Faut-il considérer la liberté comme absences de contraintes ?
Publié le 25/06/2005
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Comme le souligne Platon, dans le Gorgias , le tyran, tout aussi puissant qu'il soit, n'est pas heureux : sa liberté ignore certes les contraintes, mais celle-ci est, par sa définition même, la mise en échec de la liberté réelle :tout pouvoir, c'est par là même ne rien pouvoir .
Pourquoi ? Satisfaire tous ses désirs sans jamais être empêché, dominer sans être dominé, revient à exercer sa liberté hors de tout contrôle .
Une telle conception de la liberté rappelle l'anneau de Gygès qui permet d'agir en toute impunité (celui-ci dérobant la transgression à la visibilité – Cf.
République , L.
II, 359-d ) et est synonyme de licence . Or, que vaut un pouvoir sans frein ? Une contrainte n'est pas seulement ce qui fait obstacle à mon action, mais c'est aussi une limite et donc une fin (télos ) : être contraint c'est être limité et donc fini.
Or la fin d'une chose, en est aussi l'achèvement au sens d'accomplissement.
C'est pourquoi, le tyran dont la liberté n'est jamais contrainte est aussi impuissant : il ignore quel est sa fin, quel est son bien . Pouvoir suppose de se fixer des buts préalables et se montrer capable de contraindre ses désirs en vue de la réalisation de ces actions .
Exemple : le malade accepte de boire la potion amère – y est contraint – parce que son action vise, non pas l'agréable ou un plaisir immédiat, mais un but déterminé : recouvrer la santé(Gorgias , 467 c-e ).
Autrement dit, l'homme réellement puissant est capable de faire ce qu'il veut (car il le sait ) et non ce qui lui plaît, il est donc avant tout et en toutes choses mesuré . L'analyse de Socrate montre donc que concevoir la liberté sans contraintes revient à poser celle-ci comme démesure (ou hubris ).
Or l'absence de mesure est aussi l'absence d'ordre et de justice .
Telles sont les implications de la thèse socratique que développe Hobbes aux chapitres 13 et 14 du Léviathan . b) Sans contraintes, la liberté s'oppose à l'ordre et à la paix civile Selon Hobbes, c'est volontairement que les hommes se sont soumis à l'autorité d'un état.
En effet, à l'état de nature, la vie est « malheureuse, pénible, bestiale et brève », et cela, en raison d'un droit de nature absolu ( Cf. note page 1 ) : l'état de nature, la condition où vivent les hommes « sans qu'une puissance commune les tiennent tous en respect », ne tombe sous le coup d'aucun jugement : rien ne peut être injuste puisque « là où il n'y a pasde puissance commune, il n'y a pas de lois ; là où il n'y a pas de lois, pas de justice ».
Dès lors, la fraude et la forcesont les vertus cardinales.
Conséquence : les hommes renoncent à leur droit naturel en échange de la paix et de la sécurité assuré par l'état (qui est la somme des pouvoirs de tous).
Ainsi, selon Hobbes, tout refus des contraintes imposées par l'état risque de faire réapparaître l'état de nature où règne la guerre de chacun contre chacun. Transition : - On vient d'examiner les enjeux politiques du sujet : la position qui consiste à considérer la liberté comme absence de contraintes rend toute forme de justice impraticable : illimitée, la liberté est un des ressorts de la guerre, c'est-à-dire qu'elle ne peut qu'être source de conflits. - Cependant , Hobbes tire argument de ce constat pour justifier une obéissance absolue aux lois établies par l'état.
De même, on sait que Platon critique violemment la démocratie ( République , livre 8).
Comment alors parler encore de liberté ? - Problème : peut-on être à la fois libre tout en étant contraint ? - Tel est le dilemme auquel permet de répondre le concept d' autonomie tel qu'il est élaboré par Kant. 3- LA LIBERTÉ EST « AUTO -DONATION » DE CONTRAINTES définition kantienne de l'autonomie (voir Métaphysique des moeurs , Fondation , 3e section, tr.A.
Renaut, Paris, GF, 1994, vol.
I, p.131-132 .) Auto signifiant soi-même, et nomos renvoyant au terme de loi, Kant pense la liberté comme le pouvoir de se donner à soi-même sa propre loi, de secontraindre volontairement.
Autrement dit, Kant conserve l'idée qu'il ne peuty avoir de liberté que distincte du déterminisme naturel, mais il ajoute qu'ilfaut, pour se soustraire aux lois de la nature, les remplacer avec le mêmedegré d'efficacité modale ; il s'agit de se montrer aussi nécessaire comme principe de ses actions que la nature peut l'être de ses propres mouvements . Avec Kant, la liberté est bien l'exact contre-pied de l'hétéronomie (le fait d'être déterminé ou contraint par quelque chosed'autre que soi) et c'est pourquoi, on ne saurait concevoir la liberté comme absence de contraintes : seule une liberté sans contraintes étrangères à soi est pensable ; en tant qu'autonomie, la liberté est, par les contraintes qu'elle se donne , la capacité d'accéder à la moralité . Le principe de la moralité réside dans l'autonomie, soit la faculté de sedéterminer soi-même de par une législation rationnelle.
L'homme est lié à sondevoir par une loi qui ne lui est pas extérieure.
Aucun intérêt ne vient leforcer à faire son devoir, aucune force étrangère à sa propre volonté ne vientle contraindre.Si le devoir procédait d'une contrainte, l'homme ne serait pas libre mais hétéronome, c'est-à-dire sous ladépendance d'une loi qui ne procède pas de lui-même.
Le devoir ne se définit que par l'autonomie de la volonté.
Êtrelibre et moral, c'est agir conformément à sa propre volonté législatrice universelle.Cette loi du devoir, bien qu'en nous, vise l'universalité.
Le principe suprême du devoir est inconditionné et absolu.
Lavolonté n'y est pas intéressée, et elle n'est pas non plus motivée par la crainte d'un châtiment ou d'une sanction s'il.
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