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Faut-il perdre ses illusions ?

Publié le 05/02/2004

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Les illusions sont au coeur de nombreuses polémiques. De fait, cette perception fausse, en dehors de toute réalité, peut autant permettre de toucher à un bonheur prenant, qu'à nous mener à notre perte. L'illusion est souvent distinguée comme nous éloignant nécessairement du réel et de la raison. Elle nous induirait vers le faux, le trompeur, dans un univers sans doute rassurant et satisfaisant, mais dont le défaut majeur est de nous empêcher l'accès à la réalité. L'homme qui se fait des illusions s'imagine autre qu'il n'est. Cependant, il faut distinguer l'erreur et le mensonge de l'illusion, cette dernière étant une satisfaction imaginaire d'un désir, une conviction ; l'erreur étant quant à elle nécessairement un échec et le mensonge un fait que l'on sait ne pas être vrai, où l'être est conscient, contrairement aux deux précédents. Cela nous mène à nous demander quelles peuvent être les conséquences de ces illusions qui nous portent, et qui touche chacun de nous ? C'est pourquoi nous verrons quels sont les avantages et les inconvénients des illusions, et s'il est nécessaire ou encore possible de les perdre.

2. Analyse des termes

► L'expression «perdre ses illusions« fait partie du langage courant. Si nous l'énonçons en pensant à des situations assez variées, deux types de connotations semblent déjà apparaître, assez contrastées.

La seconde, elle, s'énonce plutôt sur le ton du reproche, désignant aveuglement ou faiblesse coupable, pour louer au contraire le réalisme enfin mature dont on fait preuve ou dont il serait temps qu'on fasse preuve: «Il a perdu ses illusions et s'est enfin mis sérieusement au travail«, «Vois donc la réalité en face ! Aies le courage de l'affronter au lieu de te réfugier derrière tes illusions!« Accepter la réalité comme elle est, voilà qui est positif: On déplore les illusions au profit de la réalité.  Dans tous les cas, évaluation positive ou négative, apparaît un décalage entre une certaine idée de la réalité et ce qu'il en serait véritablement. Ce qui est vrai serait différent de ce que je pensais être vrai. Cette seconde formulation nous fait passer au plan plus strictement philosophique.  

« Pistes de réflexion Il faut perdre ses illusions.• En commençant par là, on peut déjà être sûr de ne pas se trouver à court d'arguments en puisant chez denombreux philosophes, tant la plupart d'entre eux sont partis en guerre contre les illusions en tout genre.Ainsi l'infatigable travail de Socrate n'est-il pas de lutter contre notre illusion de «savoir»?Si j'arrive à découvrir que tout ce que je sais, c'est...

que je ne sais rien, alors s'ouvre en moi et devant moi la vraieet passionnante recherche, la curiosité féconde dans la conscience même des écueils de sa soif. Je sais que je ne sais rien (Platon). Cette phrase est attribuée à Socrate par son disciple Platon.

On en trouve la source dans l' « Apologie deSocrate » qui narre le procès intenté à Socrate par la ville d'Athènes alors que notre homme était âgé de 70 ans.Dans ce beau texte, Platon fait le récit de la vocation philosophique de son maître et des raisons véritables de sonprocès.

On y voit Socrate enquêtant auprès de ses concitoyens pour savoir pourquoi l'oracle de Delphes l'avaitdéclaré le plus sage des hommes.

Il s'attire ainsi des inimitiés qui amènent sa condamnation à mort.Socrate est en quelque sorte le patron des philosophes, au point que l'on appelle « présocratiques » les penseursantérieurs, comme si Socrate était l'origine de notre calendrier philosophique, à la façon dont Jésus-Christ l'est denotre ère. Or, Socrate , que l'on considère encore aujourd'hui comme « le plus pur penseur de l'Occident » (Heidegger ), est un personnage qui n'a rien écrit, dot toute l'activité s'est concentrée sur le dialogue avec ses concitoyens.

Les renseignements que nous avons concernant sa vie et sapensée proviennent donc essentiellement de ses deux principaux disciples, Xénophon et surtout Platon . La déclaration de Socrate : « Je sais que je ne sais rien » est une pièce centrale de son procès. Ce procès, qui allait voir la condamnation à mort de l'homme « le plus sage et le plus juste », n'est pas seulement resté comme un exemple du courage de l'homme face à la mort, comme un exemple du juste injustement persécuté.

Il n'a pas seulement alimenté les parallèles avec la fin deJésus ; il a signé le divorce entre la philosophie et la politique.

Qu'une cité comme Athènes, démocratique et respectueuse des lois, ait pucommettre un pareil crime, une telle injustice, cela allait détourner Platon de la politique, et plus fondamentalement entraîner la conviction que : - les affaires humaines et notamment la politique sont indignes et de peu de prix. - Puisqu'antagonisme il y a entre le philosophe et la cité, et que la dernière persécute le premier, il n'y aurait de cité bien organisée et de philosophie possible dans la paix « que quand les philosophes seront rois et les rois philosophes ». On trouve la phrase étudiée dans le contexte suivant : Socrate explique que l'un de ses amis était allé à Delphes demander à l'oracle s'il y avait un homme plus sage que Socrate , et la réponse fut non. Socrate se trouve alors confronté au sens des paroles du dieu, car, s'il ne se croit pas lui-même sage, il ne peut remettre en cause les paroles d'Apollon .

Il décide alors de se livrer à une enquête auprès de tous les hommes sages ou prétendument tels de sa ville : les hommes d'Etat, puis les poètes, puis les artisans.

Dans tous les cas, la conclusion de Socrate peut se résumer ainsi : « Je suis plus sage que cet homme-là.

Il se peut qu'aucun de nous deux ne sache rien de beau ni de bon ; mais lui croit savoir quelque chose, alors qu'il ne sait rien, tandis que moi, si je ne sais pas, je ne crois pas non plus savoir.

Il me semble donc que je suis un peu plus sage quelui par le fait même que, ce que je ne sais pas, je ne pense pas non plus le savoir. » Il faut prendre au sérieux cette définition d'une sagesse « toute humaine », et la relier à son art du dialogue et à sa conception de la philosophie.

Socrate , interrogateur infatigable et grand « bousilleur » d'idées reçues, tente toujours de dénoncer les idées toutes faites, les clichés, bref l'illusion de savoir. Socrate , dialoguant avec ses concitoyens, ne cherche pas à leur délivrer une vérité préfabriquée qu'il ne possède d'ailleurs pas.

Il cherche à mettre en évidence l'insuffisance de réponses traditionnelles, et à retrouver avec son interlocuteur, par un effort de pensée véritable, la signification réelledes notions communes.

Ainsi tous les citoyens d'Athènes croient-ils savoir ce qu'est le courage, ou la liberté, ou la vertu.

Ainsi, en réponse,Socrate passe-t-il son temps à leur montrer que leurs définitions n'en sont pas, qu'ils se contredisent.

On comprend que ses concitoyens se soient crus agressés, d'où l'origine véritable du procès. Mais ce travail de « déblaiement » n'est pas entièrement négatif.

Il s'articule autour de la volonté réelle de chercher ce qu'est un acte juste, ce qu'est la justice.

Il s'articule autour du désir de comprendre les actes des hommes et leurs significations. Or, il est évident que celui qui croit savoir ne cherche pas.

Comme le dit le « Phèdre », les dieux ne sot pas philosophes, car ils savent, et ne le sont pas non plus ceux qui, satisfaits d'eux-mêmes, ignorent leur propre ignorance.

C'est pourquoi le préalable à toutes recherches, à toutesinterrogations communes sur le sens de notre existence et de nos actes, est la conscience de notre ignorance et la mise à mort de l'illusion desavoir. L'un des grands messages de Socrate est que l'illusion de savoir est le plus grand obstacle au savoir, un coup d'arrêt au mouvement de la pensée et de la réflexion, à la remise en cause de nos acquis. Voilà comment Socrate interprète lui-même sa fonction à l'intérieur de la cité : « Je suis le taon qui, de tout le jour, ne cesse jamais de vous. »

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