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N'exprime-t-on que ce dont on a conscience ?

Publié le 20/01/2004

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conscience

Le verbe « exprimer « a pour racine étymologique le préfixe latin « ex « qui désigne toute activité d’extériorisation, un mouvement du dedans vers le dehors. Cette considération étymologique nous permet de voir qu’exprimer est l’activité qui désigne un passage de l’intérieur vers l’extérieur dans le domaine de la pensée : il s’agit de rendre public, mondain, nos vécus intérieurs, nos perceptions intimes, nos idées. Pour le dire d’une manière plus condensée, on appelle expression la mondanisation de l’intériorité d’un sujet (mondanisation : c'est-à-dire le mouvement qui rend mondain, public, extérieur). Prenons garde à une conclusion rapide que nous pourrions faire : l’expression n’a pas pour unique médium le langage oral. Il existe également une expression qui passe par le medium du corps, un langage tout aussi expressif qui peut être maitrisé (pensons à la danse) ou plus spontané (les expressions incontrôlées du visage). De plus, il existe une expression médiatisée, c'est-à-dire qui passe par l’intermédiaire d’objets que nous avons créés, tels les artefacts de l’art. En somme, l’expression est une activité qui passe par de multiples médiums : langage, langage du corps, productions artistiques du sujet. Quand nous disons le mot « conscience « nous faisons référence à deux objets distincts dont le premier est le moyen de l’autre : d’une part, nous désignons la faculté qu’à notre esprit de saisir ce qui se passe en nous ou en dehors de nous, c’est ce que nous nommerons « conscience psychologique «. Et d’autre part, nous faisons référence à la conscience morale, qui vient après la conscience psychologique, quand le sujet juge de la valeur morale de son action ou de ses intentions. Si nous nous demandons si l’on exprime uniquement ce dont on a conscience, cela signifie que nous sommes invités à réfléchir exclusivement sur le premier sens du mot conscience que nous venons de définir, à savoir l’aperception de nos propres représentations, ce savoir réflexif de nos représentations. A première vue, que l’on puisse exprimer uniquement ce dont on a conscience parait à ce point évident que la question qui nous est posée en devient presque illégitime : bien entendu que nous n’exprimons que ce dont on a conscience, car le langage n’est pas une activité spontanée, mais un effort d’extériorisation de ce dont nous savons que nous en avons connaissance. D’autre part, la conscience désigne la totalité de l’activité psychique pour certains auteurs, de sorte qu’il est en vérité impossible d’exprimer ce dont on n’a pas conscience, car en dehors de la conscience, il n’y a rien. Mais ne faisons-nous pas fausse route en prétendant une telle chose ? Il se peut en effet que la conscience n’épuise pas la totalité de notre activité psychique, que la conscience soit déterminée par autre chose qu’elle-même, à moins que cette autre chose lui-même s’exprime. Nous nous demanderons donc si l’expression est commensurable à la conscience, ou si, au contraire, l’expression ne se limite pas aux étroites frontières de la conscience.

conscience

« A première vue, il n'est guère difficile de répondre à la question qui nous est posée : on n'exprime que ce dont on aconscience, car il faut nécessairement avoir conscience de ce que l'on va exprimer avant d'y parvenir.

Nouspouvons rattacher cette conception de l'expression à la philosophie du langage telle que l'a développée unphilosophe comme Hegel : pour lui, c'est dans les mots que nous pensons, il n'y a pas de pensée hors du langage,puisque c'est par les mots que le sujet pensant donne une forme objective à ce que nous pensons, et les rendaccessibles à notre propre conscience.

Il y a lieu de démythifier la notion « d'ineffable », le « je ne sais quoi » cherà Voltaire et à Diderot et encore à Balzac, puisque, comme l'écrit Hegel dans la Philosophie de l'Esprit : « c'est lapensée obscure, la pensée à l'état de fermentation et qui ne devient claire que lorsqu'elle trouve le mot ».

De toutceci nous pouvons conclure qu'il n'y a pas d'expression en dehors de la conscience, car il n'y a pas de pensée endehors des mots qui donnent forment à celle-ci. « C'est dans le mot que nous pensons.

Nous n'avons conscience de nospensées, nous n'avons de pensées déterminées et réelles que lorsque nousleur donnons la forme objective, que nous les différencions de notre intériorité[…].

C'est le son articulé, le mot, qui seul nous offre une existence oùl'externe et l'interne sont intimement unis.

Par conséquent, vouloir pensersans les mots est une tentative insensée.

On croit ordinairement, il est vrai,que ce qu'il y a de plus haut, c'est l'ineffable.

Mais c'est là une opinionsuperficielle et sans fondement ; car en réalité, l'ineffable, c'est la penséeobscure, la pensée à l'état de fermentation, et qui ne devient claire quelorsqu'elle trouve le mot.

Ainsi le mot donne à la pensée son existence la plushaute et plus vraie.

» Hegel, in « Philosophie de l'esprit ». Hegel engage sa réflexion sur la possibilité de la synthèse entre l'aspect subjectif et l'aspect objectif de la conscience.

Le langage est unmoyen terme entre ces deux aspects, ce par quoi la conscience obtientl'existence. Le langage permet à l'homme de concevoir la nature.

Et on ne peut laconcevoir sans lui, quel que soit l'envie qu'on en a.

De même, il n'est paspossible d'exprimer la conscience autrement que par le recours au langage, quelle que soit la prétention de l'ineffable. Hegel lie le mot et la pensée : 1.

Penser par le mot, c'est lier intériorité et extériorité. 2.

Il est impossible de penser sans les mots. 3.

Le langage clarifie la pensée. D'emblée, la thèse de Hegel est affirmée clairement, en une phrase lapidaire : « C'est dans le mot que nous pensons. » L'ensemble du texte vise à l'analyse des deux termes : la pensée, le mot, et à leur articulation.

D'où formellementdeux possibilités : penser avec les mots (penser « dans le mot ») ; penser sans les mots (c'est la tentation de l'ineffable).

Cette seconde tentative est écartée, par Hegel , comme une erreur.

Ainsi, seule, la première possibilité demeure, d'où l'affirmation renouvelée, sous une autre forme, de la thèse : « le mot donne à la pensée son existence la plus haute et la plus vraie. » 1.

La thèse est examinée en chacun de ses éléments.

D'abord la pensée.

Penser c'est avoir conscience depenser, ce qui implique un dédoublement.

Si naïvement toute pensée, en tant que personnelle (« nos pensées »), est crue de l'ordre de notre intériorité (et strictement seulement de cet ordre), philosophiquement, elle est aussi de l'ordre de l'extériorité (et donc différenciée de l'intériorité).

Penser est une activité (« donner »à nos pensées) qui assure le passage d'un ordre à un autre, où l'on passe en même temps de l'abstrait(« penser » dans le vague en général) au concret, de la subjectivité à l'objectivité (des pensées « déterminées », cad qui sont celles-ci ou celles-là).

Enfin, avec une réflexion particulière qui doit être consacrée à l'idée de forme (la « forme » objective) qui, en tant que forme, assure une universalité de la pensée applicable dans la diversité et la multiplicité des situations – s'opposant implicitement à un plein qui ne peut seréférer qu'à l'unique particularité du contenu de ce qui est ici et maintenant.

Forme claire opposée à l'obscur duplein. En suite le mot.

Si pour la pensée, il convenait de distinguer intériorité et extériorité, il faut reconnaître au mot (défini au passage comme « son articulé ») le statut concret (« l'existence ») d'une synthèse de l'intériorité (« l'interne ») et de l'extériorité (« l'externe »).

D'un rapport privilégié du mot et de la conscience, puisque c'est le mot qui est le seul à pouvoir à chaque fois unir (intimement) les deux positions de la pensée.. »

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