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Faudrait-il vivre sans passions ?

Publié le 14/03/2004

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Ainsi, nous avons affaire d'un côté à des mécanismes passagers (émotions) et, de l'autre (passions), à des phénomènes durables et enracinés dans la pensée. La passion fait partie de nous et de notre psychisme. Elle est en quelque sorte intégrée dans notre démarche réflexive et c'est cette structure qui la rend infiniment plus dangereuse que l'émotion, qui est impétueuse, violente, rapide, déchaînée, ardente, fougueuse, véhémente, mais qui ne prend pas racine en nous. D'où l'immense danger de la passion : elle peut se maintenir en même temps que le raisonnement, cette fonction de la pensée permettant de dériver un jugement d'un autre, cette opération discursive de l'esprit par laquelle on passe de jugements donnés à un autre ou plusieurs autres par déduction logique ou en apparence logique. La passion est donc durable, installée en nous, compatible avec la réflexion et le raisonnement. Dès lors, elle fait partie de nous-mêmes et s'avère porteuse du plus grand danger: elle porte dommage et tort (préjudice) à notre liberté, à savoir notre autonomie, notre obéissance à la rationalité. Si la passion se déploie dans le temps et la continuité temporelle, alors elle va exclure toute maîtrise de la raison et porter les plus grandes atteintes à la liberté, conçue comme autonomie. Le jugement de Kant s'inscrit, en fait, dans une perspective philosophique très ancienne : les Stoïciens ne virent-ils pas déjà dans la passion un esclavage, une forme de servitude? B. Deuxième grande partie: « Si l'émotion f.

« Grandeur et positivité des passionsC'est, toutefois, des passions — et d'elles seules — comme l'écrit Descartes, que dépend «tout le bien et lemal de cette vie» ( Traité des Passions, art.

212).L'âme, en effet, «peut avoir ses plaisirs à part ; mais pour ceux qui lui sont communs avec le corps, ilsdépendent entièrement des passions» (ibid.).Et, sur la scène — plus vaste — de l'histoire du monde, «rien de grand», comme l'a dit Hegel, «ne s'estaccompli sans passion.

C'est une moralité morte et même trop souvent une moralité hypocrite que celle quis'élève contre la passion par le seul fait qu'elle est passion». "Rien de grand ne s'est accompli dans le monde sanspassion..." HEGEL La passion a souvent été méprisée comme une chose qui est plusou moins mauvaise.

Le romantisme allemand et, en particulier,Hegel restituent à la passion toute sa grandeur.

Dans uneIntroduction fameuse (« La Raison dans l'histoire ») à ses « Leçonssur la philosophie de l'histoire » - publiées après sa mort à partir demanuscrits de l'auteur et de notes prises par ses auditeurs -, onpeut lire (trad.

Kostas Papaioannou, coll.

10118): « Rien ne s'est fait sans être soutenu par l'intérêt de ceux qui yont participé.

Cet intérêt nous l'appelons passion lorsque, écartanttous les autres intérêts ou buts, l'individualité tout entière seprojette sur un objectif avec toutes les fibres intérieures de sonvouloir et concentre dans ce but ses forces et tous ses besoins.En ce sens, nous devons dire que rien de grand ne s'est accomplidans le monde sans passion.

» L'histoire est en apparence chaos et désordre.

Tout semble voué àla disparition, rien ne demeure : « Qui a contemplé les ruines deCarthage, de Palmyre, Persépolis, Rome, sans réfléchir sur la caducité des empires et des hommes, sans porter le deuil de cette vie passée puissante et riche ? Cen'est pas comme devant la tombe des êtres qui nous furent chers, un deuil qui s'attarde aux pertespersonnelles et à la caducité des fins particulières: c'est le deuil désintéressé d'une vie humaine brillanteet civilisée.

»L'histoire apparaît comme cette « vallée des ossements » où nous voyons les réalisations «les plusgrandes et les plus élevées rabougries et détruites par les passions humaines », «l'autel sur lequel ont étésacrifiés le bonheur des peuples, la sagesse des Etats et la vertu des individus ».

Elle nous montre leshommes livrés à la frénésie des passions, poursuivant de manière opiniâtre des petits buts égoïstes,davantage mus par leurs intérêts personnels que par l'esprit du bien.

S'il y a de quoi être triste devant untel spectacle, faut-il, pour autant, se résigner, y voir l'oeuvre du destin ? Non, car derrière l'apparencebariolée des événements se dévoile au philosophe une finalité rationnelle : l'histoire ne va pas au hasard,elle est la marche graduelle par laquelle l'Esprit parvient à sa vérité.

La Raison divine, l'Absolu doit s'aliénerdans le monde que font et défont les passions, pour s'accomplir.

Telle est: « la tragédie que l'absolu joueéternellement avec lui-même: il s'engendre éternellement dans l'objectivité, se livre sous cette figure quiest la sienne propre, à la passion et à la mort, et s'élève de ses cendres à la majesté».Ainsi, l'histoire du devenir des hommes coïncide avec l'histoire du devenir de Dieu.

Etats, peuples, hérosou grands hommes, formes politiques et organisations économiques, arts et religions, passions et intérêts,figurent la réalité de l'Esprit et constituent la vie même de l'absolu .« L'Esprit se répand ainsi dans l'histoire en une inépuisable multiplicité de formes où il jouit de lui-même.Mais son travail intensifie son activité et de nouveau il se consume.

Chaque création dans laquelle il avaittrouvé sa jouissance s'oppose de nouveau à lui comme une nouvelle matière qui exige d'être oeuvrée.

Cequ'était son oeuvre devient ainsi matériau que son travail doit transformer en une oeuvre nouvelle.

» Dans cette dialectique ou ce travail du négatif, l'Esprit, tel le Phénix qui renaît de ses cendres, se dressechaque fois plus fort et plus clair.

Il se dresse contre lui-même, consume la forme qu'il s'était donnée,pour s'élever à une forme nouvelle, plus élevée.

De même que le Fils de Dieu fut jeté « dans le temps,soumis au jugement, mourant dans la douleur de la négativité », pour ressusciter comme « Esprit éternel,mais vivant et présent dans le monde », de même l'Absolu doit se vouer à la finitude et à l'éphémère pourse réaliser dans sa vérité et dans sa certitude. Dès lors, ce n'est pas en vain que les individus et les peuples sont sacrifiés.

On comprend aussi que lespassions sont, sans le savoir, au service de ce qui les dépasse, de la fin dernière de l'histoire: laréalisation de l'Esprit ou de Dieu.

Chaque homme, dans la vie, cherche à atteindre ses propres buts,cache sous des grands mots des actions égoïstes et tâche de tirer son épingle du jeu.

Et la passion, cen'est jamais que l'activité humaine commandée par des intérêts égoïstes et dans laquelle l'homme mettoute l'énergie de son vouloir et de son caractère, en sacrifiant à ses fins particulières et actuelles toutes. »

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