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Gaston Bachelard: Education et obstacle épistémologique...

Publié le 16/04/2009

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Dans l'éducation, la notion d'obstacle pédagogique est également méconnue. J'ai souvent été frappé du fait que les professeurs de sciences, plus encore que les autres si c'est possible, ne comprennent pas que l'on ne comprenne pas. Peu nombreux sont ceux qui ont creusé la psychologie de l'erreur, de l'ignorance et de l'irréflexion [...]. Les professeurs de sciences imaginent que l'esprit commence comme une leçon, qu'on peut toujours refaire une culture nonchalante en redoublant une classe, qu'on peut faire comprendre une démonstration en la répétant point par point. Ils n'ont pas réfléchi au fait que l'adolescent arrive dans la classe de Physique avec des connaissances empiriques déjà constituées : il s'agit alors, non pas d'acquérir une culture expérimentale, mais bien de changer de culture expérimentale, de renverser les obstacles déjà amoncelés par la vie quotidienne. Un seul exemple : l'équilibre des corps flottants fait l'objet d'une intuition familière qui est un tissu d'erreurs. D'une manière plus ou moins nette, on attribue une activité au corps qui flotte, mieux au corps qui nage. Si l'on essaie avec la main d'enfoncer un morceau de bois, il résiste. On n'attribue pas facilement la résistance à l'eau. Il est dès lors assez difficile de faire comprendre le principe d'Archimède dans son étonnante simplicité mathématique si l'on n'a pas d'abord critiqué et désorganisé le complexe impur des intuitions premières. En particulier sans cette psychanalyse des erreurs initiales, on ne fera jamais comprendre que le corps qui émerge et le corps complètement immergé obéissent à la même loi. Ainsi toute culture scientifique doit commencer, comme nous l'expliquerons longuement, par une catharsis intellectuelle et affective. Gaston Bachelard
• Si des adolescents ne comprennent pas une démonstration en physique, cela tient à quoi, selon Bachelard ? • Les adolescents ont-ils avant d'aborder la physique scientifique, une culture expérimentale ? Si oui, en quoi peut-on dire qu'elle est expérimentale! Est-elle pour autant scientifique ? • Dans l'exemple cité quelles sont les expériences (empiriques) qui peuvent amener à attribuer une activité au corps qui flotte, mieux au corps qui nage? — L'expression « corps qui nage «, est-elle mieux appropriée aux représentations « empiriques « (pré-scientifiques) que « corps qui flotte « ou s'agit-il de deux représentations différentes renvoyant à deux expériences différentes ? • Si l'on veut « sortir « (ou plutôt « faire sortir «) de ces représentations, qu'est-ce qui convient le mieux selon Bachelard ? — Commencer par la démonstration du principe d'Archimède ? — Ou « critiquer d'abord et désorganiser le complexe impur des intuitions premières « ? Comment opérer cette critique et cette désorganisation? S'agit-il d'une critique interne ou d'une critique externe ? • Ces réflexions condamnent-elles une pédagogie pure des modèles ? — Si oui, cela signifie-t-il que les adolescents ont tout à découvrir (à inventer) et qu'il est inutile que le pédagogue soit détenteur d'un savpir scientifique qu'il n'aurait jamais à exposer ? — Cela implique-t-il que le pédagogue ait des notions de psychologie, d'epistemologie et d'histoire des sciences ?

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« représentation de la réalité qui empêchait préalablement cette découverte, et qui fonctionnait donc comme unpréjugé.Pour faire comprendre cette idée, Bachelard se réfère à la pédagogie.

On peut y voir deux raisons : tout d'abordl'apprentissage n'est jamais terminé, et l'on peut ainsi comparer un savant qui découvre à un élève qui comprend ;ensuite, le travail du savant étant un travail de spécialiste, il est difficile de permettre au lecteur d'entrer dans lapsychologie du savant, mais en revanche chacun se souvient d'avoir été élève et a ainsi une expériencepersonnelle, si faible soit-elle, du progrès scientifique.Or cette expérience est parfois douloureuse, et caractérisée par une incompréhension réciproque entre professeuret élève.

De tous temps, les professeurs ont été brocardés, comme il arrive à toute personne exerçant une autorité.Et parmi les reproches qui leur sont généralement adressés figure au premier chef celui d'asséner les vérités sansréellement les rendre évidentes.

Une certaine pédagogie, dit-on, s'apparenterait davantage au gavage qu'à l'éveil del'intelligence, et les premiers visés par ce type de reproches sont les professeurs de sciences.Peu importe pour notre sujet que ces reproches soient fondés ou non.

Ce qui est remarquable, c'est ce paradoxe :celui qui sait ne comprend pas qu'on ne comprenne pas.

C'est qu'il y a quelque chose d'aveuglant dans l'évidence,comme d'ailleurs dans la vision, qui lui est étymologiquement et symboliquement apparentée.

Comment peut-on nepas voir ce qui se voit ? Le professeur ne peut-il pas alors légitimement suspecter l'élève d'être de mauvaisevolonté, voire, en dernier recours, de « stupidité » ?Mais ce mot ne veut rien dire, sinon qu'on n'a pas « creusé la psychologie de l'erreur, de l'ignorance et de l'irréflexion».

Le fondement de l'incompréhension professorale, c'est la représentation de l'ignorance sur le modèle d'uncontenant vide, de sorte qu'il suffirait de verser le savoir jusqu'à ce qu'il soit absorbé, ce qui conduit à considérer larépétition comme l'arme pédagogique absolue, ce que traduit la pratique du redoublement comme remède essentiel àl'échec.Or l'esprit de l'enfant n'est jamais totalement vierge de préjugés, ou, pour redire le mot, d'obstacles.

Ceci conduit àl'opposition centrale du texte : apprendre, ce n'est pas « acquérir », c'est « changer », ce qui est bien entendu àl'image de la réalité du progrès scientifique.

Pour se faire comprendre, Bachelard se réfère au célèbre principed'Archimède, auquel sans doute aucun élève n'a échappé.

Remarquons qu'on peut fique, loin d'être éternelle, n'aqu'une durée de vie très courte.

Si l'on persiste à opposer une vérité absolue à une erreur absolue, un tel paradoxeest injustifiable, et la seule conclusion logique à en tirer serait que la science n'est que charlatanerie.Mais dès lors que l'on comprend qu'une erreur n'est qu'une vision limitée de la réalité, alors on peut admettre quetoute vérité soit relative et provisoire.

En fait, cela aussi suppose une rupture : il faut, pour comprendre larationalité scientifique, rompre avec l'idée d'une raison uniforme, idée qui a pourtant régné sans partage dans l'espritdes savants des siècles passés.

Et donc, se remettre en question n'est pas simplement s'accuser, mais apprendre àpasser d'une forme de pensée à une autre.

Et tel est le plus difficile, et en même temps le plus passionnant, aussibien pour le philosophe que pour le savant : apprendre sans cesse non pas à penser davantage, mais à penserautrement. Licencié de mathématiques et professeur de physique et chimie, il fut professeur d'histoire et de philosophie desSciences, à la Sorbonne, de 1940 à 1954.

Il se tourna ensuite vers l'étude de la poésie.

Il nous indique son desseinen ces termes :« dialectiser la pensée et, par cette dialectisation de la pensée, comprendre enfin que le concret estmoins donné qu'il n'est construit, que les concepts clairs du mécanisme sont moins simples qu'arbitrairement — oucommodément — simplifiés.

Il s'agit de démystifier le rapport transcendantal du sujet et de l'objet, trop souventimmobilisé dans un rationalisme théorique et par là même aisément triomphant, et de recevoir les leçons del'expérience, loin de l'expérimentation, afin de « ne pas voir la réalité telle que je suis ».

Il s'est livré à une véritable« psychanalyse objective » de la matière, des quatre éléments, cherchant à accorder « l'esprit poétique expansif etl'esprit scientifique taciturne ». Œuvres principales : Le nouvel esprit scientifique (1934), Le rationalisme appliqué, Essai sur la connaissance approchée (1934), La formation de l'esprit scientifique (1938), La Psychanalyse du feu (1938), L'eau et les rêves(1942), L'air et les songes (1943), La terre et les rêveries du repos (1948), La terre et les rêveries de la volonté(1948), La Poétique de l'espace (1957).. »

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