peut prétendre être l'homme véritablement humain, élevé au sens de l'universel (lebien public), plus raisonnable que l'individu particulier.Mais n'y a-t-il pas là une trop grande confiance dans l'État ? On a déjà vu que le libéralisme était plus méfiant, etqu'il mettait en garde contre les empiétements possibles de l'État sur la vie des individus.

Mais si, pour le libéralisme,les fonctions de l'État doivent être limitées, une valeur irremplaçable continue de lui être reconnue : protéger lapropriété et les libertés individuelles.Est-ce bien là, cependant, la fonction réelle de l'État ? Le discours que l'État tient sur lui-même n'est-il pas uneillusion, et sa réalité n'est-elle pas essentiellement répressive ? Même l'État voulu par les libéraux ne résiste pas auxfaits historiques : c'est le libéral Thiers qui, en 1871, réprime sauvagement la Commune, provoquant plus de mortsque n'en avait entraîné la Terreur au temps de Robespierre. L'anti-étatisme D'où le développement d'un anti-étatisme radical.

Celui-ci est représenté surtout par :1 - L'anarchisme (Proudhon, Bakounine...), dont le projet est de détruire l'État en tant que tel (et non telle formeparticulière d'État), considéré comme la source de toutes les oppressions, l'entrave aux forces créatrices del'individu : les hommes peuvent s'autogouverner dans des communautés solidaires, sans qu'existe un principed'autorité extérieur — d'où le fameux ni Dieu ni maître ».2 - Le marxisme, qui voit dans l'État non la volonté de l'intérêt général mais des institutions et des appareils (armée,police, école...) au service des intérêts particuliers de la classe dominante.L'anarchisme et le marxisme semblent donc se rejoindre dans leur critique de l'État, et la société sans classes qu'ilssouhaitent tous deux est aussi une société sans État.

Il y a pourtant entre eux des différences importantes. La première est que Marx rattache l'analyse de l'État à la lutte des classes et à l'évolution de l'histoire.

Moyen pourassurer politiquement la domination de la classe économiquement possédante, l'État a une fonction et une nécessitéhistoriques que ne lui reconnaît pas l'anarchisme.

D'ailleurs, dans la révolution, le marxisme voit moins la suppressionde l'État comme tel que la suppression de l'État bourgeois et son remplacement par un État prolétarien (la dictaturedu prolétariat »), qui est censé s'éteindre progressivement, au fur et à mesure de la disparition de la classebourgeoise.La seconde différence est que si anarchisme et marxisme se rejoignent dans leur aspiration à une société sans État,ce n'est pas pour les mêmes raisons philosophiques.

L'anti-étatisme de l'anarchisme se fonde en effet sur unindividualisme foncier : c'est parce qu'il est par nature contre l'individu que l'État est un mal en soi : il est ununiversel dévorant.

Marx lui reproche au contraire d'être un universel fictif qui prétend réaliser l'homme dans lecitoyen au lieu de le réaliser effectivement dans la société. Et l'État de droit ? On peut reprocher à l'anti-étatisme de ne pas faire de différence entre les États.

Le fait que l'on trouve aussi despolices et des prisons dans les États démocratiques signifie-t-il que ceux-ci sont de même nature que les États lesplus tyranniques ? Quelles que soient les critiques qu'on peut faire à la citoyenneté, ne vaut-il pas mieux vivre dansun État où elle est reconnue ?On peut alors orienter autrement la réflexion sur l'État : non poser la question Pour ou contre l'État ? », mais :Quelle est la forme d'État capable d'assurer les hommes dans leur liberté, de garantir leur dignité et de les protégerde la violence de leurs semblables ou des tyrans.

Le problème n'est plus ici celui de l'État en général, de sonessence bonne ou mauvaise, mais celui de la nature de l'État de droit.Certes ce dernier n'est sans doute jamais complètement réalisé dans les faits, mais n'est-il pas une idée nécessairepour guider la réflexion et la pratique politiques ?. »

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