Expérience et vérification
Publié le 30/08/2014
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En soulignant les principaux caractères de l'expérience scientifique, on constate qu'elle est d'une rare exigence — ce qui la rend évidemment hors de portée de la pensée commune. Cette dernière est en général incapable d'en saisir directement aussi bien les enjeux que les protocoles : on retrouve bien dans ce domaine le problème de la vulgarisation qui concerne en général toute la science contemporaine.
«
[1 -L'expérience comme activité]
Avoir de l'expérience, c'est prétendre avoir reçu du monde un certain
enseignement, ce qui suppose une certaine passivité de l'esprit, simple
ment apte à accueillir ce que
le réel lui montrera.
L'expérience n'est scientifique, et sans doute est-ce sa condition mini
male, que si au contraire elle correspond à une activité.
Sur
le plan matériel, cette activité suppose un lieu (symboliquement : le
laboratoire), un outillage et des manipulations précises, obéissant à des pro
jets élaborés, qui font évidemment défaut à l'expérience quotidienne.
Mais
l'activité est également, ou surtout, intellectuelle : c'est l'esprit qui déter
mine l'expérience à faire, par la question qu'il choisit
de poser relativement
à un phénomène.
L'initiative passe entièrement du côté
du scientifique, qui
entend maîtriser aussi bien
le moment que le lieu de l'expérience, et ne pas
être soumis aux manifestations aléatoires d'un phénomène.
Une telle activité expérimentale n'a pu historiquement se constituer
qu'à partir du moment où l'esprit a compris que la nature ne révélait pas
de son propre mouvement ses lois de fonctionnement, c'est-à-dire lorsque
la connaissance, renonçant à la déduction pure, est devenue inductive
(c'est la passage d'une conception artistotélicienne du savoir à une
conception que
l'on peut qualifier de galiléenne, puisque c'est Galilée qui,
le premier, saisit la nécessité et la portée de l'attitude expérimentale).
[Il -Expérience et raisonnement]
L'expérience n'est ainsi scientifique que si elle s'inscrit dans un rai
sonnement -dont l'analyse a été classiquement fournie par Claude
Bernard, qui montre en particulier que l'expérience, en tant que faisant
partie
d'un montage expérimental, n'en constitue qu'une étape, et non la
première.
Elle est en effet précédée par l'observation, puis par la formula
tion d'une hypothèse, et doit mener,
si elle vérifie cette dernière, à une loi.
L'observation scientifique elle-même ne ressemble en rien à une
observation banale, puisqu'elle est capable de repérer un phénomène pro
blématique, dont l'explication n'existe pas encore.
Ce repérage n'est pos
sible que si l'esprit est déjà informé de l'état actuel du savoir, et habitué à
ne pas considérer les simples phénomènes dans leur apparence immédiate
pour s'intéresser aux lois qui, en-deçà de ces derniers, les rendent pos
sibles.
C'est dire qu'un individu sans formation scientifique qui pénètre
rait dans un laboratoire alors
qu'on y effectue une observation ne risque
même pas de deviner en quoi consiste ce que
l'on cherche à observer.
Quant à l'hypothèse (ou
«explication anticipée», selon une formule
de Claude Bernard), elle doit être la plus
« simple » possible, et ne pas
multiplier les concepts.
Sa mise au point suppose la conception d'une
relation déterminante entre un élément admis comme cause et le reste du.
»
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