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Faut-il être libre pour être heureux ?

Publié le 14/09/2005

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Ainsi la liberté qui m'est accordée, et qu'il me faut rendre efficace pour en éprouver la réalité (faute de quoi elle reste vide et abstraite), n'est pas en mesure d'organiser mon bonheur en lui-même. Elle peut en préparer les conditions, mais l'existence de ces dernières ne garantit en rien que le bonheur sera là. [B. La liberté envisage l'au-delà du présent] C'est encore à un autre niveau que la liberté semble peu compatible avec le bonheur ressenti : de ce dernier, j'aimerais prolonger la présence (c'est la tentation du « O temps, suspens ton vol ! »), et en jouir dans l'éternité. Le bonheur, parce qu'il n'est jamais assez intense, devrait gagner en intensité par sa durée. Or, il y a dans la liberté un mouvement vers l'au-delà du présent : être libre, c'est affirmer en soi une capacité d'échappement à tout donné, c'est pouvoir nier aussi bien l'extérieur que la vie intime en cours. Sans doute peut-on, en apparence, choisir librement de savourer le présent, mais ce présent choisi n'est déjà plus le présent donné, non seulement parce que, au sens strict, il en constituait d'abord le futur, mais aussi parce que sa qualité a changé. Exercer sa liberté en choisissant de faire durer le bonheur, c'est souligner l'existence de la durée dans le bonheur, et dès lors le transformer, au prix de son éventuelle éclipse. La liberté réelle est toujours en acte, qu'il s'agisse d'un acte de pensée ou d'une action empirique, alors que vivre un bonheur invite à le savourer, sinon dans la passivité, du moins au repos. Ainsi le bonheur qui m'échoit détermine mon attitude : comment concilier cette détermination avec le principe même de ma liberté ?

« que l'homme existe d'abord, c'est-à-dire que l'homme est d'abord ce qui se jette vers un avenir, et ce quiest conscient de se projeter dans l'avenir L'homme est d'abord un projet qui se vit subjectivement, au lieud'être une mousse, une pourriture ou un chou-fleur » La liberté est donc, pour Sartre , un absolu qui ne se choisit pas.

L'homme ne choisit pas d'être libre, il l'est, il ne peut que l'être.

Il l'est tout entier et toujours.

Il ne saurait être tantôt libre, tantôt esclave.

Ce queSartre exprime sous cette formule : « L'homme est condamné à être libre .

» Si l'homme est celui qui se fait, ce projet réalise pas dans l'intimité douillette d'un ego refermé sur lui-même, mais ne peut se réaliser que dans son rapport au monde et à autrui.

L'homme est « en situation ». C'est-à-dire qu'il est « conditionné par sa classe », « son salaire », « la nature de son travail », conditionné jusqu'à ses sentiments et ses pensées.

Mais si l'homme ne peut pas choisir sa classe sociale, il peut sechoisir lui-même dans sa « manière d'être ».

Sartre lui-même reconnaît en 1940 qu'il est « le produit monstrueux du capitalisme, du parlementarisme, de la centralisation et du fonctionnalisme », mais c'est à partir de cette situation familiale qui l'a constitué qu'il entreprend de se « personnalise r ».

D'où la formule : « L'important n'est pas ce qu'on a fait de nous, mais ce que nous faisons nous-mêmes de ce qu'on a fait denous.

» La situation n'est pas quelque chose qui limite la liberté elle est ce à partir d'où commence la liberté.

C'est laraison pour laquelle Sartre a pu écrire en 1944 dans « Les Lettres française » (fondé par Aragon et Paulhan ): « Jamais nous n'avons été plus libres que sous l'occupation allemande. » Qu'est-ce à dire, sinon qu'à ce moment-là, puisque nous étions traqués, « chacun de nos gestes avait le poids de l'engagement » ? La liberté est donc le choix permanent qui oblige chacun, à chaque instant, quel que soit l'obstacle ou lasituation, à se faire être. Ainsi, pour Sartre , si l'existence précède l'essence et si Dieu n'existe pas, l'homme est alors responsable de ce qu'il fait, de ce qu'il est : « Nous n'avons ni derrière nous, ni devant nous, dans le domaine lumineux des valeurs, des justifications ou des excuses.

Nous sommes seuls, sans excuses.

C'est ce que j'exprimerai endisant que l'homme est condamné à être libre.

Condamné parce qu'il ne s'est pas créé lui-même, et par ailleurscependant libre, parce qu'une fois jeté dans le monde, il est responsable de tout ce qu'il fait .

» Mais par là, Sartre signifie aussi que l'homme est « responsable de tous les hommes » : « Quand nous disons que l'homme se choisit, nous entendons que chacun d'entre nous se choisit, mais par lànous voulons dire aussi qu'en se choisissant, il choisit tous les hommes .

» Autrement dit, chacun de nous, par ses choix, ses actes, pose les normes du vrai et du bien et engage ainsil'humanité tout entière.

Certes, beaucoup d'hommes ne se sentent pas responsables, croyant en agissantn'engager qu'eux-mêmes, et « lorsqu'on leur dit: mais si tout le monde faisait comme ça ? ils haussent les épaules et répondent: tout le monde ne fait pas comme ça ».

Mais, en fait, ils se masquent leur angoisse, la fuient.

Ils sont de mauvaise foi, car en vérité, on doit toujours se demander: « Qu'arriverait-il si tout le monde en faisant autant ? » Dire que « l'homme est condamné à être libre », cela signifie bien que l'homme n'est pas niais qu'il se fait, et qu'en se faisant il assume la responsabilité de l'espèce humaine, cela signifie aussi qu'il n'y a pas de valeur nide morale qui soient données a priori.

En chaque cas, nous devons décider seuls, sans points d'appui, sansguides et cependant pour tous. Contrairement à la chose qui est ce qui est, l'homme, en tant que « pour-soi », n'est jamais tout à fait soi.

Il est et il n'est pas ce qu'il est.

En avouant, par exemple, que je suis un menteur, j'adhère à ce que je suismais en même temps je prends mes distances à l'égard de ce que je suis.

La conscience est donc biennégativité infinie, pouvoir de dépassement de ce qui est.

Mais la liberté se confond-elle avec la spontanéitéde la conscience ? Un enfant est-il libre ? La liberté ne se développe-t-elle pas avec l'expérience et laconnaissance ? Sartre semble sous-estimer le rôle de la raison et de la connaissance dans la liberté. La liberté n'implique pas la vertuSelon Marc-Aurèle, une des conditions du bonheur est de «contempler la nature universelle et tout ce quiarrive conformément a sa loi» (Pensées pour moi-même).

La question n'est pas d'être libre pour être heureux.La question est de connaitre la sagesse, d'agir de manière vertueuse.

Voila qui explique pourquoi le sage peutêtre esclave et cependant plus heureux que l'homme libre.

[On ne peut pas être heureux si l'on ne peut pas satisfaire. »

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