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Expliquez et appréciez ce mot de Buffon : Le Génie n'est qu'une longue patience.

Publié le 10/02/2012

Extrait du document

buffon

Ce « mot « a son histoire. Rappelons-la brièvement, avant toute explication

et appréciation.

Littré le cite, en le rectifiant, et renvoie au discours de réception à l'Académie

française, improprement appelé Discours sur le Style. Ne l'y cherchez

pas, vous perdriez votre temps et votre peine. Larousse, mieux renseigne,

nous apprend que ce «mot«, attribué à Buffon, nous a été transmis

par Hérault de Séchelles, auteur d'un Voyage à Montbard, passablement

«rosse«. Il se trouve, en effet, dans cet opuscule, publié après la mort de

Buffon (an IX), mais sous une forme quelque peu différente....

buffon

« fait» ou encore : «Une mouche ne doit pas tenir plus de place dans la tête d'un naturaliste que dans la nature.» D'ordinaire, il confie à ses colla­ borateurs les observations de détail et se réserve de « systématiser ».

Mieux vaut, prétend-il, un faux systè~e que pas de système : «,c'est .to';lio,urs une preuve qu'on sait penser».

Un JOUr, Guyton de Morveau s appretalt a passer un corps au creuset pour s'assurer d'un f~it que ,Ie maître déduisa~t de la théorie : «Le meilleur creuset, c'est l'esprit», pretexta Buffon; et Il passa outre.

« Parole hasardeuse, quand il s'agit de prononcer sur les œuvres de la nature », remarque Sainte-Beuve.

Et voilà pourquoi la valeur scientifique de Buffon est si discutée par les savants contemporains, pourquoi ses idées ont varié d'une époque à l'autre.

II s'est trompé sur la propagation de la vie; il croyait aux générations spon­ tanées.

Ses théories sur les espèces animales sont telles que d'aucuns voient en lui un précurseur du transformisme et d'autres le louent d'avoir soutenu la fixité des espèces.

A trente ans d'intervalle, il explique la configu­ ration de notre planète par l'eau d'abord, par le feu ensuite.

Néanmoins beaucoup de ses hypothèses, même les plus hasardées, ont donné une impul­ sion vigoureuse aux recherches; elles ont attiré l'attention sur des pheno­ mènes jusque-là négligés et l'on a pu dire qu'il J.>révit à peu près tous les grands problèmes soulevés ou résolus au x1x• siècle dans le domaine de l'histoire naturelle.

De tout ce qui précède nous pouvons tirer une première conclusion : le « mot » que Herault de Séchelles attribue à Buffon ne suffit point à.

définir le génie de ce savant.

Il y entre, à coup sûr, un autre élément que la patience : ce don d'intuition, qui s'affranchit de la servitude des faits méticuleusement observés, se lance dans les spéculations hardies et crée les vastes ensembles sans en connaître toutes les parties.

Mieux que le génie du savant, ce mot pourrait-il caractériser celui de l'écrivain, du théoricien de l'art d'écrire? Pas davantage.

De prime abord, on serait tenté, sur la foi de Buffon luj-même, de ne voir.

en l'écrivain de génie qu'un travailleur patient.

Les doctrines de Malherbe, renforcées par celles de Boileau nous revenant en mémoire; Racine fai­ sant « difficilement des vers faciles »; tant de manuscrits raturés : « Pen­ sées » de Pascal, « sermons de Bossuet » surgissant à nos yeux, nous incite­ raient à abonder dans ce sens.

Et puis, Buffon ne s'.en est pas tenu à la théorie.

Dix-huit fois, nous dit-on, il a remis sur le métier la partie de son œuvre qui mérite le plus le nom de chef-d'œuvre : les Epoques de la Nature.

Il portait une attention soutenue sur l'ordre et l'enchaînement des idées, le « mouvement » du style, l'harmonie des phrases, qu'il voulait douce et riche à l'oreille, le choix des mots - clairs, nobles et « généraux ».

Le style - qui est « de l'homme même » - et qui assure aux ouvrages la pérennité, ne semble bien pour lui qu'une lente elaboration.

Cette suite, cette chaîne continue, dont chaque maillon forgé à loisir représente une idée, lui apparaît bien comme une œ.uvre de patience.

, Vicq .d' Azyr nous a laissé à cet é~ard un précieux témoignage : « Il écri­ vait, nous dit-il, il effaçait, il écnvait de nouv.eau pour effacèr encore; rassemblant, accordant avec le même soin, le même goût, le même art, toutes les parties du discours.

Il les -prononçait à diverses reprises, se corrigeant à chaque fois, et content enfin de ses efforts, ille déclamait de nouveau pour lui-même, pour son plaisir, et comme pour se dédommager de ,ses peines.

Tant de fois répétée,.

sa belle prose, comme les beaux vers, se gravait dans sa mémoire, il la récitait à ses amis.

Il les engageait à la lire eux-mêmes en sa .présence; alors ill'.écoutait en juge sévère, et il la travaillait sans relâche voulant s'élever à la perfection que l'écrivain impatient ne pourra jamai~ atteindre.

» ·Envisager sous cet angle unique le génie littéraire de Buffon, c'est pour­ tant risquer de le mal comprendre.

Il est plus complexe.

Mm• Necker disait que Buffon faisait plus de cas de Milton que de Newton.

« Comment deman­ dait-on à celui~ci, avez-vous découvert les lois de la gravitation? » '-.«.En y pensant », répondit le grand homme, exprimant par là qu'à la base des découvertes géniales se trouve la pensée suivie, obstinée.

Milton au contraire c'est le poète qui imagine, qui communique un frémissement particulier à ce qu'il invente, tandis que le savant pense et réfléchit.

Ne voir en Buffon écrivain qu'un penseur opiniâtre, un patient regratteur de mots et limeur de phrases, c'est amputer son génie.

Son style offre deux éléments essentiels,. »

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