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L'existence est-elle prisonnière du temps ?

Publié le 08/02/2004

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temps
Pascal est très explicite sur ce point : l'homme, en s'intéressant à son passé ou à son avenir, cherche en réalité à échapper au présent qui est pourtant le seul temps qui soit véritablement à nous. Ici, il n'y a pas seulement le témoignage d'une « pensée » écrite à la hâte, mais l'expression réfléchie d'une lettre rédigée en décembre 1656 par Pascal à l'intention de Mlle de Rouanez, au moment où elle souhaite entrer en religion : « Le passé ne doit pas nous embarrasser, puisque nous n'avons qu'à avoir regret de nos fautes ; mais l'avenir nous doit encore moins toucher, puisqu'il n'est point du tout à notre égard, et que nous n'y arriverons peut-être jamais. Le présent est le seul temps qui est véritablement à nous, et dont nous devons user selon Dieu. »Et pourtant Pascal le sait bien (Pensée 139), tout nous montre le contraire. Les hommes ne cessent de s'agiter, de se jeter dans le monde, d'aimer le jeu, la conversation des femmes, de courir les emplois. En un mot, ils ne cherchent qu'une chose : le DIVERTISSEMENT. Frénésie de l'action qui ne vise, en sortant sans cesse de soi, qu'à s'oublier soi-même. Aussi, si l'on en cherche plus finement les raisons , on les trouve dans la nature même de l'homme. Ce dernier n'a pas tort et a le juste pressentiment de son malheur. Il y a un « malheur naturel de notre condition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près.
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« prendre la lumière pour disposer de l'avenir.

Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sontnos moyens ; le seul avenir est notre fin.

Ainsi nous ne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et,nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable que nous ne le soyons jamais." C'est vers les années 1657-1660 que Pascal , qui s'est fait un nom illustreparmi les scientifiques de son temps tout en prenant le parti des Jansénistesde Port-Royal contre l'Église, commence à travailler à une « Apologie de lareligion chrétienne ».

Mais, dès 1659, les premières atteintes de la maladieannoncent la mort prochaine de « cet effrayant génie » marqué depuis la plustendre enfance par les infirmités.

Et deux années de silence, de méditation etde travail (1660-1662) ne suffiront pas à Pascal pour mener à son terme leprojet initial, exposé dans sa conférence d'octobre-Novembre 1658 faite àPort-Royal « devant plusieurs personnes très considérables », de composer unouvrage sur la « Vérité de la religion chrétienne ».Pascal laisse à ses successeurs le mystère de vingt-sept liasses classées,composées chacune d'une série de « morceaux de petits papiers », fragmentsécrits dans l'ordre inverse de leur entassement par paquets reliés chacun, àl'origine, par un simple fil.

Les textes sont souvent écrits à la hâte, repris,complétés, surchargés, raturés ; certains mots parfois, trop abrégés, sontillisibles.

A cela s'ajoutent des textes rédigés « sur des feuilles volantes » etséparés d'un simple trait.

Quel ordre donner à tout cela dans une publicationdéfinitive, d'autant que sans cesse de nouvelles « Pensées », trouvées ici oulà, sont ajoutées ? Les éditions successives n'en finissent pas de donnerchacune leur interprétation, « les mêmes pensées formant un autre corps dediscours par une disposition différente » comme l'indiqua, de manière prémonitoire, Pascal lui-même.D'où la table de concordance que l'on trouve maintenant dans chaque édition et qui permet de naviguer aisément del'une à l'autre de ces neufs cents et quelques pensées : ainsi cette pensée, classé 172 dans l'édition deBrunschvicg, est le numéro 45 dans l'édition Tourneur & Anzieu.

Quant au texte il s'insère dans le passage suivant :« Que chacun examine ses pensées, il les trouvera toutes occupées au passé et à l'avenir.

Nous ne pensonspresque point au présent ; et si nous y pensons, ce n'est que pour en prendre la lumière pour disposer de l'avenir.Le présent n'est jamais notre fin : le passé et le présent sont nos moyens ; le seul avenir est notre fin.

Ainsi nousne vivons jamais, mais nous espérons de vivre ; et, nous disposant toujours à être heureux, il est inévitable quenous ne le soyons jamais.

»Pascal, selon l'habitude de son temps, s'est sans cesse nourri de la pensée de ses devanciers.

C'est un lecteurinfatigable, et Montaigne est l'un de ses auteurs favoris, dont il reprend souvent le texte sceptique pour l'utiliser auxfins de l'apologétique chrétienne.

C'est ici le cas.

Pascal s'est souvenu expressément d'un passage de l'édition de1588 des « Essais » : « Nous ne sommes jamais chez nous, nous sommes toujours au-delà.

La crainte, le désir,l'espérance nous élancent toujours vers l'avenir, et nous dérobent le sentiment et la considération de ce qui est,pour nous amuser de ce qui sera, voire quand nous ne serons plus.

» (Livre 1, chapitre 3).Ceci est d'ailleurs un thème cher aux moralistes de l'Antiquité, que Montaigne ne se fait pas faute de citer, à la suitede ce passage : l'épître 98 du philosophe latin Sénèque (« Malheureux l'esprit tourmenté de l'avenir ») et Epicure («Epicure dispense son sage de la prévoyance et de la sollicitude de l'avenir »).Cette thématique, qui dénonce l'impossibilité où est l'homme de se fixer au présent, est aussi celle des écrivains dela période classique.

On trouve ainsi une expression assez semblable chez le moraliste La Bruyère : « La vie estcourte et ennuyeuse ; elle se passe toute à désirer.

On remet à l'avenir son repos et ses joies, à cet âge souventoù les meilleurs ont disparu, la santé et la jeunesse.

Ce temps arrive, qui nous surprend encore dans les désirs : onen est là, quand la fièvre nous saisit et nous éteint » (« De l'homme »).Cependant ce qui, chez l'un ou l'autre, est notation strictement psychologique, prend chez Pascal une autredimension, beaucoup plus philosophique.

Car c'est d'une conception de l'homme, et de son rapport à Dieu, qu‘ils'agit.

Pascal est très explicite sur ce point : l'homme, en s'intéressant à son passé ou à son avenir, cherche enréalité à échapper au présent qui est pourtant le seul temps qui soit véritablement à nous.

Ici, il n'y a pas seulementle témoignage d'une « pensée » écrite à la hâte, mais l'expression réfléchie d'une lettre rédigée en décembre 1656par Pascal à l'intention de Mlle de Rouanez, au moment où elle souhaite entrer en religion : « Le passé ne doit pasnous embarrasser, puisque nous n'avons qu'à avoir regret de nos fautes ; mais l'avenir nous doit encore moinstoucher, puisqu'il n'est point du tout à notre égard, et que nous n'y arriverons peut-être jamais.

Le présent est leseul temps qui est véritablement à nous, et dont nous devons user selon Dieu.

»Et pourtant Pascal le sait bien (Pensée 139), tout nous montre le contraire.

Les hommes ne cessent de s'agiter, dese jeter dans le monde, d'aimer le jeu, la conversation des femmes, de courir les emplois.

En un mot, ils necherchent qu'une chose : le DIVERTISSEMENT.

Frénésie de l'action qui ne vise, en sortant sans cesse de soi, qu'às'oublier soi-même.

Aussi, si l'on en cherche plus finement les raisons , on les trouve dans la nature même del'homme.

Ce dernier n'a pas tort et a le juste pressentiment de son malheur.

Il y a un « malheur naturel de notrecondition faible et mortelle, et si misérable, que rien ne peut nous consoler, lorsque nous y pensons de près.

» De làvient, continue Pascal, « que les hommes aiment tant le bruit et le remuement ; de là vient que la prison est unsupplice si horrible ; de là vient que le plaisir de la solitude est une chose incompréhensible ».Pascal nous invite à accepter, sans effroi, notre humaine condition, qui est de n'être rien, certes, face à l'infinité deDieu mais d'être quelque chose avec son secours, en trouvant auprès de lui l'éternelle consolation dont nous avonsbesoin.

Telle est l'articulation centrale de la réflexion Pascalienne (Pensée 60) : MISERE DE L'HOMME SANS DIEU. »

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