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L'État peut-il prétendre à un pouvoir absolu ?

Publié le 28/03/2004

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L'État est avant tout une instance représentative chargée de donner par cette voie une unité globale au corps populaire en agissant toujours en son nom et pour son nom. Ainsi, il n'agit pas en son nom, selon des motifs qui lui sont propres ou même selon la mode de ses caprices: il exerce une autorité (auctoritas), c'est-à-dire qu'il est l'acteur de paroles ou d'actes d'un auteur. Cet auteur, c'est précisément le peuple qui trouve par cette voie sa voix, lui trouve par cette voie l'unité d'une volonté à l'origine fragmentée, plurielle. L'homme ne semble pas être spontanément un être collectif, mais bien individuel. Ceci est capital puisque, contrairement aux animaux qui vivent en groupe et dont l'intérêt particulier coïncide avec l'intérêt général, l'intérêt particulier de chaque homme ne semble pas naturellement indexé à ce qui serait susceptible de faire le bien de tous. En cela, l'État symbolise un accord par lequel chacun s'engage envers tous dans la promesse de respecter les règles édictées en l'échange des atouts que représentent l'appartenance à cette collectivité. On peut définir l'État comme une forme d'organisation politique qui selon l'étymologie même du terme se tient debout (stare) malgré les incessants changements qui apparaissent au sein de la collectivité. L'état est donc en premier lieu caractérisé par cette permanence, cette stabilité qui apparaît comme symbolisant l'unité même d'un peuple. Il est ainsi composé d'institutions qui régulent l'espace collectif et agissent en vue du bien commun. On peut considérer qu'il a pour charge de maintenir la loi, faisant en sorte que cette dernière est également appliquée et respectée par tous. Il permet donc à chaque citoyen la garantie de certains droits fondamentaux en assurant de plus la sécurité nécessaire à l'exercice de ses propres activités. En contre partie, ce dernier est porteur de certains devoir à l'endroit de la collectivité qui s'exprime à travers le respect de la loi, l'acceptation de l'imposition... L'État nous apparaît donc comme un instrument via lequel les citoyens prennent en main leur destin et organise le vivre-ensemble. En ce sens, parler d'un pouvoir absolu c'est évoquer un pouvoir qui se suffirait à lui-même (ab-solo), un pouvoir qui prendrait une certaine latitude voire même une certaine autonomie sur ce qui est originellement sa tâche: représenter. Mais peut-on encore parler d'État lorsque ce dernier se dégage, s'émancipe de ce qui est censé être sa fonction première? Si le pouvoir entier est remis aux mains de l'État et que ce dernier agit selon des motifs qui lui son propre, sa souveraineté n'a pas en charge d'incarner une personne fictive représentant par ce biais une volonté générale, mais bien une personne physique dont émane une volonté particulière. Même si cette volonté désire le bien de tous, il se décale pourtant foncièrement de sa tâche originelle qui fait de lui un médium d'action et non jamais un acteur particulier.

« remettre en question le corps social dont dépend directement le vivre en paix.

Si les individus, dans la républiquehobbesienne, abandonne un droit sur toute chose dont ils jouissaient dans l'état de nature, et font du Léviathan leseul détenteur de se pouvoir, ils ne perdent pas au change.

En effet, en dernière instance, c'est sur la base d'uncalcul rationnel que les individus délaissent ce droit naturel: ils s'assurent par ce biais de leur sécurité et lapérennité de leurs entreprises.

Le Léviathan n'agit pas de manière capricieuse ou despotique: son action passetoujours par la médiation du droit et exprime par là même la puissance étatique.

Certes le Léviathan jouit de nombreux droits dont le peuple ne jouit précisément pas, mais cependant, le peuple à concédé ce droit absolu auLéviathan, il a généré un pacte par lequel il remet son droit sur toute chose entre les main d'un gouverneur.

Lasouveraineté s'exerce donc toujours à travers le filtre du droit, i.e d'un appareil juridique établit par la raison et pourla pérennité du vivre-ensemble.

Dans une perspective hobbesienne, la souveraineté absolue apparaît comme unenécessité incontestable, une solution au problème de la violence privée et de l'insoluble condition plurielle del'homme.

Un État qui ne prétendrait pas à cela serait déjà ravaler par les conflits particuliers. Nietzsche: État contre instinct II. Dans la Généalogie de la morale , Nietzsche présente l'entrée de l'homme dans la société.

Il compare cela au passage des animaux marins, un passagecontraint et évolutionnel, à la condition d'animaux terrestres: il leur fallait àprésent « se porter eux-mêmes », eux qui étaient habitués à ce que l'eau les portent.

Ils devenaient gauches, « ils n'avaient plus leur anciens repères dans ce nouveau monde inconnu, à savoir les pulsions régulatrices qui lesguidaient en toute sécurité et inconscience (...) réduits à leur 'conscience', leur organes le plus misérable, le plus trompeur! ».

Le but de cette métaphore est de présenter l'opposition entre la sûreté quasi-infaillible del'instinct et le caractère superficiel, trompeur et éminemment faillible de laconscience, de la raison.

Mais, malgré cela, les instincts n'ont pas cessé d'uncoup de poser leurs exigences: « il fallait chercher des satisfactions nouvelles et en quelque sorte sous-terraines.

Tous les instincts qui ne se déchargentpas vers l'extérieur se tournent vers l'intérieur – c'est là ce que j'appellel'intériorisation de l'homme: c'est alors seulement que pousse en l'homme cequ'on appellera plus tard son âme ».

En somme, le monde intérieur s'est élargi à mesure que la décharge pulsionnelle s'est effectuée vers l'intérieur, àmesure de cette inhibition.

L'État est l'exemple d'une protection contre cesinstincts, et a fait que l'ensemble de tous ces instincts de l'homme sauvage,libre, nomade, se sont retournés contre lui: c'est « l'homme contre lui- même ». Il devient en somme le lieu d'un supplice, soit « l'homme qui souffre de l'homme » après cette séparation violente avec son passé animal.

Ainsi débute la décadence d'une civilisation qui n'accepte pas l'homme dans son entièreté,l'homme sous toutes ses facettes, à commencer par cet instinct de liberté, cette volonté de puissance qu'elle contraint.

L'État reste l'instrument de prédilection de cette contrainte exercée sur le corps comme le signalera par lasuite Foucault.

La mécanique du pouvoir qui traverse le jeu des normes de discipline, impose des comportementcorporels, fabriquant ainsi des corps dociles et soumis: « Dans toute société, le corps est pris à l'intérieur de pouvoir très serrés qui lui imposent des contraintes, des interdits ou des obligations » (dans Il faut sauver la société ).

Les lois disciplinent le corps, elles exercent une véritable coercition sur ses postures, elles surveillent ses gestes, produisent ces comportements.

Foucault dit ainsi en ce sens dans Dits et Ecrits : « Le corps humain entre dans une machine du pouvoir qui le fouille, le désarticule et le recompose ». En effet, dans cette vision foucaldienne, l'État et les lois qu'il a à charge de générer n'est plus simplement ce quiinterdit, ce qui m'empêche de l'extérieur, mais devient véritablement quelque chose d'intériorisé et cetteintériorisation de la loi est négative.

En effet, cette intériorisation de la loi va lui donner une autre fonction quesimplement celle d'interdire, de contraindre: elle va produire au sein même de l'individu des comportements.

D'un rôlepurement négatif (interdire, exclure, empêcher), elle va devenir un mécanisme ouvert et positif qui ne cesse des'étendre pour créer de nouveau comportements à partir de foyer de contrôle disséminés dans la société.

La loi estpartout, où que j'aille je suis cerné par leur présence.

Au point que je m'y soumet même inconsciemment d'ailleurs.Mais comprenons que le point principal est ici celui-ci: alors que le rôle des institutions disciplinaires étaitessentiellement négatif dans les sociétés souveraines (interdire), celles-ci jouent désormais un rôle positif etproductif: il faut faire croître l'utilité des individus.

Par exemple, la discipline induite par les normes et lois au seind'un atelier de production, ne se contente pas de prévenir de possibles débordements individuels: elle produit desrendements plus élevés, des cadences toujours plus rapides en créant des comportements appropriés.

Or, toutes lesinstitutions disciplinaires présentent au sein de la société communiquent entre elles via le jeu des normes, des lois qui imposent leur message, leur discipline: « Quoi d'étonnant si la prison ressemble aux usines, aux écoles, aux casernes, aux hôpitaux qui tous ressemblent aux prisons? (...) Tandis que les établissements disciplinaires semultiplient, leurs mécanismes ont une certaine tendance à se désinstitutionnaliser, à sortir des forteresses closesoù ils fonctionnaient » (Surveiller et Punir) .

Entre la position purement anti-étatiste de Nietzsche, et la mise en garde foucaldienne, on comprend progressivement et le danger d'un État absolu, mais tout à la fois des techniquesde pouvoir intrusives inhérentes au fonctionnement même de l'État.

Aussi en arrivons-nous à nous demander sicette prétention du pouvoir à l'absolu n'est pas une courbe naturelle dans son exercice. II.. »

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