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Explication de texte - Aristote «Rapports de la sensation et de l'universel»

Publié le 13/04/2011

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aristote

 

Dans ce texte, Aristote s’interroge quant à la relation entre la sensation et l’universel, connaissance incontestable des faits. Il est en effet à la recherche de la base de la connaissance. Il va premièrement distinguer l’universel de la perception entendue comme la connaissance provenant de nos sens, puis à l’aide de deux exemples, montrer que seules les démonstrations et les notions universelles sont susceptibles de fonder la science. L’universel ne peut être perçu car toute perception est sensation d’un fait particulier. La véritable connaissance est universelle car elle suggère la démonstration. C’est en cela qu’elle est scientifique, car il n’y a de savoir que là où une preuve est établie. Il n’y a pas donc pas de connaissance par les sens.

La connaissance en mathématiques, c'est établir un raisonnement qui amène une proposition à la vérité : la démonstration. L'exemple mathématique du texte « le triangle à ses angles égaux à deux droits » est vrai car il s'applique à tout triangle possible. La proposition ne concerne pas un triangle particulier mais le triangle en général, c'est-à-dire la propriété qui fait de chaque triangle, un triangle. Nous pouvons vérifier sur un dessin que la proposition est vraie dans ce cas, mais nous ne percevons pas par là qu'elle est vraie pour tout triangle. De plus, Aristote nous montre qu’il reste sceptique sur le fait qu’on puisse percevoir cette proposition, puisque pour lui, percevoir que la somme des angles d’un triangle est égal à cent quatre vingt degrés, est sans doute impossible. L’idée d’une connaissance mathématique est déjà contradictoire : nous ne pouvons percevoir qu’un triangle en particulier est conforme à la proposition, car l’égalité n’est pas plus que le tout un objet de perception, l’égalité étant universelle. Si l’on s’accordait à faire de mesures d’angles et que l’on obtiendrait les mêmes résultats, nous ne percevrions toujours pas l’égalité mathématique, car celle-ci demande une identité parfaite. De la même manière, si l’on s’autorisait à passer d’une mesure physique à l’égalité mathématique, nous ne verrions pas l’égalité universelle dans le cas du particulier mais nous vérifiions l’universel connu précédemment, sur le particulier.

Le second exemple proposé par Aristote est un exemple tiré de l’astronomie, science basée sur l’observation. En effet, l’éclipse de Lune se produit lorsque la Terre fait disparaître la Lune, la Terre située entre le Soleil et la Lune projetant son ombre sur celle-ci (la Lune). Depuis notre planète, nous ne pouvons voir la Terre passer devant le soleil, et donc nous ne pouvons voir la cause de l’éclipse. A l’inverse, si nous nous placions sur la Lune, nous verrions bien la Terre passer devant le Soleil : nous serions encore une fois spectateurs de l’éclipse, mais nous n’en connaîtrions pas la cause. En effet, connaître la cause d’une éclipse, c’est connaître l’astronomie et le mouvement des planètes. Dans ce cas, nous ne serions plus seulement de simples spectateurs, car nous pourrions expliquer le phénomène. Cette connaissance est universelle car elle explique l’évènement particulier qu’est l’éclipse par la connaissance scientifique du mouvement des planètes. La démonstration revient ici à expliquer un fait particulier par les lois universelles.

La sensation n’amène pas à l’erreur des sens, mais n’amène tout simplement pas à la connaissance. On pourrait penser que la sensation apporte une connaissance solide, sur le principe du « c’est vrai car je l’ai vu », mais elle ne livre apparemment aucune connaissance. En effet, aucune cause ne peut faire l’objet d’une perception. Nous pouvons bien voir que si nous tournons la clé d’une voiture, le moteur démarre : il n’y a que des sensations, mais parler de cause à effet, ce n’est plus seulement avoir une sensation, mais aussi juger. C’est donc faire appel à l’universel : à chaque fois que nous tournons la clé d’une voiture, elle démarre (dans la mesure ou la voiture n’est pas en panne). La sensation délivre alors en son origine une sensation d’un évènement particulier, « dans un lieu et un moment déterminés.» Elle est donc dissociée de l’universel, « puisque nous appelons universel ce qui est toujours et partout.»

D’où vient alors notre connaissance de l’universel si elle n’est pas issue de la sensation ? Ce sont dans les dernières lignes du texte qu’Aristote nous suggère une réponse : l’universel n’est pas perçu par la sensation mais est extrait de la sensation.  Plusieurs cas particuliers parallèles permettent d’en conclure une forme commune qu’est l’universel. Nous pouvons noter qu’Aristote prend ici l’exemple de l’éclipse, car ce parallèle valable à l’évènement astronomique n’est pas valable à l’exemple mathématique. En effet, nous pouvons vérifier la propriété du triangle sur des centaines de cas particuliers, mais rien ne pourra nous assurer que le suivant vérifiera la propriété lui aussi. Il n’ a pas de différence en une seule vérification expérimentale et des centaines identiques : on ne peut étendre la validité de la propriété au delà des exemples qui on servit à établir celle-ci. En revanche, ce qui explique l’exemple d’Aristote concernant l’astronomie, c’est que la connaissance de l’astronomie ne peut se passer de la sensation. La réflexion doit alors s’appuyer sur l’observation. Alors, qu’est-ce qui permet de dégager le général d’un fait particulier ? Mais encore, comment peut-on offrir une valeur universelle à une généralité abstraite de nos sens et dans quelle mesure les lois dégagées de « l’observation répétée » sont-elles universelles ?

 

 

Le problème concerne alors la relation entre l’universel et la sensation. En effet, ce texte d’Aristote relève en apparence une contradiction. Il rejette toute connaissance venant de l’expérience, au nom d’une même connaissance plus raffinée : la perception n’amène pas à l’universel mais l’universel est extrait de la perception.

Il paraîtrait plus simple de rejeter la science venant de l’expérience. Seulement, en parallèle à la connaissance des sens, il y aurait une connaissance purement rationnelle, comme celle des mathématiques. Pour juger de la différence de deux propositions, il faut savoir ce qu’est la différence, et ce savoir ne peut être dégagé par observation de deux propositions différentes, puisque qu’il faut précédemment savoir ce qu’est la différence. Cette idée de la différence ne peut donc être délivrée par les sens, mais dans ce cas, d’où vient-elle ? Ceci illustre bien le problème fondamental rencontré dans le texte d’Aristote.

D’autre part, le rationalisme seul paraît insuffisant pour expliquer l’origine de la connaissance. En effet, à première vue, la dissociation des sens et de l’universel rend l’unité commune impensable : comment pourrait-on expliquer un évènement physique, comme l’éclipse par exemple, s’il n’y avait pas de relation qui puisse permettre de passer des sens à l’universel ? Dans le cas du phénomène physique, nous ne pouvons pas trouver cette connaissance de la réalité physique qui se passerait du pouvoir des sens. Dans le cas des mathématiques, nous ne pouvons pas affirmer que cette connaissance est issue de l’expérience sans détruire leur universalité. Cependant, il est surprenant de constater que la figure illustrant une démonstration en géométrie nous est importante : la perception particulière ne paraît donc pas radicalement dissociée du raisonnement.

 

 

Au nom de la rationalité de la science, Aristote sauve les sciences dites empiriques, fondées sur l’expérience et l’observation. Et est là tout l’intérêt du texte : faire place aux sciences fondées sur l’expérience au sein même des sciences fondées sur la raison.

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