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Existe-t-il des violences légitimes ?

Publié le 27/02/2008

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«S'il était aussi facile de commander aux esprits qu'aux langues, aucun gouvernement ne se trouverait jamais en péril et aucune autorité n'aurait besoin de s'exercer par des moyens violents.» d’après Spinoza. La violence (du latin violentia) signifie d’après la définition exacte du dictionnaire Larousse une extrême véhémence, une grande agressivité, une grande brutalité dans les propos ou le comportement face à autrui généralement. Le terme «légitime» quant à lui désigne le caractère de ce qui est reconnu conforme aux droits, à l’équité, elle même définie par la raison et le bon sens. A premier abord on pourrait donc dire qu’une violence ne peut être légitime puisqu’elle est une entrave à l’Homme et au bon sens de l’existence. Pourtant certaines violences, connues de tous, on pourtant servies à bâtir le monde que nous connaissons aujourd’hui, et par enchaînement logique les lois qui en découlent. Il est évident que nous avons tous notre propre notion de légitimité grâce à notre raison.  Alors nous nous posons la question suivante : Une violence peut elle être qualifiée de légitime ? Dans un premier temps nous étudierons les formes de violence qui paraissent légitimes, puis l’illégitimité que l’on attribue habituellement au phénomène de violence et enfin le rôle  de la violence dans la mise en place de la société.

 

 

Tout d’abord, et de par sa condition humaine, l’Homme peut être comparé à l’Animal. Depuis l’âge préhistorique, ce que l’on appelle communément «la loi du plus fort» ou «loi de la jungle», c'est-à-dire le fait qu’un être supérieur domine un autre pour sa survie, est appliquée. A l’image d’une meute de loups, il existe des combats pour élire par la force un chef, un dominant, ou encore un reproducteur pour l’espèce. L’animal comme l’humain est obligé de chasser, de tuer pour vivre. Encore aujourd’hui, on parle de carnivore, être qui ne peut survivre en mangeant un végétal, qui est donc obliger de manger un être vivant comme le prouve le schéma obligatoire que nous connaissons tous : le lion mange la gazelle, en effet un lion ne survit pas en mangeant des plantes. Pour l’humain il est en de même. Même omnivore, si rien ne nous oblige à manger de la viande pour vivre,  par habitude, peut être même par tradition, nous en mangeons. C’est ce que l’on peut appeler l’instinct de survie. Il nous faut ceci pour vivre et donc ceci est légitime. 

Dans la même optique, nous pouvons citer la notion de légitime défense qui est paradoxalement une attaque. Il est fortement possible et raisonnable d’avoir un réflexe de fuite ou de défense sauf si notre cerveau n’a pas interprété la potentielle agression comme étant une atteinte à sa survie ou à sa liberté. Ainsi, l’humain est apte à contre-attaquer si sa survie est mise en danger. Cette légitime défense est même légale d’après des lois établies par l’Homme. En France par exemple, l’article 416 du Code pénal autorise cet acte en cas d’agression imminente, grave soit sur le plan physique ou psychique. En fonction de la gravité de la potentielle agression, nous sommes autorisé à répondre violemment. Ainsi, lors d’une manifestation, si un policier agresse un manifestant, il paraîtra légitime que celui-ci se défende sans aller jusqu’à tuer le policier. Mais parfois, et même le plus souvent, la violence n’est pas pour la survie ou à la légitime défense, elle est liée à l’expression que l’on veut partager. Elle reste un moyen de communiquer, que ce soit physiquement ou verbalement, d’affirmer son identité et s’inscrit donc dans la raison. 

En effet, la légitimité, comme on la définit aujourd'hui, implique la raison de chacun. Si un individu trouve légitime de tuer telle ou telle personne, c’est son jugement personnel qui est en jeu. C’est ainsi que l’on verra naître, au cours de l’Histoire, des meurtres et même des génocides pour éliminer des hommes et des femmes qui ne correspondent à certains idéaux ou critères physiques. Hitler a ordonné le génocide le plus marquant de l’Histoire de l’humanité en ordonnant la mort des juifs, des homosexuels, et de tous ceux qu’il qualifiait de «race impure». Selon lui, cette violence était donc légitime. Certains meurtriers vont en effet, de par une raison altérée (par la folie par exemple) ou en tous cas différente du sens commun, trouver une cause légitime à leurs actes. Sans aller jusqu’aux meurtres, pour n’importe qu’elle forme d’agressivité ce phénomène est observable. Par exemple, pour le racket, la raison de l’agresseur va justifier un coup de poing si la victime ne se laisse pas faire. Freud, psychanalyste et inventeur de la psychanalyse, pense avoir trouvé une explication scientifique et commune aux actes violents. Dans la Première topique, la violence est expliquée à partir de la théorie du refoulement. Un désir refoulé va engendrer ce qu’il appelle une pulsion de mort, c'est-à-dire une envie d’acte d’agressivité et de destruction, en bref, de violence. L’explosion émotionnelle de la violence manifeste brutalement la frustration, c’est la pression qui se défoule alors, mais d’une manière telle, que le sujet tend à agresser celui qu’il considère être la cause de cette frustration. Selon lui, chaque humain va donc avoir cette pulsion et celle-ci peut être justifiée et légitime, puisqu’elle répond à l’alchimie d’un besoin naturel et, à la base, de notre propre psychisme qui est un terme étroitement lié à la raison. Cependant, dès lors qu’elle dépend de la raison de chacun, la légitimité de la violence devient alors contestable. 

 

Il est vrai que nous ne possédons pas tous exactement les mêmes idéaux qu’ils soient politiques ou religieux ni la même morale et la même raison, mais un sens commun, au fil des siècles, est né pour délimiter les libertés individuelles, et permettre la vie en communauté. La phrase qui est devenue aujourd’hui presque un proverbe «La liberté des uns commence où s’arrête celle des autres» en témoigne. Là est le coeur du problème, le terme de liberté possède un sens législatif différent du sens philosophique. Selon la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme, et donc selon la législation, on pourrait la définir comme étant la souveraineté inaliénable de l’individu, le droit qu’il a de disposer de sa personne sans restrictions, autre que celles imposées par la loi. De ce fait, d’après les différents codes établis par l’humain, tuer, faire violence à autrui de n’importe quelle manière, que ce soit physiquement ou psychologiquement est contraire à la loi. Puisque tuer un homme revient à lui ôter sa liberté, c’est illégal, le meurtrier est coupable, son meurtre est illégitime. 

Mais il n’y a pas que par rapport aux lois que la violence ne peut être dite légitime.  Des philosophes comme Jean-Paul Sartre sont formels «La violence est injuste d’où quelle vienne» (Le Diable et le bon dieu). Si l’on reprend l’exemple du génocide juif d’Hitler, que lui pensait légitime, moralement le sens commun n’est pas de cet avis. D’après l’éthique, c'est-à-dire le concept philosophique lié à la morale, ce n’est pas juste. On ne tue pas quelqu’un parce qu’il a une couleur de peau, une religion, ou n’importe qu’elle autre différence. De même qu’un langage agressif, violent ne peut être toléré gratuitement, sans raison valable. Le génocide des camps de concentration pendant la deuxième guerre mondiale est d’ailleurs qualifié de crime contre l'Humanité. C’est l’ensemble des Humains à qui les nazis ont porté atteinte, c’est donc une violence que l’opinion publique considère comme illégitime. La morale (du latin mores qui veut dire moeurs) la considère comme inadmissible. Dès lors que le respect d’autrui est bafoué, la violence est illégitime. Mais comment répond notre société face à la violence ? Kant dans Métaphysique des moeurs nous dit que « La peine juridique ne peut jamais être considérée simplement comme un moyen de réaliser un autre bien, soit pour le criminel lui-même, soit pour la société civile, mais doit uniquement lui être infligée pour la seule raison qu'il a commis un crime». Cette idée plutôt radicale considère donc la violence comme moyen de mettre fin à la violence. 

 

 

Et c’est ainsi que fonctionne toute société qui veut prôner l’ordre, la sécurité et paradoxalement la paix. La violence est utilisée à des fins de jugement. Machiavel, dans Le Prince, fait remarquer que le prince fait preuve de plus de clémence en étant cruel de temps en temps qu’à laisser une situation s’empirer, car les désordres occasionnés dérangent l’ensemble de la société tout entière tandis que les sévérités ponctuelles ne touchent que les coupables en particulier. Il faut savoir que cette pensée, et l’ouvrage du philosophe en lui-même est à la base de la pensée politique actuelle. Ce n’est d’ailleurs pas un hasard, si les forces de police, s’appellent également «forces de l’ordre», elles visent à maintenir l’orde, parfois par la force et donc la violence. Max Weber dit d’ailleurs aussi que «L’Etat détient le monopole de la violence légitime». L’Etat agit donc pour la protection de l’ensemble de la population et sa survie dépend des instruments de la violence. Ce paradoxe est critiquable d’où une révolte violente qui peut paraître légitime elle aussi. Même notre hymne nationale possède les marques de cette confrontation : «...Aux armes citoyens (...) qu’un sang impur abreuve nos sillons...». 

A l’image également de l’éducation, les idées de respects qui amènent à la paix dans une société ou un groupe de personnes, doivent être enseignées et parfois par la violence. L’enfant, tout comme le prisonnier, retiendra que son acte violent n’est pas autorisé, de manière plus sévère certes, mais surtout plus promptement après avoir été punit. Il ne faut pas qu’il recommence car la norme voudrait qu’il ne veuille pas être punit une deuxième fois. C’est pour cela même que l'on n'exécute pas un homme qui fait acte de violence, on pense qu’il peut réfléchir, que son comportement peut devenir plus légitime.

Enfin, remarquons qu’une société sans cette violence, sans aucune forme de violence d’ailleurs, est une idée utopique. L’Histoire a montré une incapacité à se parler, à s’entendre et utiliser un autre langage que celui des armes. Le pacifisme total est impossible, il faut un minimum d’ordre pour permettre la vie en communauté et, jusqu’ici cela n’a pas encore été prouvé apte à être instauré sans violence. 

 

Pour conclure, même si nous ne pouvons affirmer que l’Homme est violent de nature, que «L’Homme est un loup pour l’Homme», ou si comme veut le dire Freud c’est la conséquence d’une frustration qui est donc remédiable et interchangeable en paix, l’Histoire témoigne que la violence est légitime en fonction de la raison de chacun, qu’elle est parfois la seule réponse à la violence elle même et que, même si souvent elle est moralement illégitime, abusive, inappropriée ou incomprise par le sens commun, elle permet également de maintenir l’ordre et par enchainement logique la paix. 

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