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Faut-il combattre nos désirs ?

Publié le 13/09/2005

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Il serait simple de montrer qu'un tel homme va droit à la mort.   - Platon. Platon, dans le dialogue Gorgias, fait s'entretenir Calliclès et Socrate à propos de la question de la relation entre l'existence et le désir. Calliclès avance l'hypothèse suivante : il faut, pour avoir une vie de bien-être, accepter pleinement la nature humaine et donc satisfaire tous nos désirs, sans cesse. C'est là que se trouve la plénitude. Socrate propose alors cette comparaison : il imagine deux hommes, tous les deux ont de nombreux tonneaux. L'un a des tonneaux en bon état, l'autre à des tonneaux qui fuient, les deux hommes remplissent de vivres les deux tonneaux. Le premier voit rapidement ses tonneaux se remplir, et il peut jouir de ce qu'ils contiennent, le deuxième doit sans cesse remplir ses tonneaux fuyants pour pouvoir jouir de leur contenu. Socrate pose alors la question : "Ce tableau étant l'image de l'une et l'autre vie, dis-tu que celle de l'intempérant est plus heureuse que celle de l'homme sage ? Ai-je réussi par ce discours à te faire convenir que la condition du tempérant est préférable à celle de l'autre, ou n'ai-je fait aucune impression sur ton esprit ?

Recherche d'un objet (que l'on suppose) de satisfaction, le désir est une notion qui peut paraître contradictoire. En effet, il se trouve à égale distance du plaisir immédiat que l'on ressent quand on y répond, et de la souffrance que l'on éprouve si on ne peut le satisfaire. Dans cette perspective, il semble naturel de penser que celui qui recherche le bien-être tende vers la pleine satisfaction de tous ses désirs. Cependant, une telle quète ne mène-t-elle pas un homme vers sa propre destruction - ou du moins vers une certaine forme d'aliénation ? En effet, la satisfaction des désirs peut-elle mener vers autre chose que le désir ? Alors faut-il "combattre" nos désirs, est-ce là le prix de la liberté, ou du bonheur ? La question ne semble pas pouvoir être tranchée de la sorte : en effet, si l'homme refuse de satisfaire le moindre de ses désirs, ne va t-il pas se laisser aller à l'inaction, à la paresse ? Le désir semble être le moteur des plus grandes réalisations de l'homme. L'homme n'aurait jamais posé le pied sur la lune en 1969 si il n'avait laissé libre court à ses désirs. Nous interrogerons dans une première partie la nature double du désir, puis nous examinerons de plus près la question (qui prend la forme d'un impératif moral) : s'il ne faut pas "combattre" ses désirs, il ne s'agit certainement pas de s'y abandonner...

« nouveau).A propos de l'esclavage de nos désirs, Spinoza dit :"On pense que l'esclave est celui qui agit par commandement et l'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir.Cela cependant n'est pas absolument vrai, car en réalité être captif de son plaisir et incapable de rien voir ni fairequi nous soit vraiment utile, c'est le pire esclavage, et la liberté n'est qu'à celui qui de son entier consentement vitsous la seule conduite de la Raison" (spinoza Ethique IV).

On pense que l'esclave est celui qui agit par commandement etl'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir.

Cela cependant n'estpas absolument vrai, car en réalité être captif de son plaisir etincapable de rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c'est le pireesclavage et la liberté n'est qu'à celui qui, de son entier consentement,vit sous la seule conduite de la Raison.

Quant à l'action parcommandement, c'est à dire à l'obéissance, elle ôte bien en quelquemanière la liberté, elle ne fait cependant pas sur le champ un esclave,c'est la raison déterminante de l'action qui le fait ; si la fin de l'actionn'est pas l'utilité de l'agent lui-même, mais de celui qui commande,alors l'agent est un esclave ; inutile à lui-même ; au contraire, dans unÉtat et sous un commandement pour lesquels la loi suprême est lesalut de tout le peuple, non de celui qui commande, celui qui obéit entout au souverain ne doit pas être dit un esclave, inutile en tout à lui-même, mais un sujet.

Ainsi, cet État est le plus libre, dont les lois sontfondées en droite Raison, car dans cet État, chacun, dès qu'il le veut,peut être libre, c'est à dire vivre, de son entier consentement sous laconduite de la Raison. Dans un texte consacré aux thèmes de l'esclavage et de la liberté, Spinoza sedemande si les définitions communes de ces deux réalités sont pertinentes, c'est-à-dire si l'esclavage consiste dans l'obéissance et la liberté dans le bon plaisir.

A travers cette question, ilsoulève deux problèmes conjoints : l'indépendance suffit-elle pour se dire libre, puisqu'on peut devenir l'esclave deses plaisirs ? La soumission sociale fait-elle esclave, puisqu'il ne semble pas que tous ceux qui obéissent soientdéclarés tels ? Ces deux problèmes se ramenant ainsi à un seul : y a-t-il des soumissions légitimes? En prenant encompte à la fois les mobiles de l'action d'un point de vue psychologique et les fins de cette action du point de vuede ces bénéficiaires, Spinoza va s'opposer à l'opinion en soutenant qu'il existe des soumissions légitimes parcequ'elles rendent libres, lorsque c'est à la Raison que l'on se soumet, ou parce qu'elles sont utiles à ceux qui sontsoumis, et ce, en critiquant successivement les définitions de l'homme libre et de l'esclave donnée par l'opinion.

Unefois cette double thèse expliquée, nous tâcherons d'en éprouver la pertinence. L'auteur énonce d'emblée l'opinion commune qu'il a pour objectif de corriger.

" On pense que l'esclave est celui quiagit par commandement et l'homme libre celui qui agit selon son bon plaisir." Ainsi que l'indique l'expression " onpense ", Spinoza ne propose pas ici "sa" définition de l'esclavage et de la liberté, mais expose la définition communede ces deux choses.

Aussi pouvons-nous déjà anticiper sur la suite de son propos : il s'agira pour lui de critiquer cesdéfinitions, critiquer, c'est-à-dire au sens strict séparer, distinguer ce qui dans ces définitions a de la valeur de cequi n'en a pas.

L'opinion commune se représente et distingue l'esclavage et la liberté d'un point de vue social : selonelle, l'esclave est celui qui obéit à un autre, tandis que l'homme libre est celui qui n'obéissant à personne peut fairece qu'il veut, comme on dit.

A savoir : agir à sa guise, n'écouter que lui-même, et par là, jouir sans entraveextérieure de tout ce qui s'offre à lui.

Ces définitions ne manquent ni de vraisemblance, ni de cohérencepuisqu'effectivement celui qui est soumis à un autre n'est pas libre de faire ce que bon lui semble, tandis que celuiqui ne dépend de personne en a le loisir.

Il faut noter en outre d'une part qu'une telle définition de l'homme libren'exclut pas qu'il puisse exercer un pouvoir sur d'autres, et surtout, d'autre part qu'ainsi compris, l'esclavagerecouvre un très grand nombre de relations humaines : au-delà de la relation bien connue entre un maître et unesclave, il se retrouverait partout où sous une forme quelconque il existe un pouvoir, une autorité, une hiérarchiepar lesquels un être agit sous le commandement d'un autre.

En d'autres termes, l'opinion fait consister la libertédans l'indépendance sociale et l'esclavage dans la dépendance, la soumission, l'obéissance. " Cela cependant n'est pas absolument vrai ".

Sans nier que ces définitions comprennent quelque chose d'exact,Spinoza entame sa critique en contestant leur caractère absolument exact.

Cela signifie qu'il va les nuancer et lescompléter, et ce, en deux temps distincts, chacun étant consacré à une des deux réalités en question. L'homme libre n'est pas vraiment celui qui agit selon son bon plaisir, " car en réalité être captif de son plaisir etincapable de rien voir ni faire qui nous soit vraiment utile, c'est le pire esclavage ".

Cet argument de Spinozaconsiste non pas tant à nier comme telle la définition commune de l'homme libre, mais à changer de point de vue :ce n'est pas du point de vue social qu'il se situe, mais du point de vue psychologique.

Reprenant les termes mêmesde cette définition, il montre que ce que l'on tient pour de la liberté du point de vue des relations avec les autresest une forme d'esclavage du point de vue de la relation à soi-même.

Pourquoi ? Parce que celui qui n'agit que selonson bon plaisir, n'agit, n'entreprend quelque chose que s'il espère en tirer un plaisir.

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