De quoi la philosophie a-t-elle besoin ?
Publié le 25/01/2004
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Désirer quelque chose ne revient pas au même que désirer quelqu'un. Dans le premier cas, le désir tend à l'appropriation de l'objet, voire à sa destruction, condition, parfois, de la consommation. Dans le second cas, ce qui est mis en jeu par le désir est au contraire la reconnaissance mutuelle des consciences. A ce compte, le désir ne serait pas désir de l'autre (comme s'il s'agissait de s'approprier ce dernier) mais, plus fondamentalement, désir du désir de l'autre.La réciprocité et l'entrecroisement des désirs sont-ils compatibles avec la possession ? Celle-ci n'introduirait-elle pas au contraire une relation dissymétrique entre le sujet désirant et l'objet dont il tire sa jouissance ? Dans ce cas, le désir ne pourrait se déployer comme tel qu'à être radicalement privé de son objet - et l'amour devrait être redéfini comme la capacité à manquer infiniment de l'autre, et à l'autre, plutôt que comme le don total de soi à l'autre. Comme si le désir avait paradoxalement pour fonction de barrer l'accès à la jouissance, de la frapper d'interdit. L'idée que l'objet du désir lui fait nécessairement défaut pourrait du reste s'appliquer à d'autres types de désir que le désir sexuel. En particulier, l'étymologie du terme « philo-sophie » (« amour » de la « sagesse ») ne suggère-t-elle pas que la philosophie est vouée à se déployer comme le désir inextinguible d'une « sagesse » que nul ne pourrait prétendre s'être jamais appropriée .
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