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FREUD: L'homme n'est point cet être débonnaire

Publié le 08/04/2005

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L'homme n'est point cet être débonnaire, au coeur assoiffé d'amour, dont on dit qu'il se défend quand on l'attaque, mais un être, au contraire, qui doit porter au compte de ses données instinctives une bonne somme d'agressivité. Pour lui, par conséquent, le prochain n'est pas seulement un auxiliaire et un objet sexuel possibles, mais aussi un objet de tentation. L'homme est, en effet, tenté de satisfaire son besoin d'agression aux dépens de son prochain, d'exploiter son travail sans dédommagements, de l'utiliser sexuellement sans son consentement, de s approprier ses biens, de l'humilier, de lui infliger des souffrances, de le martyriser et de le tuer. Homo homini lupus : qui aurait le courage, en face de tous ces Enseignements de la vie et de l'histoire, de s'inscrire en faux contre cet adage ? En règle générale, cette agressivité cruelle ou bien attend une provocation ou bien se met au service de quelque dessein dont le but serait tout aussi accessible par des moyens plus doux. Dans certaines circonstances favorables en revanche, quand par exemple les forces morales qui s'opposaient à ces manifestations et jusque-là les inhibaient, ont été mises hors d'action, l'agressivité se manifeste aussi de façon spontanée, démasque sous l'homme la bête sauvage qui perd alors tout égard pour sa propre espèce... Cette tendance à l'agression, que nous pouvons déceler en nous-mêmes et dont nous supposons à bon droit l'existence chez autrui, constitue le principal facteur de perturbation dans nos rapports avec notre prochain. C'est elle qui impose à la civilisation tant d'efforts. Par suite de cette hostilité primaire qui dresse les hommes les uns contre les autres, la société civilisée est constamment menacée de ruine. L'intérêt du travail solidaire ne suffirait pas à la maintenir : les passions instinctives sont plus fortes que les intérêts rationnels. La civilisation doit tout mettre en oeuvre pour limiter l'agressivité humaine et pour en réduire les manifestations à l'aide de réactions psychiques d'ordre éthique. De là, cette mobilisation de méthodes incitant les hommes à des identifications et à des relations d'amour inhibées quant au but ; de là cette restriction de la vie sexuelle ; de là aussi cet idéal imposé d'aimer son prochain comme soi-même, idéal dont la justification véritable est précisément que rien n'est plus contraire à la nature humaine primitive. FREUD

QUESTIONNEMENT INDICATIF

 • Quelle est l'importance des mots « instinctives «,  « primaires « dans la détermination de la thèse de Freud ?  • Les faits rapportés par Freud dans le premier paragraphe prouvent-ils en toute rigueur sa thèse ?  Comment d'autres penseurs en rendent-ils compte ?  • En quoi peut-on soutenir que « l'intérêt du travail solidaire « participe au maintien de la société civilisée ? En quoi Freud peut-il soutenir que c'est un « intérêt rationnel « ?  • Comment comprenez-vous « réactions psychiques d'ordre éthique « ?  • Que signifie ici « inhibé «, « identification « ; en quoi cela peut-il « limiter l'agressivité humaine «, « en réduire les manifestations « ?  • De quoi Freud veut-il rendre compte dans ce texte ? Quelles sont les implications « morales « et philosophiques de sa  thèse ? Que pensez-vous de sa thèse et de son argumentation ?

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« violence lui est-elle naturelle ou provient-elle de causes purement culturelles, clairement identifiables et contraires àsa nature ?Ce questionnement doit être replacé dans son contexte.

Freud affirme avoir été frappé par le déchaînement deviolence qui s'est produit, au niveau mondial, pendant la guerre de 1914-1918, et c'est le choc que causa en luil'ampleur de cette guerre qui l'amena à s'interroger sur la source de l'agressivité humaine.

La thèse qu'il défend icicherche à dénoncer un mythe, celui de l'homme naturellement bon, de ce prétendu « être débonnaire, au coeurassoiffé d'amour », idée que répandit en particulier Rousseau au XVIII siècle.Pour Freud, la violence est une donnée naturelle et «première», active et non réactive, une conduite qui puise sasource dans les instincts de l'homme.

C'est pourquoi elle peut être rangée au rang de ses besoins, comme l'attestel'expression « besoin d'agression ».

Quelles preuves peut-on donner de cela ? Il suffit de constater ce que nousenseignent les crimes entre individus, comme ceux commis entre les peuples.Le « prochain », c'est-à-dire l'autre qui partage avec moi la vie en société, n'est pas seulement celui dont l'entraideet la coopération permettent, grâce à la division du travail, l'émergence d'une société complexe et organiséesuscitant l'éclosion de tous les fruits de la vie civilisée.

La philosophie a trop insisté sur la valeur d'« auxiliaire »,c'est-à-dire d'aide, que chaque homme représente pour tous les autres.

Elle a trop insisté aussi sur le fait que leshommes et les femmes, comme objets sexuels possibles, sont la condition de la reproduction de l'espèce.En réalité, la principale fonction ou signification d'autrui est d'être un objet de tentation, une cible sur laquelle jevais être tenté de « défouler » mes pulsions agressives.

C'est donc bien autrui qui me permettra d'avoir cette formede jouissance qui naît lorsqu'un besoin est satisfait, et ce besoin particulier, Freud l'a nommé «besoin d'agression».C'est pourquoi la thèse soutenue par ce texte tient principalement en ces lignes : «l'homme est, en effet, tenté desatisfaire son besoin d'agression aux dépens de son prochain».

De cet enseignement, la sagesse antique a mêmetiré un proverbe que le philosophe anglais Thomas Hobbes rappela au XVII siècle dans son ouvrage Du citoyen : «Homo homini lupus » (l'homme est un loup pour l'homme).

Ce à quoi s'oppose cet extrait: Freud s'oppose ici à tous ceux qui, comme Rousseau, font de la violence humaine une conséquence de la vie ensociété.

Ce dernier pose en effet que les hommes, à l'état de nature, connaissent cette solidarité mutuelle quefonde le sentiment de la pitié.

Par « pitié », Rousseau entendait la capacité de se mettre à la place de celui quisouffre, capacité qui amenait tout homme à aider son prochain.

Or l'état de société est venu rompre une tellesolidarité en créant, avec l'invention de la propriété privée, les injustices qui poussèrent les hommes à s'opposer etnon à s'entraider.Freud rejette une telle conception.

Selon lui, la tendance de l'homme à l'agressivité n'est pas seconde et dérivée,mais première et naturelle.

Nous en faisons l'expérience lorsque nous éprouvons en nous la violence immédiate de ceque les philosophes de l'âge classique ont appelé les « passions », c'est-à-dire les sentiments que la raison necontrôle pas, comme la haine et la colère.

Une fois admise la réalité de cette agressivité, il faut alors livrer laconclusion qui s'impose : elle « constitue le principal facteur de perturbation dans nos rapports avec notre prochain».

Autrement dit, elle n'est pas un phénomène social provisoire, appelé à disparaître avec l'émergence de sociétésou de systèmes politiques plus justes.C'est une donnée indépassable de la nature humaine, sans solution définitive.

Aussi, contrairement à ce qu'affirmeRousseau, il faut inverser les perspectives que ce dernier avait établies.

On ne doit pas dire que l'homme estnaturelle-ment bon et que c'est la civilisation qui l'a perverti, mais affirmer au contraire que l'homme estnaturellement agressif et que la civilisation est un remède provisoire et précaire.

Remède qui tente, tant bien quemal, d'adoucir les moeurs et de «policer» les rapports entre les hommes.Solution fragile, qui ne doit pas nous enlever notre lucidité, voire notre pessimisme, car le caractère originaire decette hostilité implique que, quelle que soit sa forme d'organisation politique, « la société civilisée » reste «constamment menacée de ruine.

» FREUD (Sigmund). Né à Freiberg (Moravie), en 1856, mort à Londres en 1939. Agrégé de neuropathologie en 1885, il suivit à Paris les cours de Charcot et s'intéressa à l'étude de l'hystérie.

Ilfonda en 1910 l'Association Psychanalytique Internationale.

Il fit une série de cours aux États-Unis, devintprofesseur et, en 1920, professeur extraordinaire à l'Université de Vienne.

Il dut quitter l'Autriche en 1938.

-L'apport incalculable de Freud à l'histoire de la pensée consiste dans la création de la psychanalyse, qui est à la foisune psychothérapeutique, une « psychologie abyssale» exploratrice de l'inconscient et une théorie psychologique.

-Les composants psychiques de la personnalité sont : le moi, le ça et le surmoi.

L'inconscient est un systèmestructuré, qui se révèle par les rêves, les actes manqués.

Freud a insisté sur le rôle de la sexualité dans les conflitsde l'inconscient, les refoulements et les complexes.

Freud a eu l'immense mérite d'écarter« la dangereuse psychosede la dissimulation ». Oeuvres principales : Etudes sur l'hystérie (en coll.

avec Breuer, 1895), La science des rêves (1900),. »

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