Les faits parlent-ils d'eux-mêmes ?
Publié le 28/01/2004
Extrait du document
«
nous dira-t-on, quand le soleil est rouge le soir, il pleuvra le lendemain.
Bien entendu, ces « prévisions », nes'appuyant que sur d'incertaines associations, se révèlent purement aléatoires et, par conséquent, mal maîtrisables.
L'observation, activité rationnelle sans guide.
L'observation empirique représente, néanmoins, un premier usage de la raison appliquée à la nature et au réel.
Ellene fait pas d'observations de manière seulement accidentelle ni selon le pur hasard.
Le choix qu'elle opère dans lesphénomènes eux-mêmes repose sur une certaine rigueur rationnelle : on isole les phénomènes qui se répètent et oncherche des relations arbitraires entre eux.Mais privée de tout autre guide que le désir de résoudre des problèmes immédiats, l'observation n'aboutit qu'à uneconnaissance fragmentaire de la réalité, entachée de grossières erreurs.Telle est la connaissance commune, inséparable des éléments immédiats et concrets qui semblent former l'horizon dupremier savoir humain.
2.
Mais les « faits » et l'expérience ne suffisent pas.
La raison doit prendre les devants.
Si l'esprit voulait seulement et uniquement se régler sur l'expérience sensible, sur le fait, il resterait impuissant.
Lefait, en lui-même, ne suffit pas à faire connaître quoi que ce soit.
La raison doit prendre les devants et inventer deshypothèses fécondes.
Ce désir n'est pas satisfait par la connaissance commune.
Mais comment la libido sciendi pourrait-elle être satisfaite par la connaissance commune en tant que telle ? Faust nesaurait trouver la paix de l'esprit devant le spectacle des qualités sensibles ou par la médiation de savoir-faireacquis de manière empirique, grâce à l'usage de la vie.
Notons les raisons essentielles pour lesquelles l'amour dusavoir se voit ici profondément déçu.— Avec la connaissance commune, il n'y a pas d'explication réelleEn effet, expliquer, c'est déterminer les causes des phénomènes, découvrir le « pourquoi » et parvenir ainsi à lacausalité intelligible.
Or, les relations qualitatives et les associations d'images de la connaissance commune sontpurement superficielles et ne font nullement parvenir au noyau essentiel des choses.
L'expérience concrèten'apporte rien qui instruise vraiment le coeur de Faust, avide de vraie clarté et d'authentique intelligibilité.— Les relations empiriques sont aléatoiresDès lors, toute prévision réelle est vouée à l'échec, car les successions établies correspondent rarement à desensembles de relations destinées à se reproduire.
L'avenir est, dès lors, rigoureusement imprévisible.
C'est une pageblanche qui s'offre alors au regard anxieux et déçu de l'homme.
La raison, mise au service du désir de connaître, lui fournit des moyens qui vont fonder le fait et la loi scientifique.
— Les moyens de la raison : le concept-l'abstraction-l'hypothèse-la logique.Mais l'homme dispose, pour satisfaire son désir de connaître, d'un outil d'une grande puissance : la raison.
Grâce àcet instrument, dans une perspective proche de l'empirisme, mais néanmoins désireuse de ne pas totalementocculter le rôle et la fonction de l'esprit, la connaissance scientifique pourrait être envisagée comme unereconstruction plus rigoureuse de l'expérience commune précédemment analysée.
La raison, faculté de distinguer levrai du faux, enserrerait le réel immédiat au moyen de ses idées et de ses concepts, clefs introduisant l'unité dans ladiversité phénoménale.
D'une manière générale, le travail de l'abstraction serait ici prédominant, l'abstractionpouvant être définie comme l'opération de l'esprit qui isole des éléments de la représentation pour les considérer àpart.
La formation de l'hypothèse, anticipation de la future loi, est particulièrement caractéristique de ce travaild'abstraction de l'intelligence et de l'esprit humain.Enfin, la logique, étude des opérations de l'esprit considérées par rapport à la norme du vrai, occupe, elle aussi, uneplace centrale parmi ces moyens de la raison destinés à enserrer l'expérience.
— Le fait et la loi scientifique.On pourrait, dès lors, concevoir un fait scientifique dans le prolongement de l'expérience commune, construite par laraison.
Le « fait » scientifique serait le phénomène commun maîtrisé par les outils de la raison humaine.
La loi, quantà elle, serait constituée par l'énoncé de relations constantes entre les phénomènes, énoncé qui ne ferait queprolonger les données premières.
3.
Vraie nature des faits scientifiques.
Le fait, en lui-même, sans le secours d'éléments étrangers, ne révèle rien.
Ce qui manifeste quelque chose, c'est lefait construit et élaboré par la raison, le produit d'une élaboration rationnelle.
a.
Le fait scientifique et la loi scientifique n'ont rien à voir avec la connaissance commune.
Nous pouvons maintenant reprendre à sa racine le problème du fait et de la loi scientifique.
Ils s'éclairentessentiellement à la lumière de la raison et ne peuvent, en aucun cas, être compris à partir de l'expérience première.Le fait scientifique tout d'abord : il est indissociable de la marque théorique, il représente déjà, non point unensemble de qualités devenu plus rigoureux, mais, bien au contraire, le produit total d'une élaboration rationnelle.Loin d'être une donnée, le fait scientifique est le résultat d'un calcul ; il n'est pas un objet naturel maîtrisé par une.
»
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