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Les êtres vivants ne sont-ils que des machines programmées ?

Publié le 08/03/2004

Extrait du document

« Descartes croit par ailleurs à l'existence de l'âme, mais ne la fait pas intervenir dans l'explication de la vie, dumouvement ndes corps.

Ceux-ci sont l'effet d'un mécanisme.

Les propriétés de la vie peuvent toutes êtres connuesà partir du fonctionnement du simple corps-machine.

Aristote était soucieux de caractériser les êtres naturels vivants par opposition aux êtres naturels inertes.

Unêtre naturel s'oppose pour Aristote à un être artificiel.

«Chaque être naturel, en effet, a en soi-même son principe de mouvement», écrit-il dans la Physique.

Or Descartes déplace la problématique; il s'occupe moins de distinguer les êtres inertes et les êtres vivants que de s'interroger sur le fait de savoir si les êtres naturels sont par eux-mêmesdifférents des êtres artificiels, des constructions mécaniques.

Et sa réponse est non.

Il est, dit-il, aussi naturel àune montre de marquer l'heure qu'à un arbre de produire des fruits.

Aussi naturel, c'est-à-dire aussi artificiel.

Dansles deux cas, la nature est un même agencement de parties qui forment un ensemble.

Attribuer la vie à l'âme, c'estmontrer simplement notre ignorance de ce que peut un corps, comme le dira plus tard Spinoza. Les données du débat se sont modifiées depuis Descartes.

D'une part, le courant spiritualiste, qui remonte àAristote, s'est perpétué dans la science et la philosophie modernes sous la forme de ce qu'on appelle le vitalisme.

Il consiste à attribuer la vie non pas à l'âme, mais à une force vitale, ou encore à un élan vital, comme le dit le philosophe Bergson (1859-1941).

Notons ici qu'il existe aussi une version récente du vitalisme, ou néovitalisme, qui suppose l'existence d'une «idéedirectrice », ou d'une finalité, immanente aux êtres vivants.

Cette conception exprime le caractère étonnant desêtres vivants, dont les organes forment un tout, capable de se réparer, de s'adapter au milieu dans lequel ils vivent.Comme si l'organisation des êtres vivants correspondait à la réalisation d'un plan de la nature: comme si la vie étaitorientée vers une perfection de plus en plus grande à travers le temps (qu'on pense à l'apparition progressive desformes supérieures de vie, celle des grands singes puis des hommes).

D'autre part, la théorie du vivant-machine ne revêt plus un caractère strictement mécanique comme chezDescartes.

Demeure une explication matérialiste, qui explique que tous les phénomènes de la vie (de lapremière division de la cellule à la mort, en passant par la digestion, la pensée, et.) et tous les organismes vivantsne sont rien d'autre que des systèmes physico-chimiques.

Quant à l'adaptation des espèces à leur milieu, elles'explique depuis Darwin par le principe purement mécanique de « la sélection naturelle »: la transmission dupatrimoine génétique d'une espèce peut subir une modification.

Si celle-ci s'avère mieux adaptée à son milieu quel'espèce ancienne, elle va peu à peu la remplacer, et l'ancienne espèce, disparaître.

Il n'est donc plus guère question d'âme chez les scientifiques, et l'on n'est plus mécaniste comme Descartespouvait l'être.

Mais on retrouve aujourd'hui la même fracture entre une conception dite mécaniste des êtres vivantset une conception non mécaniste.

Les enjeux de la question sont donc toujours actuels.Peut-on rendre compte des systèmes vivants par de simples processus physico-chimiques? Certains le nient, etjugent l'explication trop réductrice.

Mais la force vitale qu'ils leur opposent est-elle une hypothèse scientifique? Enva-t-il de la force vitale comme de la force de gravitation dont Newton a découvert l'action entre les masses? Dans les deux cas, on a affaire à des entités invisibles qui, depuis l'arrière-plan où elles se tiennent,permettraient d'expliquer des phénomènes observables.

Ainsi, les forces de gravitation seraient l'explication du faitque les planètes s'attirent, ou que les objets tombent parterre.

De même, la force vitale pourrait expliquer cescaractéristiques qui appartiennent en propre an vivant: par exemple, la régénération des membres perdus, pourcertaines espèces animales, ou la belle coordination du développement d'un organisme.

Mais la comparaison n'est que superficielle.

La force de gravitation est définie par Newton de manière claire etprécise.

Elle a donné lieu à la formulation de la loi du même nom, qui permettait de déterminer a priori les forces de gravitation qu'un corps exercera sur un autre, ou encore le changement de la vitesse d'une planète sous leur action.Cette loi a pu servir de à des prévisions précises qui ont été vérifiées par l'observation: ainsi Halley prévit-il que lacomète observée en 1682 réapparaîtrait en 1759.

Rien de tel avec le concept de force vitale.

La théorie vitaliste ne précise en rien comment elle entre en action,ni, par exemple, quel aspect du développement de l'embryon elle détermine.

Cette théorie n'est donc passcientifique, au sens où elle n'est pas vérifiable.

Elle est condamnée à s'autoconfirmer, et à voir après coup une manifestation de la force vitale dans tout processus qui semble manifester une « activité directrice organique ».

Ainsi donc, le vitalisme et le mécanisme ne luttent pas à armes égales.

Seule la conception dite mécaniste, mêmesi elle ne reprend pas stricto sensu la comparaison cartésienne du vivant avec une machine, est scientifique.

Quand elle soutient que tous les processus biologiques correspondent à des processus physico-chimiques, elle ne faitqu'exprimer le programme de recherche en biologie qui met de plus en plus en évidence le rôle de tels processusdans les domaines que l'on croyait, jusqu'à une période récente, immatériels.

C'est jusqu'à la pensée, en effet, quela recherche scientifique explique par des processus physico-chimiques, comme l'a clairement exposé le biologistecontemporain Jean-Pierre Changeux dans L'Homme neuronal .

On se doute qu'une telle recherche se heurte à de vives résistances.

Il ne s'agit donc pas de dire que, pour l'instant, les scientifiques sont capables de réduire tous les phénomènesvivants à des phénomènes physico-chimiques.

Mais l'idée qu'une telle réduction est possible doit servir de principedirecteur en matière de recherche sur le vivant.

Viendra peut-être bientôt le jour où, comme le dit l'épistémologueCarl Hempel, «la ligne de démarcation entre biologie et sciences physicochimiques pourra devenir aussi évanescente que l'est deve-nue de nos jours la frontière entre physique et chimie ». Un biologiste contemporain ne se représenterait plus un être vivant comme une machine, à la manière deDescartes.

Reste que ce dernier a jeté les bases d'une conception dite mécaniste du vivant, qui, philosophiquement,est la plus adéquate pour rendre compte de sa connaissance empirique et scientifique.. »

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