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L'étranger, Albert Camus. Incipit : du début à «pour n'avoir plus à parler».

Publié le 11/09/2006

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Biographie de l'auteur : Albert Camus (1913-1960)  Albert Camus, né en Algérie en 1913 n'a qu'un an lorsque son père meurt à la guerre. Elevé par sa mère dans un quartier pauvre et populaire d'Alger, il poursuit après le bac des études de philosophie, mais doit renoncer à l'enseignement à cause de la tuberculose. Séduit par le théatre (Caligula,1944) il devient journaliste sous la résistance et connait la célébrité avec un essai (Le mythe de Sisyphe, 1942) et deux romans (L'étranger et la peste, 1942, 1947). D'abord proche de Sartre et des existentialistes, il se sépare d'eux après la guerre et la publication très contestée de L'homme révolté (1951). Par la suite, la maladie, les problemes personneles et la guerre d'Algérie provoqueront chez lui une grave crise intérieure dont témoigne La chute, son dernier roman. Camus meurt dans un accident de voiture en 1960, trois ans après avoir été consacré par le prix Nobel.    Le texte présenté est extrait de L'Etranger de Camus, paru en 1942. L'œuvre de Camus se caractérise par deux thèmes principaux: celui de l'absurde qui naît du décalage entre un besoin d'idéal et le monde réel (cf. Le Mythe de Sisyphe, 1951 ou encore La Peste dans lequel l'auteur dépasse cet absurde en proposant un nouvel humanisme: celui de l'entraide) et celui de la révolte crée par le spectacle des crimes engendrés par l'humanité. Dans L'Etranger, Camus présente un homme que des circonstances extérieures vont amener à commettre un crime et qui assiste, indifférent, à son procès et à sa condamnation à mort.    I : Le récit.  1 : L'écriture.    Omniprésence du «je« en anaphore renforcée par les pronoms possessifs., marqueurs temporels «aujourd'hui« ; «hier« ; «demain«... font tendre le texte vers le journal intime. Mais on ne trouve pas la logique narrative propre à ce genre. Chronologie respectée : "je prendrai […] à deux heures" à "j'ai pris […] à deux heures."  → Un lecteur isolé dans le présent d'une conscience qui se déroule sous ses yeux. Mise à nu d'une conscience.    Oralité apparente du discours.  Phrases apparemment très simples. Voir les trois dernières lignes. Écriture parfois sous forme de notes «cela ne veut rien dire« ; «toujours à cause de l'habitude« «c'était vrai«. Structure très simple de la phrase : sujet-verbe-complément. Propositions placées de façon très classique : «Comme il était occupé, j'ai attendu un peu.«. Marque du journal intime et gage de vérité, pas de soupçon du lecteur.    Succession d'actions mécanisées.  Le premier malaise arrive rapidement. Une succession d'évènements très brève, car les faits sont consignées de la façon la plus épurée possible. Absence frappante de mots de liaison ( asyndètes ) qui crée l'illusion d'une succession d'actions mécanisées. «l'asile est à deux km. J'ai fait le chemin à pied. J'ai voulu voir maman tout de suite.«    Découverte d'une intériorité mais d'une intériorité particulière, qui si elle semble s'offrir au lecteur n'en est pas moins problématique par sa neutralité évidente. Le lecteur se trouve face à un genre romanesque inhabituel et perd ses repères.    2. Absence de description des lieux, et des personnages.    Les personnages ne sont pas décrits. La mère décédée ne fait l'objet d'aucune description, alors qu'elle est au centre de la narration. Le parton, Céleste, Emmanuel, le concierge, le militaire sont réduits à leurs simples prénoms ou fonction et à leur propos. Seul le directeur de l'asile est légèrement décrit. Les lieux ne pas non plus décrits. Donc les actions n'en prennent que plus d'importance car le récit se concentre sur leur enchaînement. La personnalité des personnages est passé sous silence, il n'y a aucun signe de psychologie.    II-Le personnage.  1. Son implication dans le récit.  Une complète objectivité.  L'étude des temps et personnes conduit à parler de focalisation interne. Cependant, l'absence de description s'accompagne d'absence totale de subjectivité, d'implication personnelle de Meursault.  Il exprime sa pensée et ses choix, mais sans jamais s'impliquer de façon affective. «J'ai dis oui pour ne plus avoir à parler«.    Isolement du présent de l'indicatif qui semble être la seule référence possible du narrateur. «Aujourd'hui« «hier« «demain«. Les trois instances apparaissent dès les premières lignes.  → On a l'impression que le narrateur ne peut ni se souvenir, ni se projeter.    Disparition de la hiérarchie.  Un récit des évènements qui semble s'abstraire de toute échelle d'importance. C'est peut être cette donnée qui est surtout à l'origine du malaise. → Les évènements s'enchaînent dans la même linéarité.    Aucune implication personnelle du héros.  Au final une impression que le héros ne s'implique jamais dans sa narration, tout est raconté sur le même ton. La narration privée des prolepses, ellipses ou ralentissements, semble plate, machinale et désincarnée. → On en vient à se demander si, tout comme sa narration, ce n'est pas à un héros «privé de sens«, étranger à lui même qu'on a affaire.    2 : Une indifférence totale.  La mort de la mère.  Un événement tragique de la mort de la mère qui ne soulève aucun sentiment. Les premières phrases sont axées sur la date de la mort de la mère avec auto corrections et élucubrations du narrateur. Enchaînement entre la nouvelle de la mort et la modification de l'emploi du temps : «je prendrai l'autobus«... Aucune manifestation de tristesse. Les seuls éléments négatifs relèvent du contexte et des éléments matériels, pas du vécu : «odeurs d'essence« ; «j'ai attendu un peu«.  → Plus le narrateur se force à décrypter et expliquer ses actes, plus il semble inhumain. Pourtant, il a des sentiments : sensibilité aux élements extérieurs. La mort de sa mère est considérée comme une affaire que l'on classe, langage administratif utilisé. «Affaire classée«.    Sentiments uniquement présents chez les autres personnages.  Seuls ceux qui l'entourent plaignent cette disparition. Mais ces marques d'intérêt semblent le gêner. La poignée de main l'embarrasse. Tout contact amical est considéré comme gênant.    Une expression réduite au minimum.  Absences de modalisateurs. Les seuls commentaires que se permet le narrateur à propos de tout autre chose que la mort de la mère : «j'étais un peu étourdi«. ( en montant les étages ? )    Un sentiment de culpabilité.  C'est le seul sentiment qui transparaît clairement dans le texte. Lorsqu'il parle à son parton «ce n'est pas de ma faute« «je n'aurais pas dû dire cela«. S'excuser de la mort de sa mère c'est en quelque sorte en faire un événement important.    Conclusion.  Un incipit particulièrement déconcertant. Le lecteur est coupé des codes habituels du genre romanesque, il est placé devant la conscience d'un personnage dont il peine à comprendre le fonctionnement. Le lecteur ne trouve pas les réactions émotionnelles attendues. Le malaise créé chez le lecteur rend le personnage antipathique. Son refus d'interpréter ses actes n'est pas tant la preuve d'un refus de communication ou d'une dimension «monstrueuse« du personnage, que le refus de ne donner qu'une seule signification à ses actes.    C'est au lecteur d'apprécier et de combler les lacunes de la narration, mais aussi de rester ouvert à la différence, et surtout de s'interroger sur cette personnalité déstabilisante.

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« Isolement du présent de l'indicatif qui semble être la seule référence possible du narrateur.

«Aujourd'hui» «hier» «demain».

Lestrois instances apparaissent dès les premières lignes.→ On a l'impression que le narrateur ne peut ni se souvenir, ni se projeter. Disparition de la hiérarchie.Un récit des évènements qui semble s'abstraire de toute échelle d'importance.

C'est peut être cette donnée qui est surtout àl'origine du malaise.

→ Les évènements s'enchaînent dans la même linéarité. Aucune implication personnelle du héros.Au final une impression que le héros ne s'implique jamais dans sa narration, tout est raconté sur le même ton.

La narration privéedes prolepses, ellipses ou ralentissements, semble plate, machinale et désincarnée.

→ On en vient à se demander si, tout commesa narration, ce n'est pas à un héros «privé de sens», étranger à lui même qu'on a affaire. 2 : Une indifférence totale.La mort de la mère.Un événement tragique de la mort de la mère qui ne soulève aucun sentiment.

Les premières phrases sont axées sur la date de lamort de la mère avec auto corrections et élucubrations du narrateur.

Enchaînement entre la nouvelle de la mort et la modificationde l'emploi du temps : «je prendrai l'autobus»...

Aucune manifestation de tristesse.

Les seuls éléments négatifs relèvent ducontexte et des éléments matériels, pas du vécu : «odeurs d'essence» ; «j'ai attendu un peu».→ Plus le narrateur se force à décrypter et expliquer ses actes, plus il semble inhumain.

Pourtant, il a des sentiments : sensibilitéaux élements extérieurs.

La mort de sa mère est considérée comme une affaire que l'on classe, langage administratif utilisé.«Affaire classée». Sentiments uniquement présents chez les autres personnages.Seuls ceux qui l'entourent plaignent cette disparition.

Mais ces marques d'intérêt semblent le gêner.

La poignée de mainl'embarrasse.

Tout contact amical est considéré comme gênant. Une expression réduite au minimum.Absences de modalisateurs.

Les seuls commentaires que se permet le narrateur à propos de tout autre chose que la mort de lamère : «j'étais un peu étourdi».

( en montant les étages ? ) Un sentiment de culpabilité.C'est le seul sentiment qui transparaît clairement dans le texte.

Lorsqu'il parle à son parton «ce n'est pas de ma faute» «je n'auraispas dû dire cela».

S'excuser de la mort de sa mère c'est en quelque sorte en faire un événement important. Conclusion.Un incipit particulièrement déconcertant.

Le lecteur est coupé des codes habituels du genre romanesque, il est placé devant laconscience d'un personnage dont il peine à comprendre le fonctionnement.

Le lecteur ne trouve pas les réactions émotionnellesattendues.

Le malaise créé chez le lecteur rend le personnage antipathique.

Son refus d'interpréter ses actes n'est pas tant lapreuve d'un refus de communication ou d'une dimension «monstrueuse» du personnage, que le refus de ne donner qu'une seulesignification à ses actes. C'est au lecteur d'apprécier et de combler les lacunes de la narration, mais aussi de rester ouvert à la différence, et surtout des'interroger sur cette personnalité déstabilisante.. »

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