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Faut-il se fier aux apparences ?

Publié le 16/03/2004

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II. L'apparence peut également être celle de la pensée, et être tout aussi illusoire (Kant). L'apparence est certes constitutive de l'expérience sensible, mais, pour Kant, nous n'avons accès qu'à elle : le monde des phénomènes renvoie en effet au monde des choses en soi, dont nous n'avons pas accès, car nous ne sommes pas pourvus d'une intuition intellectuelle. Ce qui constitue l'apparence réelle, alors, si l'on entend toujours ce terme dans le sens de l'illusion, ce sont les raisonnements fondés sur des concepts qui portent sur cette réalité inaccessible des choses en soi. Ces raisonnements sont nommés « dialectiques « par Kant, en référence à Aristote : un raisonnement dialectique est un raisonnement qui utilise des concepts auxquels ne correspond aucune intuition sensible. Ainsi, dans la perspective kantienne, il s'agit de rester toujours dans le domaine des apparences, si l'on entend par là le domaine des phénomènes (en tant qu'objets de toute expérimentation possible), et de s'éloigner de l'apparence transcendantale des raisonnements dialectiques. L'on s'écartera donc de l'apparence dialectique, précisément parce que l'on entend respecter notre mode d'appréhension des apparences phénoménales.

III. L'apparence, c'est l'être lui-même : il faut se fier à elle comme au fondement de notre expérience vécue (la phénoménologie). La phénoménologie, initiée par Husserl, a pour mot d'ordre le « retour aux choses mêmes « (Ideen) ; en effet, la phénoménologie constitue une doctrine philosophique qui part du principe que l'objet n'est rien d'autre que les phénomènes qui le manifestent.

L'apparence me cache la réalité en prenant sa place. Si je veux connaître la vérité, je ne dois pas confandre le paraître avec l'être. Toute l'histoire de la philosophie montre qu'il ne faut pas se fier aux apparences.

MAIS...

L'apparence est une manifestation de l'être. La dualité entre être et paraître est une chimère. L'apparence ne peut appartenir qu'à ce qui paraît, c'est l'apparaître de l'être.

« [Introduction] La notion d'apparence interroge d'emblée notre sens de la réalité, notre capacité à nous représenter les chosestelles qu'elles sont, et par là même notre exigence de vérité.

D'un côté, nous ne voyons que des apparences, et cesont elles qui nécessairement guident et initient n'importe quelle démarche de connaissance.

On ne peut que partird'elles, donc d'une certaine façon s'y fier, puisqu'en les posant comme étape nécessaire de notre quête, c'est unpeu de notre confiance que nous leur attribuons : elles nous dirigent, nous orientent d'une certaine manière.Pourtant, notre exigence même de vérité nous impose du même coup une méfiance envers des apparences que parailleurs nous savons bien ne pas être la réalité, ni cette essence une et immuable que nous posons au fondementmême de la vérité.

Les apparences sont trompeuses, disons-nous, et nous devons même nous en défier, voire lesdéfier, c'est-à-dire leur retirer notre confiance (nous en passer) et les mettre à l'épreuve de la réalité que nouscherchons.

Pourtant, on ne peut que s'interroger sur le statut de cet être fondamental que l'on pose au fondementdes choses et que l'on distingue si radicalement des apparences.

Cet être qui apparaît de multiples façons peut-ilvraiment, légitimement, être séparé de sa manifestation et de son apparence? N'est-il pas justement par samanifestation même sans laquelle il ne serait rien?Alors le problème se pose nécessairement de savoir quel statut et quelle valeur accorder aux apparences pourprétendre connaître quelque chose.Ainsi, de quelle manière ne pouvons-nous que nous fier aux apparences et comment cependant notre exigence devérité nous impose-t-elle de les dépasser? Comment toutefois devons-nous aussi réconcilier être et paraître pourune meilleure saisie du monde qui nous entoure? [1) Il est possible et légitime de se fier aux apparences.] Ainsi, il est tout à fait possible, voire légitime de se fier aux apparences : notre monde est celui de l'apparence etnous avons toutes les bonnes raisons de croire à celles-ci. [a) Le primat de la sensibilité nous impose de commencer par les apparences :] En effet, comment pouvons-nous appréhender les choses qui nous entourent autrement qu'à travers leursapparences? Il y a bien un primat de la sensibilité qui fait que c'est bien notre corps d'abord qui se met en rapportavec le monde.

Ainsi, nous sentons par nos cinq sens ce qui, après seulement, pourra être connu.

Notre conscienceest bel et bien incarnée et il est impossible de se faire conscience pure d'emblée.

Il y a une étape nécessaire etfondamentale qui fait que notrepremière approche est sensible et que nous ne pouvons que croire avant de savoir.

L'idée même d'une connaissance(cognosco : j'apprends à connaître) qui pourrait se passer de tout apprentissage paraît pour le moins fantastique etdouteuse.

Et la connaissance exige aussi une profondeur qui elle-même impose travail et médiation, donc des étapesintermédiaires.

Sinon, tout comme le prisonnier de Platon, c'est la souffrance d'un éblouissement trop direct etbrutal qui nous menace, rendant par là même impossible toute «vision» du vrai que nous cherchons.

Notre «âme» nepeut que subir les errances du corps qu'elle incarne et «naît» donc embarrassée d'abord des croyances dont lesobjets sont les images, c'est-à-dire les apparences.

Ainsi, je ne peux que croire savoir, étape fondamentale de laconnaissance qui situe bien l'Amour du Vrai comme un état intermédiaire entre le manque (pénia) et la provision(poros, l'issue, l'expédient).

En ce sens, on ne peut que partir des apparences et donc s'y fier car ce sont bien ellesqui vont débuter notre cheminement, cette fameuse dialectique ascendante qu'illustre le dialogue socratique, et quifait qu'on doit absolument faire état de ces apparences, en ce qu'elles constituent une sorte de matière premièresans laquelle aucun savoir (au sens de connaissance) ne sera possible.

Car l'aporie (absence d'issue) qui prépare ledésir de connaître ne peut naître qu'une fois admis qu'on croyait savoir, et donc qu'on ne sait rien.Ainsi l'apparence reconnue comme apparence est bien une manière de se fier aux apparences : on s'appuie sur ellespour préparer le désir du vrai, on reconnaît leur nécessité (les choses ne peuvent pas ne pas apparaître à notrecorps sensible) et on les pose comme telles (dans un « il me semble que, pour moi, Socrate, la vertu, c'est...

»). [b) Le désir de se fier aux apparences :] Mais on peut aussi poser que ce primat de l'apparence vient de notre désir même de croire d'abord aux apparences.Certes notre sensibilité est première, antérieure à toute autre saisie des choses, mais elle pourrait être superficielle,éphémère.

Or elle est à ce point ancrée qu'on est obligé de la réactualiser, tel Socrate invitant ironiquement lessophistes à faire étalage de leurs croyances.

Pourquoi un tel ancrage, sinon parce qu'il y aurait un réel désir de sefier aux apparences? Certes l'apparence correspond bien à ce que notre sensibilité sent des choses, c'est-à-dire àleur surface (ce que Platon appelle image ou reflet), ou encore à leur extériorité (tout ce que les sens peuventsaisir).

Mais l'apparence est aussi ce que moi subjectivement et relativement à ma propre sensibilité, je désire. »

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