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La formule "à chacun sa vérité" fait-elle problème ?

Publié le 08/02/2004

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La philosophie, parce qu'elle recherche la vérité, pose le problème de ses conditions d'accès et des critères du jugement vrai. Introduction Il arrive que les désaccords entre les hommes, tels qu'ils s'expriment par exemple sur le terrain moral, politique ou religieux, donnent l'impression d'une entente impossible. Le recours, dans ces circonstances, à l'expression «à chacun sa vérité» ne veut alors pas seulement dire que chacun a le droit de penser ce qu'il veut mais que personne ne voit les choses de la même façon. De sorte qu'il est normal que les hommes ne puissent pas s'entendre. Pourtant, à la réflexion, s'il était exact que chaque individu vivait dans son univers propre et que la vérité variait ainsi d'une personne à une autre, on ne pourrait plus s'expliquer cette fois que des hommes puissent partager des vérités communes. Ainsi par exemple, qu'entre catholiques et protestants l'entente soit difficile ne doit pas occulter qu'à l'intérieur de chacune de ces religions un grand nombre d'individus reconnaissent les mêmes dogmes. Comment cela serait-il possible si la vérité était toujours relative à chacun? Cette expression toute faite pose donc problème. La vérité est-elle une, indivisible et absolue ou bien est-elle relative? Et jusqu'à quel point?
► La question de savoir si cette expression «fait problème« est un peu étonnante. Car c'est la règle, dans une dissertation, de chercher à pro-blématiser la question que l'on nous pose. Nous l'avons expliqué dans le préambule méthodologique. On aurait donc pu demander: «Peut-on soutenir "à chacun sa vérité"?« et tout le travail aurait consisté alors à déterminer à quelles conditions cet énoncé faisait problème.

« conditions, démonstratives, empiriques ou linguistiques, ne peut pas ne pas être affirmé.

La vérité est ce quis'impose à tous les esprits.

Elle ne saurait donc être, par nature, une affaire individuelle. 3.

À chacun sa vérité A.

De la vérité à la question du sensLe scepticisme aurait donc tort.

Le vrai ne partagerait pas la subjectivité de nos sens.

Et s'il est effectivementrelatif, il ne saurait s'agir d'une relativité individuelle.

Pourtant, si l'on cesse de raisonner sur ce que les hommesaffirment et tiennent pour vrai, considéré abstraitement, en dehors du contexte dans lequel ces énoncés prennentsens, il est possible de rejoindre l'intuition de Pirandello.

Car quand deux hommes soutiennent la même chose etpartagent un avis, est-on jamais sûr qu'ils comprennent de la même manière ce sur quoi ils s'accordent? Ce qu'onappelle une vérité est un énoncé envisagé d'un point de vue strictement logique ou théorique, sans considérationd'autres principes de signification que la définition des termes qui le composent.

Mais dès lors qu'un individu parle eténonce quelque chose, son propos a un sens qui dépasse son contenu strictement logique.

La proposition «c'est unchien» peut avoir non seulement un impact affectif différent selon qu'on aime ces animaux ou qu'on en a peur, maisla valeur significative du terme «chien» peut varier d'un individu à l'autre: un enfant, un membre de la SociétéProtectrice des Animaux, un aveugle, un citadin exaspéré par les excréments de ces braves bêtes...

comprendrontdifféremment le mot «chien». Le sophiste Protagoras , écrit Diogène Laerce « fut le premier qui déclara que sur toute chose on pouvait faire deux discours exactement contraires, et il usa de cette méthode ». Selon Protagoras , « l'homme est la mesure de toute chose : de celles qui sont en tant qu'elles sont, de celles qui ne sont pas en tant qu'elles ne sont pas » Comment doit-on comprendre cette affirmation ? Non pas, semble-t-il, par référence à un sujet humain universel, semblable en un sens au sujet cartésien ou kantien, mais dans le sensindividuel du mot homme, « ce qui revient à dire que ce qui paraît à chacun est la réalité même » ( Aristote , « Métaphysique », k,6) ou encore que « telles m'apparaissent à moi les choses en chaque cas, telles elles existent pour moi ; telles elles t'apparaissent à toi, telles pour toi elles existent » (Platon , « Théétète », 152,a). Peut-on soutenir une telle thèse, qui revient à dire que tout est vrai ? Affirmer l'égale vérité des opinionsindividuelles portant sur un même objet et ce malgré leur diversité, revient à poser que « la même chose peut, à la fois, être et n'être pas » ( Aristote ).

C'est donc contredire le fondement même de toute pensée logique : le principe de non-contradiction., selon lequel « il est impossible que le même attribut appartienne et n'appartienne pas en même temps, au même sujet et sous le même rapport ».

Or, un tel principe en ce qu'il est premier est inconditionné et donc non démontrable.

En effet, d'une part, s'il était démontrable, il dépendrait d'un autre principe, mais un telprincipe supposerait implicitement le rejet du principe contraire et se fonderait alors sur la conséquence qu'il étaitsensé démontrer ; on se livrerait donc à une pétition de principe ; et d'autre part, réclamer la démonstration detoute chose, et donc de ce principe aussi, c'est faire preuve d'une « grossière ignorance », puisqu'alors « on irait à l'infini, de telle sorte que, même ainsi, il n'y aurait pas démonstration ».

C'est dire qu' « il est absolument impossible de tout démontrer », et c ‘est dire aussi qu'on ne peut opposer, à ceux qui nient le principe de contradiction, une démonstration qui le fonderait, au sens fort du terme. Mais si une telle démonstration est exclue, on peut cependant « établir par réfutation l'impossibilité que la même chose soit et ne soit pas, pourvu que l'adversaire dise seulement quelque chose ».

Le point de départ, c'est donc le langage, en tant qu'il est porteur d'une signification déterminée pour celui qui parle et pour son interlocuteur.

Or,précisément, affirmer l'identique vérité de propositions contradictoires, c'est renoncer au langage.

Si dire « ceci est blanc », alors « blanc » ne signifie plus rien de déterminé.

Le négateur du principe de contradiction semble parler, mais e fait il « ne dit pas ce qu'il dit » et de ce fait ruine « tout échange de pensée entre les hommes, et, en vérité, avec soi-même ».

En niant ce principe, il nie corrélativement sa propre négation ; il rend identiques non pas seulement les opposés, mais toutes choses, et les sons qu'il émet, n'ayant plus de sens définis, ne sont que desbruits.

« Un tel homme, en tant que tel, est dès lors semblable à un végétal. " Si la négation du principe de contradiction ruine la possibilité de toute communication par le langage, elle détruitaussi corrélativement la stabilité des choses, des êtres singuliers.

Si le blanc est aussi non-blanc, l'homme non-homme, alors il n'existe plus aucune différence entre les êtres ; toutes choses sot confondues et « par suite rien n'existe réellement ».

Aucune chose n'est ce qu'elle est, puisque rien ne possède une nature définie, et « de toute façon, le mot être est à éliminer » ( Platon ). La réfutation des philosophes qui, comme Protagoras , nient le principe de contradiction a donc permis la mise en évidence du substrat requis par l'idée de vérité.

Celle-ci suppose qu'il existe des êtres possédant une naturedéfinie ; et c'est cette stabilité ontologique qui fonde en définitive le principe de contradiction dans la sphère de lapensée.

C'est donc l'être qui est mesure et condition du vrai, et non l'opinion singulière.

« Ce n'est pas parce que nous pensons d'une manière vraie que tu es blanc que tu es blanc, mais c'est parce que tu es blanc qu'en disantque tu l'es nous disons la vérité » (Aristote ). Puisque, s'il est vrai que tout est vrai, le contraire de cette affirmation ne saurait être faux, le relativisme trouve savérité dans le scepticisme.

Dire que tout est vrai, c'est dire tout aussi bien que tout est incertain et que rien nepeut être dit vrai. Il apparaît que le scepticisme comme le relativisme est une position intenable.

Dès qu'il se dit il se contredit.. »

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