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Faut-il être seul pour être libre ?

Publié le 14/03/2005

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On traduit souvent mal en disant : l'homme est un « animal social », se méprenant sur le sens du mot « politique », qui désigne l'appartenance de l'individu à la « polis », la cité, qui est une forme spécifique de la vie politique, particulière au monde grec. En disant de l'homme qu'il est l'animal politique au suprême degré, et en justifiant sa position, Aristote, à la fois se fait l'écho de la tradition grecque, reprend la conception classique de la « cité » et se démarque des thèses de son maître Platon. Aristote veut montrer que la cité, la « polis », est le lieu spécifiquement humain, celui où seul peut s'accomplir la véritable nature de l'homme : la « polis » permet non seulement de vivre mais de « bien vivre ». Il affirme de même que la cité est une réalité naturelle antérieure à l'individu : thèse extrêmement surprenante pour un moderne, et que Hobbes & Rousseau voudront réfuter, puisqu'elle signifie que l'individu n'a pas d'existence autonome et indépendante, mais appartient naturellement à une communauté politique qui lui est « supérieure ». Enfin Aristote tente de différencier les rapports d'autorité qui se font jour dans la famille, le village, l'Etat, et enfin la cité proprement dite. La cité est la communauté politique au suprême degré et comme elle est spécifiquement humaine, « L'homme est animal politique au suprême degré ». En effet la communauté originaire est la famille : c'est l'association minimale qui permet la simple survie, la reproduction « biologique » de l'individu et de l'espèce. Composée du père, de la mère, des enfants et des esclaves, elle répond à des impératifs vitaux minimaux, à une sphère « économique » comme disent les Grecs. « D'autre part, la première communauté formée en vue de la satisfaction de besoins qui ne sont pas purement quotidiens est le village. » Il faut comprendre que famille et village sont régis par le besoin, par la nécessité naturelle de la vie, et ne sont pas propres à l'humanité.

L'homme seul est libre parce qu'il ne dépend pas d'autrui et ne subit pas les innombrables contraintes qu'impose la société. Agir librement, c'est nécessairement agir contre le conformisme ambiant. Mais, ne pas pouvoir satisfaire mes désirs sexuels, mon besoin d'être aimé et d'exprimer ce que je ressens, voilà ce qui s'oppose à la liberté. Un homme seul ne peut pas se réaliser pleinement.

« j'opère dans le même temps.

»Cette décentration du monde fait de moi un sujet glissant.

La désagrégation « gagne de proche en proche » tout mon univers.

Autruitend à me « voler le monde ».

Si autrui n'existait que sur le mode d' « être-vu-par-moi », je pourrais, en m'efforçant de le saisirseulement comme objet, le réintégrer dans ma propre vision du monde.

Mais autrui me voit.

J'existe sur le mode d' « être-vu-par-autrui ».Second moment : être vu.« Imaginons que j'en sois venu à coller mon oreille contre une porte, à regarder par le trou d'une serrure.

Je suis seul et sur le plan dela conscience non-thétique de moi.

»Je suis seul & j'existe sur le plan de la conscience non-thétique ou immédiate de moi, cela signifie que mon attitude n'a aucun « dehors», que je n'ai pas conscience de « moi » comme objet et qu'il n'y a donc rien à quoi je puisse rapporter mes actes pour les qualifier ,les juger.

Je suis mes actes et « ils portent en eux-mêmes leur totale justification ». « Or voici que j'ai entendu des pas dans le corridor : on me regarde.

»Qu'est-ce que cela signifie , sinon que le regard d'autrui me fige.

J'étais liberté pure, conscience allégée de toute image, me voicidevenu quelqu'un, un objet du regard.

Je me vois parce qu'on me voit : mon « moi » fait irruption.

En même temps j'en viens à existersur le même plan que les objets.

Je suis objet d'un regard.

Autrui surgit et j'ai un « dehors », une apparence externe.

J'ai une naturequi ne m'appartient pas.

Ce que je suis pour autrui (vicieux, jaloux...), je ne suis plus libre de l'être.

Je suis engagé dans un autre être.Plus jamais je ne pourrai échapper à l'image qu'autrui me tend de moi-même.

Autrement dit, j'existe sur le mode d' « être-pour-autrui». « Ma chute originelle, c'est l'existence d'autrui...

» Cela signifie donc que tout se passe comme si autrui me faisait m'écrouler au milieudes choses.

C'est ce que je découvre dans la honte qui n'est, au fond, que « l'appréhension de moi-même comme nature ».

Chuteoriginelle qui fait songer au péché originel.

Je suis découvert, presque nu devant le regard tout-puissant de l'Autre, regard qui medépouille de ma transcendance.Face à autrui, je ne peux plus qu'être « projet de récupération de mon être ».

Si autrui me regarde, je le regarde aussi.

S'il tend à mechosifier, je peux faire de même.

Mon projet de récupérer mon être ne peut se réaliser que si je m'empare de cette liberté d'autrui etque je la réduis à être liberté soumise à ma liberté.

Et, en effet, tout est combat, même l'amour.

Quel est, en effet, le désir de tout êtreamoureux ? N'est-ce pas d'abord de posséder l'être aimé, d'en faire sa chose ? Le combat se poursuit même dans les moments lesplus doux, jusque dans le désir, la caresse.

Le désir est une tentative pour déshabiller le corps de ses mouvements comme de sesvêtements et le faire exister comme pure chair.

Le désir, cette tentative d'incarnation d'autrui, s'exprime par la caresse : « Encaressant autrui, je fais naître sa chair, par ma caresse, sous mes doigts.

La caresse est l'ensemble des cérémonies qui incarnentAutrui.

»Qu'est-ce que cela veut dire, sinon que la caresse, ce n'est pas le simple « contact de deux épidermes », mais une façon, pour moi,d'empâter l'être désiré dans sa chair : « Mon but est de le faire s'incarner à ses propres yeux comme chair, il faut que je l'entraîne surle terrain de la facticité pure, il faut qu'il se résume pour lui-même à n'être que chair...

»Devenu corps, chair, présence offerte, sous mes doigts, par ma caresse, autrui ne me transcende plus.

Je suis rassuré : autrui est machose, il ne sera plus que ceci, cad chair. Si Sartre nous fait sentir toute cette « part du diable » qu'il peut y avoir dans nos rapports avec autrui – qui, comme sa pièce dethéâtre « Huis clos » tend à montrer, sont souvent « tordus » - notons cependant que la vision sartrienne n'est pas entièrementnégative.

Sartre, à la suite de Hegel, reconnaît que j'ai besoin de la médiation d'autrui pour obtenir quelque vérité sur moi.

Dessentiments comme la honte ou la pudeur ne me découvrent-ils pas des aspects essentiels de mon être que j'ignorais sans autrui ?Avoir honte, n'est-ce pas reconnaître que je suis tel qu'autrui me voit ? Que cette image qu'autrui me tend de moi-même n'est pas unevaine image ? Autrui est, ainsi, un médiateur indispensable entre moi & moi-même.

Il me fait passer d'une « conscience non-positionnelle de soi » à « une conscience réflexive ».

Autrement dit il me fait accéder à une véritable conscience de moi-même.

D'où laformule : « Je suis un être Pour-soi, qui n'est Pour-soi que par un autre.

» Enfin si la relation à autrui est conflictuelle, c'est parce que le projet originel de tout être humain, c'est d'être cause de soi, de coïncidertotalement avec lui-même, tel Dieu.

Or, ce projet d'être Dieu est, comme le dit Sartre, une passion inutile.

La peinture du vécu concretde l'altérité dans « L'être & le néant » ne peut, sans doute, se comprendre qu'en référence à ce projet de l'homme.

Si l'homme pouvaitrenoncer à cela, peut-être pourrait-il alors accéder à une vie plus authentique en assumant sa liberté et en reconnaissant la libertéd'autrui comme autre. L'authentique liberté s'oppose au conformismeLes esprits libres, parce qu'ils suivent des chemins qui ne sont soumis à aucune contrainte sociale, n'obéissent à aucune mode et sontréduits à la solitude.

Les hommes disent aimer la liberté, à condition que cette liberté soit conforme à la définition qu'en donne le plusgrand nombre.

Or, penser et agir librement, c'est ne pas se conformer à l'opinion générale. [Autrui est le seul à pouvoir satisfaire la plupart de mes désirs. Un homme seul est un homme qui est doublement aliéné. Il est aliéné par rapport à lui-même.

Il est aliéné par rapport à la nature.] Liberté et satisfaction des désirsClaude Lévi-Strauss rappelle que si l'homme est un être social, c'est tout d'abord parce qu'il est un être sexué.

Or, le désir sexuel est,dit Freud, le creuset de tous les autres désirs.

Étant seul, il m'est impossible de le satisfaire.

Ma liberté sexuelle dépend donc bien dudésir et du corps de l'autre. La dimension collective de la liberté.. »

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