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FREUD: Liberté et Civilisation

Publié le 09/04/2005

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La liberté individuelle n'est ement un produit de la culture. C'est avant toute civilisation qu'elle était la plus grande, mais aussi sans valeur le plus souvent, car l'individu n'était guère en état de la défendre. Le développement de la civilisation lui impose des restrictions, et la justice exige que ces restrictions ne soient épargnées à personne. Quand une communauté humaine sent s'agiter en elle une poussée de liberté, cela peut répondre à un mouvement de révolte contre une injustice évidente, devenir ainsi favorable à un nouveau développement de la culture et demeurer compatible avec lui. Mais cela peut être aussi l'effet de la persistance d'un reste de l'individualisme indompté et former alors la base de tendances hostiles à la civilisation. La poussée de liberté se dirige de ce fait contre certaines formes ou certaines exigences culturelles, ou bien même contre la civilisation. FREUD
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« Si par « liberté » on désigne la liberté d'indépendance (nommée par Freud liberté « individuelle »), c'est-à-dire lafaculté d'agir et de penser sans y être contraint et sans en être empêché par quiconque, et si la « civilisation »désigne l'ensemble complexe des phénomènes sociaux transmissibles, à caractère essentiellement (mais nonexclusivement) moral, alors il semble bien que la liberté soit incompatible avec la civilisation.

Comment en effet agirsans contraintes tout en s'efforçant de respecter des lois ?Spécifiquement humaine, la civilisation permet cependant de manifester et de conquérir une plus haute forme deliberté, fondée sur la capacitéde tout individu raisonnable de s'obliger à respecter intérieurement des lois justes.

On parlera en ce cas de " libertéd'autonomie ".Se demander si la liberté est incompatible avec la civilisation revient en somme à mettre au jour le type de libertéqui nous semble le plus révélateur de la nature humaine. [I.

La liberté individuelle ou d'indépendance est en effet incompatible avec la civilisation] Dans l'état de nature, qui se définit par l'absence de lois donc d'interdits, chacun a « droit sur toutes choses »(Hobbes) et se donne les moyens de se satisfaire.

Or le passage à la civilisation implique la renonciation à faire soi-même usage de la force et à nuire à la liberté d'autrui.

Ainsi, l'individu pouvait, par vengeance, assouvir une pulsionde meurtre dans l'état de nature.

Mais cela lui est interdit dans l'état civil, où il doit remettre la décision etl'application de la peine à une instance neutre qui se prononcera pour lui au nom de tous.Le fondement du contrat social et moral unissant les hommes « civilisés » est en outre que chacun se restreigne dela même manière (« la justice exige que ces restrictions ne soient épargnées à personne », affirme Freud).

Car si unseul individu s'avise de rompre le contrat et de faire valoir sa liberté individuelle au détriment de celle de tous ou, entout cas, de celle du plus grand nombre, alors c'est la civilisation elle-même qui risque de s'effondrer.

Commel'explique Hobbes, tout citoyen n'ayant plus l'espoir de vivre en paix dans l'état civil est légitimé à retourner à l'étatde nature et à faire usage de son droit naturel, de ce que Freud nomme la « liberté individuelle ».

Si la vie d'unhomme est mise en danger par exemple, il retrouvera les moyens de se défendre lui-même.

Mais il ne se comporteraplus en homme ou en femme « civilisé(e) ».Parce qu'elle est fondée sur la primauté de la communauté et sur le respect d'autrui, la civilisation implique larenonciation aux libertés individuelles indépendantes de toute valeur ou norme morale.Mais est-elle pour autant incompatible avec toute forme de liberté ? N'est-elle pas même la condition de lamanifestation d'une liberté plus haute et plus spécifiquement humaine que la liberté individuelle ? [II.

La civilisation n'est pas incompatible avec toute forme de liberté.

Mieux : elle est la condition de la manifestationd'une liberté plus haute et plus spécifiquement humaine que la liberté individuelle] Freud montre bien, tout d'abord, que la liberté individuelle elle-même ne disparaît pas totalement avec la civilisation.Elle est toujours tapie dans l'inconscient de l'homme et prête à resurgir, là où on l'attendrait le moins.

Cela n'est pastoujours à son avantage.

Mais elle peut aussi permettre à l'homme de prendre conscience de l'injustice profonded'une décision, non seulement pour lui personnellement, mais pour l'homme général.

Nietzsche montre ainsi que lescatégories de « bien » et de « mal » ont été forgées par une minorité d'hommes (essentiellement des prêtres) dansle but d'asservir les plus forts en les culpabilisant.

Mais elles ne sont pas du tout fondées dans la nature des choses.Elles représentent uniquement des catégories reçues par le plus grand nombre, par la « civilisation ».

La «persistance d'un reste d'individualisme indompté » peut alors ici servir à faire prendre conscience à l'homme del'absurdité de ces règles, et lui permettre d'aller puiser honnêtement, au plus profond de lui-même, des principes deconduite qui lui sembleront mieux fondés.

La liberté individuelle sert ici de sursaut contre la voix du plus grandnombre, qui n'est pas nécessairement la plus juste.

Elle est donc dans un premier temps hostile à la civilisation, maiss'avère par la suite désigner l'une des conditions de sa progression.

On peut en donner un exemple récent : le votedu PACS.

Le PACS autorise en effet des couples homosexuels à s'unir officiellement.

Il marque du même coup lareconnaissance, par la société, d'un choix sexuel que toute une tradition morale et religieuse se présentant commeabsolue avait jusqu'alors tenté de rejeter dans l'anormalité, au point de culpabiliser (pour les « civiliser ») certainshomosexuels.

C'est la force de la liberté individuelle pour braver les « normes » et les tabous qui a ici permis à lacivilisation de progresser vers une plus grande tolérance.Le passage à l'état civil s'accompagne en outre de l'acceptation, par l'individu, d'un certain nombre de règles visantà ne pas porter atteinte à la liberté d'autrui.

Il présuppose donc que l'on intègre les notions de respect et de dignitéde la personne humaine.

Il marque en ce sens le passage d'une liberté d'indépendance aveugle à une libertéd'autonomie éclairée, fondée sur la capacité de tout être raisonnable à se prescrire à lui-même des règles tirées dela seule raison (c'est par exemple la thèse de Kant).

Loin d'être incompatible avec la liberté, la civilisation en désigneainsi la condition absolue.

Car il n'est pas de progrès moral authentique sans cette liberté d'autonomie, toujours àparfaire. [Conclusion] La civilisation implique certes que l'homme renonce à l'usage effréné de ses libertés individuelles.

Car il doitdésormais considérer l'intérêt général et dompter en lui tous les résidus d'égoïsme.

Mais elle lui permet du mêmecoup d'accéder à une liberté plus haute, qui n'est pas seulement fondée sur l'intérêt bien compris : ne pas porteratteinte à l'autre par peur d'être soi-même lésé, mais sur un authentique sens moral, respecter en autrui la personnehumaine digne et responsable avec qui l'on partage, sans qu'aucun des deux ne soit lésé, la faculté rationnelle.. »

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