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Faut-il respecter en autrui le semblable ou bien l'être différent de nous ?

Publié le 28/01/2004

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Pensons le génocide des communautés juives européennes par le régime nazi (qui assassina également les tziganes, les malades mentaux et des opposants politiques). On peut, à l'instar d'Antelme, comprendre la "solution finale", c'est-à-dire la programmation de l'assassinat systématique des juifs, comme ayant pour but, dans l'esprit des nazis, d'accélérer la transformation, la purification de l'espèce humaine, commencée par l'eugénisme massif (les "reproducteurs aryens") mais jugé trop lent. Lisons un extrait du livre de R. Antelme, L'espèce humaine, 1957. L'auteur y raconte sa survie à Gandersheim, puis à Dachau. Il explique que, malgré leur déchéance physique, malgré la perte progressive de la forme physique humaine, ils restent des hommes. "... Jamais on aura été si sensible à la santé de la nature. Jamais on aura été si près de confondre avec la toute puissance l'arbre qui sera encore vivant demain. On a oublié tout ce qui meurt et qui pourrit dans cette nuit forte, et les bêtes malades et seules.

« Cette réciprocité permet d'affirmer que le respect est universel ou n'est pas.Autrement dit, l'attitude du respect doit être universelle, valable pour touthomme, pour moi comme pour l'autre, quel que soit cet autre.

Du même coup,la forme de l'universalité qui doit caractériser le respect nous en donne enmême temps le contenu: le respect d'autrui est compris dans la maxime deconsidérer en tout homme la dignité de la personne humaine (une maxime estun principe de détermination de la volonté reconnu par le sujet comme valablepour lui-même).

Aussi cette considération de la dignité humaine doitprovoquer dans mon action une certaine retenue ou réserve qu'il fautcomprendre d'une double manière; à la fois par rapport à autrui comme "lamaxime de ne ravaler aucun autre homme au rang de pur moyen au service demes fins (de ne pas exiger qu'autrui s'abdique lui-même pour se faire l'esclavede mes fins)" (Kant, Doctrine de la vertu, Doctrine élémentaire de l'éthique,II, § 25); et par rapport à soi-même comme "une maxime de restriction denotre estime de nous-mêmes" (ibidem), c'est-à-dire que respecter autrui c'estcesser de nous croire le meilleur, rabattre sa propre présomption, vaincre sonpropre orgueil.

Ainsi respecter autrui, c'est reconnaître la dignité de lapersonne humaine sans accroître ou diminuer la valeur d'autrui, que ce soitdirectement par le mépris de l'autre ou indirectement par la vanité ou lacroyance en sa propre supériorité.

De la sorte nous évitons la soumissionvolontaire comme la volonté de domination, et la souffrance de l'orgueilcomme celle du mépris de soi-même.

Ce caractère du respect permet de préciser la différence avec l'amour.

Le respect n'est pas l'amour comme sentiment esthétique qui est affaire desensation (pour Kant en tout cas...) et de sentiment et donc échappe à la volonté (je ne peux aimer parce que je leveux, encore moins parce que je le dois).

Le respect n'est pas l'amour au sens pratique, c'est-à-dire comme maximede la bienveillance; celle-ci s'exprime par exemple dans le précepte religieux: "tu aimeras ton prochain comme toi-même", que l'on trouve dans l'Ancien testament (Lévitique, 19, 18) comme dans le Nouveau testament (Matthieu, 4,43 et 22, 39).

Ce précepte -le devoir d'aimer son prochain- peut être énoncé ainsi: c'est le devoir de faire miennesles fins d'autrui (pourvu qu'elles ne soient pas immorales).

Le respect en revanche ne consiste pas à vouloir les finsd'autrui mais à ne pas les ignorer (sous le prétexte que les siennes propres sont jugées meilleures par exemple).

Dumême coup, il devient clair que le respect implique l'égalité, mais une égalité qui est fondée non pas sur l'occultationde la différence entre mes fins et celles d'autrui mais sur l'affirmation de l'identité formelle de la dignité humaineégale en valeur en moi comme en autrui, en autrui comme en moi. Ainsi nous pouvons, au terme de sa déduction à partir de la réciprocité, caractériser le respect comme une attitudepratique dont la maxime doit être réciproque; le réciprocité a pour contenu l'universalité; le principe de ladétermination de mes action est la considération de l'égale dignité humaine en moi comme en autrui; enfin pourparvenir concrètement à cette considération, le respect implique de ne pas réduire autrui à un simple moyen auservice de mes propres fins et donc de ne pas se prendre pour la finalité des autres, donc de ne pas se croiresupérieur aux autres. Du même coup nous semblons être en possession du moyen de répondre à la question posée.

Conformément àl'essence du respect, nous respectons en l'autre l'être semblable en tant que nous respectons la dignité humaine oul'humanité, qui est le prédicat commun et universel qui me définit comme homme de même qu'il définit l'autre commehomme.

Cependant il y a une difficulté essentielle.

Quels sont les critères qui permettent de définir l'humanité? Sonconcept n'est pas d'une parfaite stabilité.

La violence historique et sociale essaye habituellement de se justifier àses propres yeux en posant que le respect n'est pas dû à ce qui n'est pas humain: il suffit de dire que tels hommesn'en sont pas c'est-à-dire de déterminer des critères suffisamment restrictifs pour exclure tels ou tels hommes del'humanité.

Kant définissait l'humain par le caractère d'être raisonnable: tout homme est un être doué de raison.Faut-il alors exclure de l'humanité ceux dont la raison paraît affectée? ou faut-il comme Hegel, à la suite de Pinel"l'aliéniste" français, le prescrit (Encyclopédie des sciences philosophiques, Philosophie de l'esprit, addition au § 408)continuer de considérer les fous comme des êtres éthiques souffrant de contradiction entre leur subjectivité etl'objectivité et les faire vivre, comme le faisaient les arabes de la période abasside (VIIe au XIIe siècle) pour leurpropre "fous", dans des jardins où on leur faisait écouter de la musique? L'enfant est-il un être raisonnable? Qu'est-ce que nous appelons être doué de raison? Si l'on nommait raisonnable tous ceux qui pensent qu'on doit écarteravec ou sans violence des hommes qui ont une autre religion, une autre couleur de peau, une autre façon de vivre,alors le respect et la rationalité autoriserait toute violence à l'égard de ces derniers.

Si l'on renonce à la définitionkantienne, il faut de toute façon déterminer la dignité humaine.

Qu'est-ce qui la définit? Est-ce l'identité propre,c'est-à-dire ce qui différencie de tout autre, autrement dit la différence? Est-ce l'appartenance à une communautédont il faut alors définir les limites? Mais l'identité commune n'est-elle pas soumise au risque d'être vide si l'on veut larendre valable dans toutes les cultures? D'un autre côté, si on la précise trop, ne risque-t-on pas de faire du typed'homme qui s'est historiquement imposé (le plus souvent par la violence) aux autres communautés, le référent pourla détermination de l'humain, justifiant ainsi par le fait ce que l'on présente comme une justification de droit? D'autrepart si l'on prend pour principe de la détermination de l'humain non pas des communautés culturelles, dont ladescription et la catégorisation impliquait en soi déjà un processus de nivellement et d'uniformisation, mais descomportements, à partir de quoi va-t-on déterminer le critère qui permet de distinguer des comportementsproprement humain de ceux qui ne le sont pas? Ainsi, bien que nous ayons déterminé l'essence du respect, le problème du critère se pose, qui définit l'humanité ou. »

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