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Faut-il opposer les actes aux paroles ?

Publié le 24/02/2004

Extrait du document

 
Analyse du sujet :
q Un acte est un mouvement volontaire qui engage le corps. Or, on peut commencer par remarquer que dans la parole il y a très certainement des mouvements de la bouche pour prononcer des mots
q Le sujet évoque une opinion commune, de l'ordre de la doxa, il faut dans un tel sujet commencer par réfléchir à la raison d'une telle opposition et chercher des exemples de la vie courante.
q Mais si les paroles sont distinguées des actes, c'est dans un premier temps car la parole prononcée n'a pas de corps. Un mot, en effet, n'a pas de chair. Il manque de la matérialité à la parole pour figurer parmi les actes, par ailleurs souvent compensé par l'écriture.
q De plus, les paroles s'évanouissent instantanément, elles ne durent que dans le souvenir. Rien ne nous assure de leur conservation, livrées à l'imperfection du souvenir et de la mauvaise foi des hommes. 
q Dans un second temps, il s'agit de différencier le moment de la parole et le moment de l'action selon l'expression courante « parler au lieu d'agir «. Celui qui se vante beaucoup n'est pas toujours celui qui agit. Le ridicule de certaines paroles rend compte du gouffre entre la réalité et ce qui en est rapporté par la parole.
q Une autre opposition vient de ce que la parole n'engage à rien. On peut promettre quelque chose et ne pas « tenir sa parole «.
q Enfin, il faut remarquer l'emploi du pluriel « les paroles «. Il connote une certaine profusion des paroles peu compatible avec l'image d'un « homme de parole « qui ne parle finalement que très peu.
Problématisation :
           Il semble que plusieurs raisons, plusieurs expériences pratiques, nous font opposer les actes et les paroles. Néanmoins, il s'agit de se demander si cette opposition est légitime et si elle peut fournir une opposition conceptuelle intéressante. Pour bien juger de la pertinence de cette opposition, il faut mettre en crise la pré-compréhension de ce qu'est une parole, de ce qu'elle engage d'un côté, et de ce qu'est un acte et ce qu'il engage dans l'autre.
 


« De cette première partie, il semble que les paroles masquent ce que les actes révèlent.

Cetteopposition peut-elle être généralisée ? 2.

Ces paroles qui nous engagent. a) Austin met à jour dans Quand dire c'est faire l'existence de ce qu'il nomme des actes de langages par des propositions performatives.

Ces propositions, qu'il distingue despropositions purement descriptives, accomplissent de véritables actes.

Par exemple, quand jedis « voulez-vous m'épouser », ou, encore si un responsable baptise un bateau, la parole estessentiellement une action.

Elle contribue à faire advenir ce qui est dit.

Contrairement à laparole descriptive elle n'est pas un simple redoublement de la réalité. Il est des paroles qui ne sont pas que du vent, qui ont des conséquences réelles.

Nous ne parlons pas que pour décrire la réalité.

Certains énoncés sont de véritables actes.

A partir de la DeuxièmeGuerre mondiale, la philosophie analytique de langue anglaise infléchit ses recherches enportant son attention sur le langage ordinaire, sur les richesses et les subtilités qu'il recèle.

Lesreprésentants de cette seconde génération de philosophes « analytiques » sont Gilbert Ryle,Peter F.

Strawson et surtout John L.

Austin, dont l'ouvrage Quand dire, c'est faire est publiéen 1960.

Il y montre que le langage n'est pas seulement un moyen de connaître le monde, maisqu'il est un acte total, impliquant tout un jeu de relations complexes entre les interlocuteurs, lecontexte, les conditions de communication et d'action, etc.En particulier, Austin met en évidence l'existence d'« énoncés performatifs » qui consistent nonpas, comme les « énoncés constatifs », à décrire un état de choses, mais à accomplir uneaction.

Tels sont, par exemple, les avertissements, les promesses, les déclarations...

« Je vousdéclare unis par les liens du mariage » ne décrit pas un mariage : c'est l'acte même par lequelun maire procède au mariage de deux personnes.Il ne faut donc pas se demander si une telle phrase est vraie ou fausse (c'est-à-dire, dans levocabulaire d'Austin, l'analyser du point de vue de sa valeur ("locutoire"), mais à quellesconditions elle réussit (c'est-à-dire mettre en évidence sa valeur « illocutoire »).Généralisant ces réflexions, Austin montre que toute phrase, même descriptive ou « constative», a une dimension « illocutoire » ou « performative ».

Par exemple, la phrase : « Le train vapartir dans deux minutes » n'est pas seulement la description d'un fait, elle est aussi unavertissement.

Si le train ne part pas, faut-il dire que cette phrase est fausse, ou qu'elle aéchoué ? b) La promesse est précisément un acte de langage.

Si elle est susceptible de décevoir quand elle n'est pas tenue, c'est qu'elle a été appréhendée comme sincère, comme unvéritable engagement.

Les politesses convenues n'engagent à rien pour des initiés à ce rite,mais pour quelqu'un d'extérieur à ce processus, elles peuvent avoir une grande importance, etsont des preuves aussi solides que des actes. c) De plus, je peux être engagé malgré moi dans ce que je dis, et notamment quand j'énonce ce que je veux faire passer pour des convictions.

La sincérité d'une opinion peutengager ma personnalité bien plus que des actes. 3.

Les limites de la distinction acte/parole. a) La manière d'énoncer une promesse peut être le signe d'un engagement ou d'une habileté à faire croire à notre sincérité.

Mais dans un cas comme dans l'autre celui qui l'entendy croit.

Toute promesse engage donc, mais toutes les paroles n'engagent pas, certainesparoles sont anodines, voir essentiellement utilitaires. b) Pour autant n'en va t-il pas de même pour les actes ? En effet, un grand nombre d'actes n'engagent pas, c'est le cas des actes quotidiens.

Il y a autant d'actes anodins que deparoles anodines.

Les actions qui engagent la volonté humaine et sa responsabilité sont parailleurs plutôt rares. c) De plus je peux agir sans avoir voulu ce que j'ai fait, comme j'ai pu exprimer ce que je n'ai pas voulu dire.

Les paroles, comme certaines actions, toutes involontaires soient-ellespeuvent blesser ou outrer.

Surtout si ces paroles sont prononcées d'une telle façon qu'ellessemblent exprimer le fond de ma pensée. d) Pendant la révolution française, les paroles prononcées dans l'Assemblée Constituante avait une grande importance, et de grandes conséquences.

Tout dépend donc d'où l'on parleet à qui l'on s'adresse. Conclusion : L'opposition n'est pas pertinente si elle est menée de front.

Néanmoins, elle reste essentielle dans le sensoù l'on peut toujours revenir sur ce que l'on a dit, et que les paroles restent souvent l'expression d'une insouciance.. »

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